(Note initialement publiée le 3 mai 2009)
J’ai englouti, ou plutôt je me suis laissée engloutir par le dernier Olivier Adam.
Paul Anderen décide de mettre les voiles. Un peu à l’envers. Il met les voiles à partir de Paris, afin de rejoindre sa Bretagne natale, Saint-Malo. Il embarque avec lui ses deux enfants, Clément et Manon, peu enchantés de larguer les amarres. En fait, ils sont tous les trois au fond du gouffre et ce déménagement, nécessaire, les déprime plus qu’autre chose.
Ils essaient de tourner la page. Ils essaient d’arrêter de tourner en rond sur cette page.
Sarah, l’épouse et maman, a disparu quelques mois plus tôt. Du jour au lendemain. Sans explication. La police pense qu’elle a choisi de changer de vie, tout simplement. Beaucoup de gens, les vipères de service, pensent la même chose d’ailleurs. Alors l’enquête s’étiole et les questions hantent la petite famille traumatisée. Car eux n’y croient pas, au départ volontaire. Ils pensent qu’un jour elle va revenir. Elle ne peut pas leur avoir fait ça. Pas elle.
Mais en attendant, il faut vivre. Il faut avancer car les enfants sont petits et leur avenir est en jeu. Changer d’air, retrouver la famille, voilà qui devrait assouplir les esprits contractés depuis trop longtemps.
Mais la Bretagne va à son tour charrier son cortège de problèmes. Encore une disparition. Puis une autre. Et à chaque fois l’enquête ramène vers Paul Anderen qui a déjà bien du mal à gérer sa propre vie, et qui se retrouve à gérer celle des autres.
Tel que je le raconte, on pourrait croire à un roman policier. Ce n’est pas le cas. Olivier Adam tente d’analyser ce qui peut bien se passer dans la tête des gens lorsqu’un proche disparaît mystérieusement (ou pas). Et Olivier Adam excelle dans la narration. Tout est décrit avec une acuité bouleversante. Les lieux, les atmosphères, les nuages, les visages, les émotions…on s’y croirait. On est Paul Anderen. On ressent Paul Anderen.
La disparition, sous toutes ses formes (il y en a plusieurs formes dans ce roman, intéressantes à comparer, mais je ne peux pas révéler certains éléments de l’intrigue), semble être le sujet de prédilection d’Olivier Adam, si j’en juge par certains de ces romans précédents. On disparaît beaucoup chez lui. Et on se morfond beaucoup aussi. Et on picole pas mal. Ça c’est d’ailleurs un petit (très petit) bémol que je mettrais à ce roman : ça picole sec à toutes les pages, beaucoup plus que de raison. À se demander comment Paul Anderen peut conduire sa voiture. [J’ai toujours eu du mal avec ces personnages qui s’envoient des litres de whisky pour un oui ou pour un non, à toute heure du jour, et qui conservent une lucidité et une faculté d’analyse à toute épreuve. Dans la vraie vie ça ne marche pas comme ça. Dans la vraie vie quand on boit une bouteille de vodka en entier, on va pas se balader en bord de mer en repensant avec nostalgie au bonheur perdu. Dans la vraie vie, on s’écroule, on vomit, on ronfle en bavant sur l’oreiller. Ou dans mon cas, on finit en réanimation à l’hôpital. Mais peu importe, un roman permet toutes les fantaisies après tout]
C’est tellement bien écrit, c’est tellement fluide et à la fois élaboré que chaque page est un ravissement. Les personnages sont attachants et l’intrigue est vraiment prenante. On a envie d’avancer, de savoir, on est comme Paul et ses enfants, et on voudrait qu’ils aillent mieux.
Et la mer…Et le ciel aussi. Et peu de soleil. Personnage à part entière, la mer habite toutes les pages est devient malgré elle le reflet tourmenté de tous ces personnages dont les vies ne tiennent qu’à quelques cordages grinçants.
