Never let me go (le film)

De Kazuo Ishiguro, j’ai lu The remains of the day et Nocturnes (recueil de nouvelles). Je n’ai pas lu Never let me go et il va falloir que je remédie au problème rapidement. J’ai acheté ce DVD récemment et je m’étais dit qu’il fallait que je lise le roman avant. Je n’ai pas résisté hier soir, compte tenu du programme pathétique proposé par nos chaînes nationales. L’avantage, c’est que j’ai pu bénéficier de l’effet de surprise total, vu que je ne m’étais jamais penchée sur le sujet de ce roman/film. Je m’attendais à un film sentimental classique, avec la « Ishiguro touch » en plus. J’ai eu bien plus que ça.

Fin des années 1978. Le pensionnat de Hailsham grouille d’histoires on ne peut plus banales d’enfants qui étudient, jouent, rient, pleurent. Kathy, Tommy et Ruth nouent des liens forts, d’amitié, d’amour, de jalousie, jusqu’à leurs 18 ans lorsqu’ils sont obligés de quitter l’institution pour s’installer ensemble dans une ferme.

[attention, gros spoilers dans les paragraphes suivants : si tu n’as pas lu/vu Never let me go, ne va pas plus loin]

Les enfants de Hailsham sont, avec des centaines d’autres ailleurs, des clones. Leur fonction dans la société est de fournir des organes aux personnes malades. Voilà ce que les médecins ont trouvé comme solution aux maladies incurables. Au bout de une, deux, trois voire quatre opérations, les donneurs meurent. Par obligation ou par choix (s’ils souffrent trop ou en ont marre). Et ils meurent dans la force de l’âge, généralement avant l’âge de 30 ans.

Ce film n’est absolument pas un film de science-fiction, ni même un film d’anticipation. C’est ce qui m’a fascinée. À aucun moment Kathy, Ruth ou Tommy ne songe à se rebeller. À aucun moment les clones tentent de s’unir pour se battre pour la reconnaissance de leur état d’être humain. De manière très furtive, on a vu une professeure de Hailsham leur dépeindre leur avenir avec noirceur mais pas d’esprit de rébellion là non plus. De la résignation, de l’acceptation. C’est comme ça et puis c’est tout. Pire ! Les donneurs semblent prendre leur rôle très à cœur et en particulier Kathy, qui devient « accompagnante » auprès de ses camarades hospitalisés, avant qu’elle-même, on le suppose, ne finisse par donner ses organes. L’objectif de ce film c’est uniquement, et c’est déjà beaucoup, de mettre l’accent sur le caractère éphémère de notre présence ici, sur la nécessité de profiter du temps qui passe et des gens qu’on aime. Quelle que soit notre condition : donneur ou receveur. Étrange façon de présenter les choses mais diablement efficace.

Le film est littéralement porté par les jeunes acteurs. Carrey Mulligan est exceptionnelle de justesse et de retenue. Andrew Garfield semble habité par Tommy et notamment dans une scène à la fin, où un cri primal sorti du plus profond de son âme fige et glace le sang instantanément. Quant à Keira Knightley, que je n’aime pas, je dois admettre qu’elle porte magnifiquement les peurs et les contradictions de Ruth. Mais elle m’agace toujours autant.

J’ai été frappée par la photographie de ce film. Des images très belles, des tons doux, des décors vintage…que du très rassurant pour les enfants des années 1970 et 1980. La performance des acteurs et la qualité de la réalisation réussissent le tour de force de nous faire oublier l’horreur du sujet traité. C’est la raison pour laquelle je veux lire le roman in ze texte, je suis convaincue que Ishiguro a traité l’histoire de la même façon, grâce à son style élégant et sa finesse psychologique. J’espère que je ne me trompe pas.

Mention spéciale pour les bonus du DVD : un documentaire d’une demi-heure avec les interviews du réalisateurs, des producteurs, de Ishiguro, des acteurs principaux (adultes et enfants), une analyse très intéressante de la part de Ishiguro et des réponses à des questions que je me suis posées (pourquoi ne se rebellent-ils pas ? Parce que. C’est comme ça, c’est leur vie, et en plus, ce n’est pas le sujet traité). On a également des dessins qu’un artiste a réalisés pour le film (les enfants de Hailsham sont invités à dessiner régulièrement, pour que leurs professeurs vérifient qu’ils ont bien une âme). Une série de fausses affiches réclamant justice et respect pour les donneurs…

Un sujet étonnant, traité de façon insolite, avec brio et élégance.

J’ai remarqué que quand je regardais un film-adaptation avant de lire le roman, j’étais toujours plus enthousiaste que dans le sens inverse. Ceci fera l’objet d’une note spéciale parce que j’ai pas mal de choses à dire à ce sujet.

1 Comment

T'as un truc à rajouter ?