Dans moins de 2 jours au moment où j’écris ces lignes, Thoma Vuille, alias M. CHAT, assistera à son procès contre la RATP qui l’accuse d’avoir dégradé les murs du métro avec un graffiti. Une énième représentation de son gros chat souriant peinte sur les murs en rénovation de la station Châtelet. En attendant, M. CHAT s’expose sans vergogne dans la très chic galerie Berthéas à Vichy.
[Update du 29/10/14 : le procès a finalement été annulé pour vice de forme. Pas de débats, donc.]
C’est spécialement pour cette expo que j’ai fait le déplacement à Vichy en ce dimanche ensoleillé d’automne. Elle se termine le 9 novembre prochain alors pour les amateurs de street art… ne tardez pas ! La galerie Berthéas jouxte le très historique parc des Sources de la jolie ville thermale, avec pour voisinage le hall des sources d’un côté, et le respectable casino-opéra de l’autre.
Et si M. CHAT avait décidé de redécorer l’opéra, lui aussi en travaux ? La place du street art n’a pas fini de susciter des débats enflammés. Faut-il le laisser dans la rue, l’accueillir dans les musées et galeries ? Si le street art s’embourgeoise, que reste-t-il de l’esprit de la rue ? Qu’est-ce qui fait qu’un graffiti est considéré comme une œuvre d’art plutôt qu’un acte de vandalisme ? J’imagine que ces questions agiteront les débats lors du procès car comment considérer ce dessin de M. CHAT dans le métro Châtelet ? Quand on voit que ses œuvres se vendent environ 4 000 € à la galerie… La RATP serait bien mal inspirée de renoncer à une œuvre aussi cotée, car les commandes à l’artiste peuvent se négocier 30 000€ pour une façade complète ; alors quand il l’ « offre » spontanément, il faudrait être sacrément imbécile pour ne pas en profiter. Pourtant, M. CHAT dans le métro, je trouve ça plutôt cool, mais si M. CHAT s’incrustait sur la façade de l’opéra de Vichy… ça me botterait un peu moins. Les contradictions du street art sont infinies et il y a probablement autant d’avis que de personnes. Ce ne sont pas les 1 800€ d’amende qui sont en jeu dans ce procès, loin de là. Si on risque de parler d’appropriation de l’espace public par les artistes, on pourrait peut-être aussi pousser jusqu’à notion de reproduction photographique des œuvres ? Je ne pense pas que Thoma Vuille interdise aux passants de photographier ses œuvres dans la rue, mais par contre… il est interdit de les photographier dans la galerie. Vitrines extérieures comprises. Je suis passée outre cette interdiction, vais-je faire l’objet d’un procès, moi aussi ? Je n’espère pas car moi, je n’ai pas trop les moyens, mes articles de blogueuse influente se négociant entre 0€ et un demi-burger. Quand le street art entre en galerie, on le met sous cloche, on laisse l’esprit « street » sur le pavé et la législation en vigueur dans ce pays semble tout à coup revenir à l’esprit de tout le monde. Un peu dommage. D’ailleurs, l’expo s’intitule « Légal-illégal ».
Mais revenons à l’expo justement, qui malgré l’interdiction de faire des photos est absolument réjouissante. « Toiles » de béton, de palettes de bois, sculptures métalliques… le chat se pare de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sans jamais se départir de son énigmatique sourire. Sourire bienveillant, narquois, parfois inquiétant… qui rappelle un peu le chat du Cheshire d’Alice au pays des merveilles. J’ai beaucoup aimé la série de M. CHAT volant sur les toits. Pas au point de « casser ma tirelire » comme m’y a encouragée le propriétaire des lieux, mais j’admets que certaines pièces m’auraient fait plaisir, comme une table en verre ou les mini-sculptures métalliques. J’en appelle donc à mes généreux lecteurs, qui ne manqueront pas de se cotiser pour m’offrir un beau cadeau de Noël. Non ? Bon. J’aurai essayé.