Demain, les jours raccourciront

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Je me souviens de ces tièdes soirées à déambuler dans les rues de la ville. Ici et là, quelques musicos intimidés, avec leur guitare, leur bite et leur couteau, dont on devinait qu’ils avaient passé des nuits à répéter leur répertoire constitué de quelques standards de Bob Dylan, des Beatles ou de Jean-Jacques Goldman. Ils étaient touchants de maladresse et de sincérité. C’était assez mauvais, évidemment, souvent, mais l’effort transfigurait ces stars d’un soir, d’un soir où tout était permis, où la chance était donnée, de se voir écouter, peut-être même applaudir, qui sait ? Cette jolie connaissance du lycée, savait-elle qu’il était musicien, ou à peu près ?

La fête de la musique, la célébration du solstice d’été, la nuit la plus longue, où il était autorisé de rêver. Était. L’été. 

Le festival de la musique de merde, des effluves de graillon, de shit et de bière tiède. Festival anxiogène, répugnant, prétexte consternant à tous les excès, tous les débordements. Des grappes de jeunes cons à l’œil vitreux, qui, à l’heure où les employés quittent le bureau, sont déjà en train de composer leur requiem. Fausse bouteille d’Oasis ou de Schweppes sous le bras, le playback se voit de loin. Il faut boire, jusqu’à plus soif, jusqu’à l’ivresse, pour supporter ces groupes d’un soir, recrutés par MP par des cafetiers en quête d’un spectacle bon marché pour vendre leur bière à prix d’or, celui du blé. Convivialité mon cul, mon œil, rendez-moi mes oreilles ! Les timides poètes à la guitare sèche ont cédé leur place à des formations bancales qui semblent découvrir l’usage d’un micro, d’un ampli, et la consternation d’un public venu par charité. Mamie, tonton, petit cousin, collègue de la compta, ils se pressent pour écouter le prodige de la famille qu’on n’entend jamais, et pour cause. C’est morose, c’est mauvais, très mauvais, et ça s’entend de loin. De trop loin. C’est à qui montera le son le plus fort, pour écraser les voisins. De la musique, il ne reste rien.

Du balcon, les relents de samba, de métal, de rock, de rap, forment un magma visqueux, lourd et poisseux, qui n’atteint pas le ballet insensé des martinets, dont les cris stridents et joyeux bercent ma soirée, berceront mon été. Demain, les jours raccourciront…

4 Comments

  1. mais que ça fait plaisir à lire !
    Ce soir je râlais sur Twitter justement, en disant qu’habiter dans le centre-ville ne me convient vraiment plus, et que la fête de la musique n’est qu’un argument de plus dans ma liste.

    Est-ce que ça n’est pas, aussi, parce qu’on veillit et qu’on se lasse un peu de tout ça peut-être ?

    1. @Sandrine : heureusement que c’est qu’un jour dans l’année ! ;) Pour ma part j’habite un quartier un peu excentré donc j’entends de loin, ça ne m’empêchera pas de dormir. Après… oui, c’est sûrement la vieillerie :D mais la multiplication des scènes amplifiées qui tuent dans l’oeuf toute velléité de se produire à un coin de rue… ça n’existait pas avant. On est obligés de subir la programmation des bistrots.

  2. c’est vrai que dans ce genre de fête on trouve tout et n’importe quoi, aux Francofolies et ailleurs à partir du moment qu’il y a rassemblement il y a trop souvent débordement d’une partie
    on peut fêter le solstice par une marche de nuit , en plus avec la lune ça le vaut bien

  3. puis-je rajouter, dans ma râlerie d’hier, qu’à 1h du matin, j’avais les vitres de mon appart qui tremblaient à cause de la musique
    (pourtant pas dans la zone piétonne, même un poil excentrée puisqu’à côté du Tram)

T'as un truc à rajouter ?

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