De coup du sort en coup de cœur, c’est un peu par hasard que le FRAC Auvergne est tombé sur les œuvres d’Ilse D’Hollander il y a quelques années. Il consacre une exposition exceptionnelle à cette femme insaisissable, qui a mis fin à ses jours en 1997 à l’âge de 29 ans, laissant derrière elle des centaines et des centaines de toiles peintes avec une sorte d’urgence vitale, de frénésie haletante, de compulsion maladive. C’est donc une oeuvre qui intrigue par sa réalisation même, mais aussi par la personnalité de l’artiste, qui est partie en emportant le secret et les tourments de toutes ses peintures.

Une première visite (lors du vernissage, ça n’est JAMAIS le bon moment) m’a laissée perdue et désarmée devant ces toiles colorées, tantôt abstraites (très), tantôt figuratives (peu), autant d’énigmes, de messages mystérieux offerts aux regards des spectateurs, et sans autre clé de lecture que cette fulgurance picturale. Une deuxième visite (guidée, c’est TOUJOURS la meilleure option au FRAC, depuis le temps que je vous le répète), m’a aidée à entrer en douceur dans l’univers d’Ilse D’Hollander, pour peu qu’elle ait laissé la porte entrebâillée. Dans l’immensité de son oeuvre, le FRAC a sélectionné des toiles représentatives de son travail et les a intelligemment mises en scène pour guider le spectateur dans sa découverte. Je pense notamment à cette salle du rez-de-chaussée qui aligne plusieurs toiles, de la plus figurative à la plus abstraite, semblant reproduire une évolution naturelle mais qui est une simple scénographie, sans lien avec une quelconque intention de l’artiste. Mais on comprend. On comprend que ce qui est figuré n’est peut-être qu’une rêverie abstraite, et que ce qui est abstrait représente peut-être une réalité dans l’univers d’Ilse D’Hollander. Des sensations, des morceaux de paysages, des souvenirs nébuleux, des constructions graphiques dont il faut parfois chercher les fondations dans les coups de pinceaux qu’on lit en collant son nez sur la toile, une recherche permanente de construire, les uns après les autres et à une vitesse folle, des tableaux à l’équilibre instable, fragile, qu’on abandonne avant qu’ils ne s’écroulent, pour passer aux suivants.
Ilse D’Hollander était extrêmement réticente à l’idée de vendre ses toiles, et même de les exposer. Trop exigeante, trop insatisfaite. Cette production extraordinaire, on peut légitimement le supposer, puisqu’on ne sait pas grand-chose, n’était peut-être qu’une succession de brouillons ? Aurait-elle accepté d’être ainsi exposée, de voir des pièces ratées, à ses yeux, accrochées dans les plus grandes galeries ? Rien n’est moins sûr. Ce qui semble être sa dernière oeuvre, celle qui était sur le chevalet lors de sa mort, est exposée au FRAC. Oeuvre inachevée ou point d’orgue, enfin satisfaisant ?

C’est une exposition exigeante, qui nécessite de passer du temps devant chaque tableau, ou du moins devant ceux qui vous interpellent, apparemment sans raison. N’y allez pas en espérant trouver des réponses, laissez-vous emporter par vos questions, elles vous emmèneront dans une rêverie inattendue.
Jusqu’au 30 décembre 2016
FRAC Auvergne
Du mardi au dimanche 14h à 18h (15h à 18h le dimanche, fermé les 24 et 31 décembre et jours fériés). Visite guidée le samedi à 15h et dimanche à 16h30. Visite “flash” le mercredi et vendredi à 15h (30 mn). Gratuit.
J’ai été témoin de ton désarroi suite au vernissage. Jamais ne n’aurais cru lire un article aussi inspiré quelques semaines plus tard !
Plus que jamais, visite guidée obligatoire.
@Val : c’est parce que quand y a un buffet, je perds toute concentration ;)