Jean Anglade est mort le 22 novembre 2017, à 102 ans, après avoir consacré une grande partie de sa vie à l’écriture de romans. Né en 1915 (à Thiers), il a tout d’abord été instituteur (ça me rappelle quelqu’un), puis prof de français et d’italien (en Auvergne) (voir sa fiche sur le site de son éditeur). Il a écrit plus d’une centaine de romans, essais, livres d’histoire… dont beaucoup racontent l’Auvergne et ses humbles habitants. J’avoue que je n’avais jusqu’à présent jamais rien lu de lui, et puis… Alexandre Vialatte, Robert Sabatier m’ont convaincue que cette littérature qualifiée avec un peu de condescendance de “régionale” pouvait être tout à fait plaisante, et même de très grande qualité pour qui, comme moi, attache une importance toute particulière au style et à la poésie des mots. Sa disparition (encore un qu’on croyait éternel) m’a incitée à ouvrir le seul ouvrage de lui que j’avais sur mes étagères, “Un souper de neige” (probablement un rescapé de la Maison de l’Auvergne à Paris, pour ceux qui se souviennent).
🐮
L’histoire de Léonce Bros commence dans les années 1930, à Saint-Coutain-des-Sources (village fictif inspiré de Saint-Santain-de-Maurs (Cantal) et Saint-Santain (Aveyron)), où une querelle de village fait rage avec Saint-Coutain, qui est en fait le même village mais côté Aveyron. En 1936, Léonce est un petit garçon qui va à l’école et qui voue une adoration pour son instituteur, figure paternelle qui remplace ce père inconnu dont sa mère ne voudra jamais lui parler, même sur son lit de mort. Léonce et sa mère sont pauvres, mais courageux et vaillants. Léonce s’amourache d’une petite fille, Flora, née dans une famille plus aisée ; ils vont vivre ensemble un amour platonique intense jusqu’à ce que la vie, et les conventions sociales surtout, les sépare avant de se retrouver enfin…(attention spoiler (mais je crois que vous ne serez pas beaucoup à le lire donc…)) à leurs vieux jours, où ils vont se rejoindre au village, amoureux comme au premier jour. Entretemps, nous suivrons les grandes étapes de la vie de Léonce, et notamment la Seconde Guerre Mondiale, et sa carrière dans les brasseries auvergnates à Paris.
Si l’intrigue est, disons-le franchement, assez mince, c’est surtout le regard de Jean Anglade et ses digressions qui font l’intérêt de ce roman. Cette Auvergne rurale, profonde, religieuse, courageuse et un peu bornée nous est contée avec beaucoup de bienveillance et de tendresse. Le roman se lit très facilement tout en déroulant un style impeccable, professoral, et nous éclaire sur des moeurs et des modes de vie que seul un écrivain ayant traversé le siècle peut nous raconter avec cette sincérité et cette authenticité.
Je ne sais pas si je me lancerai dans la lecture d’un autre roman de Jean Anglade. Peut-être sa fameuse trilogie thiernoise, pourquoi pas ? Si vous en avez lu qui vous ont plu, n’hésitez pas à me les signaler !
Je vous laisse avec deux vidéos réalisées par la prolifique WebTV Livradois-Forez. La première tournée pour les 100 ans de Jean Anglade, toujours vert, et la deuxième sortie juste deux jours avant sa mort, pour l’édition collector consacrée à la saga des Pitelet et des couteliers thiernois.
je l’ai rencontré plusieurs fois , c’est aussi un conteur