La forêt de Tronçais

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Celle que l’on nomme  “la plus belle chênaie d’Europe” m’appelait de son brame, ou de son hululement, ou du bruissement de ses feuilles, depuis bien longtemps. La forêt de Tronçais, si elle n’est pas la plus vaste forêt française (10500 ha tout de même), est certainement l’une des plus prestigieuses. 

Forêt d’exception

En 2018, l’ONF (Office national des forêts) a attribué à la forêt de Tronçais le label Forêt d’exception, détenu par seulement 17 forêts françaises. Cette distinction vient récompenser des années de travail autant qu’une histoire pluri-centenaire, et l’angle qui a été choisi pour mettre en valeur ce territoire a bien entendu été la tonnellerie. Tronçais forêt Prestige. Tronçais fournisseur officiel de merrains since beaucoup de centaines d’années. Euh wait… merrains ? Ah oui, voilà un terme que je ne connaissais pas jusqu’à ce 13 octobre dernier, date à laquelle Allier Tourisme avait convié la Team Ambassadeurs à découvrir la forêt de Tronçais, en compagnie de Chrystelle, de l’office de tourisme de la Vallée du cœur de France (aka Montluçon). 

Futaie Colbert I et II

Nous avons convergé vers le Rond Richebourg, l’un des nombreux “ronds” qui ponctuent la forêt, qui sont des carrefours où se croisent d’interminables lignes droites. Ce Rond est à l’extrême bordure de la forêt, à quelques enjambées du département du Cher. C’est ici que débute le sentier aménagé dans le cadre de la labellisation Forêt d’exception et qui s’étend sur 1 km dans la futaie Colbert II. Le retour. Car si vous avez entendu parler de la fameuse, la prestigieuse futaie Colbert, sachez que la première du nom est fermée au public et ce depuis 2017. Elle est désormais classée réserve biologique, c’est-à-dire que plus personne n’y touche, seules les personnes habilitées (ONF, scientifiques) ont le droit de venir y jeter un œil et c’est bien tout. Les majestueux chênes sessiles, dont certains ont plus de 300 ans, sont en train d’y mourir de leur belle mort, ils ne feront pas de tonneaux, à part peut-être quand ils tomberont sur le sol de la forêt, ils retourneront à la terre, et serviront de terreau fertile pour leur nombreuse descendance après avoir constitué, pendant encore des dizaines, voire des centaines d’années, un habitat de choix pour une multitude d’espèces animales et végétales. 

(j’oublie pas mes merrains, j’y viens)

Un destin alcoolique

Donc la Futaie Colbert II (qui est née en 1806 tout de même, c’est une vieille dame respectable) propose un petit parcours pédagogique particulièrement intéressant, qui explique le destin de ces chênes sessiles, depuis leur statut de gland jusqu’aux grands crus de vins. On y découvre une coupe de terrain, où l’on constate que le sous-sol de Tronçais n’est pas le plus riche qui soit et c’est tant mieux figurez-vous. Eh oui. Car qui dit sol pauvre, dit pousse lente. Et qui dit pousse lente, dit grain serré. Et qui dit grain serré dit bois de grande qualité pour les merrains. Nous y voilà. Les merrains sont les planches qui sont débitées dans le tronc des chênes. Le bois est fendu, comme des parts de gâteau, avant d’être assemblé par les tonneliers. Pour obtenir ces planches parfaites pour la merranderie, il faut sacrifier 70% de l’arbre (qui termineront en bois de chauffage ou en menuiserie traditionnelle), ce qui explique, entre autres choses (le temps de pousse, le sol, le simple nom de Tronçais…), le prix particulièrement élevé de ce matériau. Un aménagement du sentier permet de visualiser les différentes utilisations d’un arbre lors de sa coupe : plus on descend, plus l’utilisation est noble. Les fûts sont donc issus du bas du tronc, là où le bois est plus dense et sans nœuds. Pour en revenir au sous-sol pauvre, sa composition à Tronçais confère au bois une forte teneur en vanilline, dont les propriétés sont recherchées en œnologie, à la fois pour les arômes et pour la couleur (voir le document – un peu complexe – indiqué en fin d’article).

L’homme qui plantait des arbres

On apprend également sur ce parcours que la forêt est le résultat d’une intervention de l’homme à tous les stades de croissance de l’arbre : de la coupe à blanc d’une parcelle, à l’éclaircissement des rangs, au sacrifice d’individus non conformes (tordus, malades…). Depuis Colbert au XVIIe siècle, on est ici sur un espace cultivé, maîtrisé, mais qui ressemble à un espace sauvage, car les vieilles branches ont toute leur place ici en tant qu’habitat pour toutes sortes d’animaux (chauves-souris, rapaces…). Les autres espèces d’arbres qui se faufilent sous les chênes (hêtres, charmes) ont également leur intérêt : leur obstruer la lumière pour qu’ils aillent faire leur houppier le plus haut possible (et avoir un beau tronc bien droit bien lisse). Toujours dans l’idée de maîtriser ce qui se passe dans la forêt et optimiser la pousse des précieux chênes, il existe un quota maximum de cervidés à respecter, à savoir 500 têtes. Pour maintenir cette population, la chasse est évidemment autorisée mais non suffisante et complétée par des battues administratives. Pourquoi limiter la présence de ces animaux ? Tout simplement parce que les jeunes pousses d’arbres constituent un mets de choix pour eux, donc si on veut voir les chênes (et autres essences) se développer, il faut faire en sorte qu’ils ne servent pas de repas aux cerfs et autres chevreuils (qui peuvent aussi bouffer les jeunes écorces, notamment l’hiver, et un arbre écorcé est un arbre condamné, sans compter les mâles qui frottent leurs bois sur les branches souples pour retirer le velours et endommagent de jeunes arbres). Si la chasse c’est pas votre truc mais que vous avez quand même envie de croiser un cerf, le mois de septembre est le bon moment pour venir écouter son brame. Petites astuces données par Chrystelle : éviter les lumières (y compris plafonnier de voiture), éviter de claquer les portes de la voiture, et… être patient!

Une appli mobile pour pimenter la balade

L’ordre de l’écu d’or est une application mobile à télécharger pour jouer tout au long du parcours pédagogique, en flashant des QR codes. C’est un “explore game” où il faut réunir des indices pour résoudre une énigme, ou plutôt pour libérer la princesse. Le jeu peut se faire en famille et l’appli permet de télécharger le jeu (et un autre, qui se passe à Montluçon) sur la mémoire du téléphone, évitant les éventuels soucis de connexion une fois dans la forêt. Attention toutefois au poids des fichiers.

Tronçais, trésor du chantourneur

Notre petite troupe d’ambassadeurs a eu le plaisir de rendre visite à Philippe Jeangeorges, chantourneur sur bois, dans un son atelier de Cérilly. Chantourneur c’est un bien joli mot je trouve, et derrière cette appellation se cache le beau métier de sculpteur sur bois. Philippe a eu une autre vie avant de faire du travail du bois son métier à part entière. Issue d’une famille de menuisiers, il a depuis toujours manipulé le bois mais c’est l’expression artistique de cette activité qui le passionne. Dans son atelier, un joyeux foutoir moitié enseveli sous la poudre de bois et les copeaux, on croise des tortues, des oiseaux, une botte géante, un chat, des feuilles de chêne… tout un bestiaire et tout un herbier découpés, sculptés, dans du bois qu’il se procure dans les environs immédiats de Cérilly. Le circuit-court et même archi-court. Philippe peut fabriquer de délicates boucles d’oreilles, tout comme il peut, à la demande, aller sculpter un tronc mort dans votre jardin, pour lui donner la forme d’un ours ou d’un loup. Nous avons eu droit à une démonstration de découpe de feuilles de chêne, avant d’aller découvrir sa petite boutique aux trésors où s’étalent porte-clés, sculptures de toutes sortes, coucous… On peut bien entendu lui rendre visite (vous trouverez les horaires ici) ou le retrouver sur certains marchés de la région. 

Un grand merci à Aurélie et Léa d’Allier Tourisme pour l’organisation de cette belle après-midi, à Chrystelle pour ses explications passionnantes, ainsi qu’à tous les ambassadeurs pour leur sympathique compagnie ! 

🔎 Pour aller plus loin 

Le site d’Allier Tourisme

Le site du Pays de Tronçais

Le label Forêt d’exception de l’ONF

Un article de La Montagne sur la fermeture de la futaie Colbert

Une étude œnologique (pour l’histoire de la vanilline)

La merranderie expliquée

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