J’avais vu la bande-annonce de ce film de Felix Van Goeningen cet été. Je n’avais pas tout compris (les BA sont souvent volontairement cryptiques) mais je m’étais fait une idée assez précise du pitch et de l’ambiance. J’avais presque tout faux. Je m’attendais à un film musical dans la veine de « Once » (re-wink à qui se reconnaîtra) et c’est une fresque familiale bouleversante (et musicale) à laquelle j’ai assisté.
L’histoire d’Elise et Didier se déroule en Belgique, côté flamand. Elise, tatoueuse sexy, enjouée, tombe follement amoureuse de Didier, musicien de bluegrass et de country se produisant dans des bars avec de gros barbus à chemises carrelées. Très vite, le joli filet de voix d’Elise s’impose dans le groupe et le succès est au rendez-vous. La vie de bohème parfaite d’Elise et Didier prend un tournant radical le jour où un bébé s’annonce, inattendu. La petite naît, grandit, et fait preuve d’une vitalité épuisante. Ses premières santiags, ses fêtes d’anniversaires… Jusque là tout va bien. Jusque là. Des symptômes étranges, une fatigue, des bleus inexpliqués… Maybelle est atteinte d’un cancer. Les hôpitaux, les entretiens avec les médecins, les chambres stériles… Elise et Didier vont être entraînés dans une spirale infernale bien loin de leurs préoccupations du quotidien. Il faut pourtant continuer à tatouer, continuer à jouer et chanter.
Je m’arrêterai là pour le résumé du film car tout repose sur la construction, le montage des épisodes de la vie d’Elise et Didier. L’enchaînement de flash-back est extraordinairement bien maîtrisé. Le spectateur n’est jamais égaré et ce montage offre à ce film de deux heures un rythme à la fois dynamique et pesant. Dynamique car chaque scène est mise en balance avec la suivante ou la précédente, la tristesse et l’émotion laissent place aux sourires et pour le spectateur, c’est un ascenseur émotionnel éreintant. Et ce montage est pesant car il fait précisément prendre conscience que les moments de joie et de bonheur dans la vie sont à pondérer en permanence avec les horreurs que cette dernière est également capable de nous infliger. L’espoir, l’attente… le spectateur communie avec ce couple brisé et comme lui, il ne sait pas comment tout ça va se terminer. Ce film m’a rappelé « La guerre est déclarée », production française sur le même thème réalisée et jouée par un couple de comédiens ayant eux-mêmes vécu la maladie d’un enfant. Alabama Monroe en est la version sombre et pessimiste. Les deux rendent pourtant compte d’une même réalité. Alabama Monroe nous plonge plus particulièrement dans les relations d’un couple fusionnel, atomisées par la perte d’un enfant. Les reproches, les divergences spirituelles deviennent tout à coup autant de munitions pour faire souffrir l’autre, quand on a l’impression qu’il souffre moins, ou qu’on veut se décharger de ses propres responsabilités.
Quel meilleur moyen de plonger totalement dans une histoire que ne de pas connaître les comédiens ? C’est évidemment plus simple avec un film belge néerlandophone. Les deux principaux protagonistes sont bluffants de vérité. Les plans serrés et une photographie de haut vol contribuent à nous immerger dans cette bouleversante histoire.
Si je devais trouver un bémol à ce film, ce serait quelques séquences un peu bâclées ainsi qu’une séquence à la fin que je qualifierais de « marclévyesque » mais heureusement elle ne dure pas longtemps. C’est dommage car ce film, de par son histoire et sa réalisation, se rapproche de la perfection cinématographique. La bande-son « bluegrass » est de toute beauté sans que la « musicalité » du film soit trop envahissante ou inappropriée.
Comme on me l’a conseillé (trop tard) sur Twitter : sortez les mouchoirs.