Après avoir arpenté les étages du CNCS, admiré les moulures du Grand Café, et dérivé sans but dans le centre historique de Moulins, nous voilà devant le Musée de l’illustration jeunesse, le MIJ pour les intimes. Ce bâtiment du XVIIIe était une imprimerie au XIXe siècle, l’imprimerie Desrosiers. Après plusieurs vies, le voilà devenu écrin pour ce qui est sûrement la plus belle littérature qui soit : la littérature illustrée pour enfants.
Au rez-de-chaussée, un petit film pose rapidement l’historique de l’illustration pour enfant, d’abord dédiée à l’apprentissage. Ensuite une scénographie nous invite à rentrer dans les différentes étapes de son évolution, ainsi qu’à découvrir les secrets de fabrication d’un livre. Choix du papier, les couleurs, l’impression… des petites portes à ouvrir, une roue à actionner pour faire défiler les panneaux, tout est conçu pour se mettre à la portée d’un jeune public. Une partie atelier invite à créer son propre dessin via des tablettes tactiles ou tout simplement avec de bons vieux crayons. J’ai beaucoup aimé le petit « cinéma » à la demande, dans lequel on choisit son histoire en appuyant sur un bouton. Je n’ai pas regardé toutes les histoires proposées bien sûr, mais celle que j’ai vue était plutôt grave, traitant de sujets aussi délicats que l’isolement et la mélancolie. Rassurez-vous ça finit bien ! Bref, ça m’a fait regretter de ne pas avoir vu de séries « enfants » au festival du court-métrage. J’ai aussi beaucoup aimé le coin lecture, une pièce somptueuse habillée de bois et baignée de lumière (bon OK, le soleil était de la partie ce jour-là, ça aide).
Ensuite direction l’étage pour l’exposition temporaire « Pop up » ! Pour cela il faut emprunter un escalier baigné de lumière orange grâce aux rideaux de couleurs vives qui recouvrent les vitres. Et après… finies les photos ! Ouin !
[Petite parenthèse sur la diversité des attitudes au sujet de la photo amateur dans les musées. Parfois on me dit que c’est strictement interdit, parfois on me dit oui mais sans flash, une fois on a dit oui mais pas de gros plans, au musée des Arts asiatiques de Vichy on m’a dit oui oui oui elles sont même encouragées, parfois je ne demande rien, je prends et j’apprends après que c’était interdit, et au MIJ on m’a dit oui mais pas au premier étage… Bref, j’essaie de demander à chaque fois mais ça me paraît assez dérisoire et peu productif que d’interdire les photos (interdire le flash est évidemment nécessaire mais quelle personne saine de corps et d’esprit utilise encore le flash ?). C’est comme pour les plats dans les restaurants (polémique récurrente), j’estime que quelques photos sur les réseaux sociaux ne peuvent que valoriser le site de visite et donner envie à d’autres de s’y rendre. Fin de la parenthèse.]
Du coup, grosse frustration par rapport à cette expo Pop up car j’y ai vu des choses magnifiques que ma pauvre mémoire de poisson rouge aura tôt fait d’oublier (de quoi se consoler un peu dans le dossier de presse). Ce qu’on appelle livre pop up, ce sont ces décors qui se dressent comme par magie lorsqu’on tourne les pages, ou ces personnages qui s’animent lorsqu’on tire une languette. On a tous connu ça. On a tous également connu la languette cassée qui ne fait plus rien bouger et le décor raplapla qui ne s’ouvre plus à force d’avoir été malmené. Mais c’est une autre histoire. Dans chaque salle, un petit bureau invite les jeunes visiteurs à reproduire un style de livre présenté. Frise, découpage… et une belle surprise sur l’un des pupitres : le livre pop up de « L’homme qui plantait des arbres ». J’ai découvert ce magnifique texte de Giono lors de la cérémonie d’ouverture du festival du court et le voilà qui réapparaît à nouveau sous mes yeux. Je me suis empressée de chercher cet ouvrage sur les sites de vente en ligne mais il n’est malheureusement plus édité. On le trouve en occasion à des prix rédhibitoires. Ouin.
Dans une dernière pièce, le visiteur découvre des créations uniques réalisées par des artistes. Objets non identifiés, origamis littéraires, minuscules théâtres de papier, dentelle de lettres… tout est permis et surtout de rêver.
Une belle expo à voir jusqu’au 31 août 2014 au MIJ de Moulins. Des ateliers pour enfants sont régulièrement proposés.
Le dossier de presse (pdf) dans lequel on peut voir quelques photos des oeuvres exposées : DP-pop-up
Inutile de préciser que je suis fan de la façade et ses irrévérencieuses fenêtres colorées.
Bientôt l’heure de la visite littéraire à la Maison Mantin, nous reprenons les petites ruelles en direction du musée Anne de Beaujeu. Le musée et la Maison Mantin font entrée commune. Je n’ai jamais visité le musée mais il présente des collections plutôt classiques (archéologie, etc.). À noter qu’à partir du 1er mars, le musée ressort ses momies et autres collections de l’Egypte ancienne ! Je note aussi qu’il y a une visite « Qui dit vrai ? » le 1er avril, avec deux guides conférenciers dont un raconte des énormités et qu’il faudra démasquer. Plutôt sympa comme poisson d’avril !


Bref, moi j’étais venue pour la Maison Mantin. Je l’avais visitée il y a quelques années, peu après sa réouverture et j’avais été enchantée par ce lieu à l’histoire assez extraordinaire. Pour faire court, Louis Mantin est mort en 1905, en léguant sa maison à la ville de Moulins à la condition que celle-ci devienne un musée.

« On devra, autant que possible, surtout dans la partie neuve, conserver l’aspect et la distribution actuels de façon à montrer aux visiteurs dans cent ans un spécimen d’habitation d’un bourgeois au XIXe siècle. »
Grâce à notre guide-conférencier, nous avons également découvert d’autres dispositions testamentaires tout aussi surprenantes, telles que les sommes plus que généreuses attribuées à sa « compagne » ainsi qu’à ses domestiques, ou la construction d’un musée dans le pavillon Anne de Beaujeu comme condition pour le leg de sa maison. Louis Mantin est riche, rentier, mais c’est un homme de goût et de culture.
Pour les photos d’intérieur, voir le dossier de presse : DP-Maison-Mantin
Évidemment, sa maison n’est plus tout à fait telle qu’il l’a connue. On y rentre par un étage, à l’arrière, le « jardinet » en contrebas est devenu un jardin public et les cuisines abritent désormais les bureaux des employés du musée mais tout de même… elle a de beaux restes et surtout, ces derniers ont été restaurés avec patience et minutie après l’épreuve du temps. La maison, qui ne présentait pas d’intérêt particulier pour les contemporains de Mantin, est restée fermée près de 70 ans, en proie à l’humidité, aux moisissures et aux insectes. Il a fallu faire refaire tous les tissus à l’identique, tout reprendre du sol au plafond, équiper les vitres de filtres UV… avant de pendre enfin la crémaillère. C’est qu’il en avait du bazar le père Mantin ! Des tapisseries d’Aubusson dont les dimensions ont servi de base à l’architecte de la maison, pour que ça recouvre les murs pile-poil, des bouquins par centaines, une chambre rose pour sa femme qui n’était pas sa femme. Tiens d’ailleurs… il ne reste aucun portrait de cette mystérieuse illégitime, mariée à 15 ans et qui a quitté son époux pour vivre avec Mantin, dans le pêché, pendant 25 ans jusqu’à la mort du bonhomme. Il nous reste sa chambre, véritable bonbonnière au plafond de ciel réalisé par Auguste Sauroy (le même qui a commis le plafond du Grand Café). Mantin, l’ours collectionneur, et très amoureux on dirait bien, lui a légué une fortune colossale. C’est probablement l’objet le plus précieux qui a disparu de la maison, le portrait de cette femme. Tout le reste n’est qu’empilement d’objets hétéroclites. Bon, j’exagère un peu, emportée par le romantisme de cette histoire. Je ne vais pas décrire les pièces visitées, elles sont toutes passionnantes, et notamment le « musée » du dernier étage regroupant tout un tas de trucs invraisemblables (et avec une vue somptueuse sur la ville). Celle qui a ma préférence c’est la salle de bain. Une maison du XIXe siècle équipée d’une baignoire avec mitigeur, eau chaude et froide et, total respect, un placard chauffe-serviettes… le tout perché sur caillebotis dans une alcôve de toute beauté aux vitraux japonisants… y a pas à dire, Mantin en maîtrisait un rayon sur l’art de vivre. Je vous passe les toilettes, évidemment présentes. Visiter cette maison en fin d’après-midi, au soleil couchant… c’était assez magique. Les pièces à vivre, orientées ouest, étaient baignées par une douce lueur. Du coup l’ambiance était peu propice à la lecture des extraits littéraires choisis par notre guide du jour. Sauf pour « Nana » de Zola, qui décrivait l’installation de la courtisane dans ses appartements. Pour le reste… « La main » de Maupassant et « Le cœur révélateur » d’Edgar Allan Poe relevaient plus du fantastique à faire trembler dans les chaumières. Mais c’était bien sûr passionnant, et lu avec talent et conviction. Je regrette juste que peu de visiteurs aient répondu à cette visite littéraire (nous étions cinq). Je tiens à saluer notre guide, Marc Poligny (dont vous pouvez lire un portrait dans le canard local), qui habite littéralement cette maison (enfin non, enfin au sens figuré, hein). Totalement passionné d’histoire, incollable sur absolument tout, adepte de la digression exaltée, et à la verve stupéfiante. Le lieu en lui-même est passionnant, il réussit à le rendre vivant et j’en connais un qui doit être bien content dans sa pyramide (oui, il est enterré dans une pyramide de pierre de Volvic, don’t ask), même s’il a l’air de faire la gueule :

Entre parenthèses, j’approuve ta parenthèse. Ce que je peux être frustrée quand on me dit « photos interdites ».