Je vais revenir brièvement sur cette passionnante conférence donnée dans le cadre des 48h du polar à Clermont-Ferrand, à la maison du tourisme.
Bon déjà, c’est quoi les 48h du polar ? C’est un week-end d’animations et de rencontres autour de ce genre littéraire, mais plus largement autour du livre. Auteurs invités en dédicace, projections de films, conférences… de quoi passer un bon week-end.
A noter aussi que cette année, c’est l’excellent Florent Chavouet (c’est son blog, son site pro est ici) qui a réalisé l’affiche. Je cherche en vain le rapport avec le polar mais peu importe, je suis archi fan de Tokyo Sanpo et Manabeshima, ses deux BD sur le Japon (il avait reçu le grand prix Michelin aux Rendez-vous du Carnet de voyage pour Tokyo Sanpo). En plus il a sournoisement quitté l’Auvergne pour s’installer en Alsace et ça, c’est moche. Bref, il a fait l’affiche et c’est tant mieux.
Alors du coup, cette conférence… Intitulée « Le numérique et l’avenir de l’édition », elle était menée par François Andrieux, libraire clermontois et organisateur, Lucie Brasseur, jeune auteure qui vient de sortir son premier roman, et Michel Jacquet, co-fondateur des éditions Jarjille.
Lucie Brasseur a la petite trentaine souriante et enthousiaste et elle vient de sortir son polar « Les larmes rouges du citron vert » grâce à la plate-forme de crowdfunding Bookly. Ils sont 161 à avoir mis la main à la poche pour que son roman sorte. Le principe du crowdfunding pour ceux qui vivent dans une grotte : quelqu’un qui a un projet (livre, créer une entreprise, acheter un tracteur…) peut le soumettre à une plate-forme (Ulule, KissKissBankBank…), avec un montant minimum de fonds à lever pour que le projet voie le jour, et les gens (vous et moi) donnent des sous s’ils croient au projet. Si le montant minimum n’est pas atteint, les gens sont remboursés et le projet tombe (temporairement) à l’eau. Si le montant est atteint, le projet est lancé et les souscripteurs peuvent (ou pas) bénéficier d’une contrepartie, voire d’un retour sur investissement (exemple : My Major Company et l’effroyable Grégoire, « toi plus moi gna gna »). Bon enfin bref, Lucie a rassemblé la somme nécessaire à l’édition de son roman.
Comme elle l’a rappelé, moins d’1% des livres écrits sont édités. Envoyer son manuscrit aux maisons d’édition c’est plusieurs mois d’attente avant une réponse (négative). Avec le crowdfunding ça va plus vite et on sait où on en est. Lucie n’aurait pas été éditée par les maisons d’édition qu’elle a contactées, Bookly et le public lui ont donné sa chance. Cependant, ce n’est pas tout de le concevoir et l’imprimer, ce roman. Il faut le diffuser et le vendre. L’avantage de Bookly c’est que la plate-forme est soutenue par Prisma (maison d’édition de nombreux magazines) et Interforum (diffusion dans les réseaux de commercialisation), ce qui fait que le polar a bénéficié d’une bonne pub dans les magazines et d’une bonne mise en valeur dans les réseaux. Autre aspect à prendre en compte dans le crowdfunding, c’est le réseau d’influence. Si vous n’avez pas d’amis et/ou que vous débarquez de frais sur Internet pour vendre votre bouquin, vous allez avoir du mal à faire le buzz. Lucie a admis connaître personnellement une centaine de contributeurs sur les 160. Ce qu’elle a reconnu, aussi, c’est qu’elle aurait bien aimé être accompagnée dans la conception du roman. Car dans une « vraie » maison d’édition, il y a quelqu’un pour vous relire et vous demander des corrections reloues. Quoi qu’il en soit, c’est un pied à l’étrier inestimable pour un jeune auteur et je lui souhaite une belle carrière !
Je profite de ce paragraphe sur le livre et le crowdfunding pour parler d’une autre plate-forme, Bibliocratie, qui fonctionne à peu près de la même façon que Bookly. Le 24 avril prochain, vous pourrez venir écouter l’un de ses fondateurs, Eric Fayet, à l’occasion des « Pépites de la culture », conférence à cinq voix organisées par Auvergne Nouveau Monde à La Jetée à 19h. A ses côtés, Mr Nô pour la musique électro, Antoine Lopez pour le festival du court, Didier Veillault pour la Coopé et Marie Paccou pour le film bricolé. Inscription obligatoire (klik) si vous ne voulez pas manquer ce beau rendez-vous avec la culture auvergnate. En plus j’y serai… (argument implacable).
A noter aussi, la plate-forme www.leslibraires.fr, réseau de librairies indépendantes, pour commander vos bouquins ailleurs que chez le géant que je ne citerai pas… (et que j’utilise abondamment, pauvre de moi).
Autre invité de cette conférence, Michel Jacquet, co-fondateur des éditions Jarjille, et auteur sous le nom d’Alep. Basée à Saint-Etienne, cette micro maison d’édition a décidé de travailler au plaisir. Ils font essentiellement de la BD et de l’illustration jeunesse, et éditent en petites quantités de jeunes auteurs souvent en quête d’un pied à l’étrier (avant d’aller jouer dans la cour des grands). Michel Jacquet parle de son métier avec passion, tant et si bien qu’il a réussi à me donner envie d’acheter un livre de photos (entorse passionnée à la BD) ainsi qu’une BD.
Au-delà de leurs métiers respectifs, c’est une leçon de choses sur la chaîne du livre qui a été donnée au public présent à cette conférence. Stocks, droits d’auteur, pilonnage devant huissier, représentants qu’il faut séduire ou éconduire, public qu’il faut convaincre de revenir dans les librairies, e-books, prix du livre… c’était vraiment passionnant. Ce qu’il faut en retenir, c’est que quoi qu’on en dise, il se publie toujours plus de livres et BD chaque année. Trop. La lecture se porte bien, merci, mais quid de la qualité ? Débat hâtivement évoqué, celui des goûts et des couleurs… Pour ma part je crois dur comme fer à ces petites maisons d’édition qui font de la haute qualité artisanale car il y a un public pour ça. Du beau papier, une belle facture, de l’audace dans les choix d’auteurs, de la passion. Lisez, lisez, il en restera toujours quelque chose, comme disait l’autre (ou presque) !
Comme je n’ai peur de rien, j’avouerai que ma culture française en pointillé ne m’a pas permis de comprendre « l’effroyable Grégoire, « toi plus moi gna gna » ». Après avoir duckduckgo-tté (quand vous en aurez marre de voir chacune de vos recherche transformée en bombardement publicitaire, et les premiers resultats de la recherche être des publicités déguisées, vous changerez votre moteur de recherche pour duckduckgo.com !), je me suis rendu compte que je n’avais rien perdu!
Encore une fois, la richesse de ta région n’a d’égale que celle de ton talent pour la mettre en valeur! Ton article fait un tour incroyablement intéressant de l’édition d’aujourd’hui. Avec la richesse de ces rencontres, je crois que tu viens de prouver qu’effectivement, la technologie nous permet de rendre viables des projets voués à l’échec autrement. La région dans laquelle on se trouve n’a plus qu’un rôle limité dans le succès ou l’échec d’un projet, et la qualité trouvera toujours son marché!
Ceci dit, commander un livre chez le géant d’internet, moi, jamais! ;-)
@sdf de luxe : savoir que des gens sur la planète ont échappé à Grégoire a quelque chose d’un peu rassurant :D
Et merci pour tes compliments !
Entre les petites maisons d’édition et le crowdfunding, je pense qu’il n’y a pas à argumenter..enfin, chacun a sa propre vision des choses. Je reviens également sur le sujet ici: http://www.monbestseller.com/actualites-litt%C3%A9raire/2805-ebook-edition-papier-le-crowdfunding-pour-les-auteurs#.VDdWtBZ5XIV des fois où vous souhaiteriez connaitre mon point de vue.
@Mon best seller : les limites du crowdfunding, c’est la multiplication de l’offre à l’infini et un peut-être ras-le-bol du public d’avoir à financer un truc dont ils se sont pas sûrs de la qualité. Pour avoir lu « Les larmes rouges du citron vert », je suis désormais convaincue de l’intérêt des maisons d’édition dans leur rôle de conseil aux auteurs. Le boulot de relecture/corrections/conseils est indispensable pour avoir un rendu de qualité. Ce n’est pas parce que tout le monde est capable d’écrire trois pages et de trouver 50 personnes pour les payer d’avance que ça fait de chacun de nous un auteur…