Maroc, couleurs désert – musée Bargoin de Clermont-Ferrand

Encore une bien jolie exposition qui vient d’ouvrir ses portes à l’étage du musée Bargoin, au département des arts textiles. Au rez-de-chaussée, passez votre chemin, les collections permanentes ont disparu, laissant place à des ouvriers qui travaillent à la prochaine grosse expo consacrée aux Gaulois (ça promet d’être chouette, rendez-vous en juin au musée Bargoin et au MARQ !).

J’avais prévu de profiter de la gratuité du premier dimanche du mois et puis finalement… la météo m’a découragée d’aller visiter un château, et j’ai vu qu’exceptionnellement deux tisserandes marocaines seraient là pour faire une démonstration.

Quel plaisir, après avoir traversé Clermont dans le froid et le vent, de s’immerger au cœur du Maroc et de ces tapis aux couleurs chatoyantes !

Les tisserandes de la tribu Aït Khebbach, depuis les années 1980, tissent des tapis et autres couvertures avec des pulls détricotés, des poils de chèvre, des laines multicolores trouvées au souk…  Des carrés de toutes les couleurs, ornés de losanges, de motifs résille… voilà le point commun à toutes ces femmes. Pourtant, chacune possède son style bien à elle et fait preuve de créativité et de technique dans chaque pièce, qui est évidemment unique.

On en prend vraiment plein les yeux, grâce (comme toujours) à une scénographie soignée qui met en valeur les couleurs éclatantes de ces tapis. Deux « tentes » berbères ont été mises en scène : coussins, tapis, petites tables et livres photos sont à disposition des visiteurs. Ces derniers sont invités à se déchausser avant d’y pénétrer.  J’ai adoré ces grands portraits, profonds et touchants, de Serge Anton, au cœur des créations. A taille humaine, ils nous rapprochent un peu de ces femmes qui ont pour la première fois prêté leurs créations pour qu’elles soient exposées. Les tisserandes de la tribu Aït Khebbach vendent rarement leurs tapis, ce sont de véritables éléments de décor de leur vie quotidienne.

Je mesure la chance que j’ai eue d’assister à la démonstration de ces deux tisserandes, accompagnées de leur traducteur. J’ai ainsi pu me rendre compte à quel point c’était un travail de longue haleine. Chaque « poil » de tapis est noué individuellement, et tranché au couteau, sur un métier à tisser artisanal. Le décor prend forme lentement, avec minutie. Fascinée, je suis restée tellement longtemps à les observer que Lahcen, leur accompagnateur, a fini par me proposer de m’asseoir sur son tabouret (« Assieds-toi ! ») ! Avec son aide, l’une des tisserandes a fabriqué un métier à tisser sur un cadre en métal, destiné à confectionner un coussin. Effarée par la lenteur de l’ouvrage, j’ai demandé combien de temps était nécessaire à la réalisation d’un tapis : celui sur lequel les tisserandes étaient assises a nécessité dix jours de travail. Je n’ose pas imaginer combien de temps il a fallu pour réaliser les immenses pièces accrochées au mur juste à côté ! Et le tapis en cours a été commencé le 29 avril, jour de l’inauguration de l’expo. Les tisserandes n’étaient là que pour quelques jours, malheureusement, mais une vidéo explique très bien la technique utilisée.

Eloge de la lenteur, du recyclage et de la créativité, cette exposition haute en couleurs est à voir absolument jusqu’au 24 août 2014.

A noter, la Nuit des Musées le 17 mai (mais je ne vais pas pouvoir me dédoubler), et le 22 mai à 18h, conférence au sujet de la collecte des tapis et autres créations des femmes Aït Khebbach.