Le FRAC Auvergne propose une nouvelle exposition estivale plutôt audacieuse. Un seul invité, Camille Saint-Jacques, à la personnalité atypique dans le monde de l’art.
Camille Saint-Jacques a abandonné toute activité lucrative concernant ses œuvres. Il a quitté sa galerie et gagne maintenant sa vie en tant que prof. Lorsqu’il lui arrive de vendre une œuvre, les gains sont reversés à des associations. Sa philosophie ? Etre libre. Libre de créer ce qu’il veut, à son rythme, avec une économie de moyens qui remet en perspective le travail de certains artistes, au processus et à la technicité complexes. Ce qui n’enlève rien à la complexité de ses propres œuvres. Il utilise de la « drawing gum », dont j’ai découvert l’existence à l’occasion de cette visite. Avec un stylo, il dépose cette gomme, la laisse sécher, peint par-dessus puis l’enlève méthodiquement afin de révéler les parties du papier protégées et restées blanches. Mais avant ça, il assemble ces feuilles de papier, en les collant, à la taille de son projet. Il peint un cadre à l’aide d’un gabarit et l’œuvre peut commencer à prendre forme. La gomme à dessiner implique un travail long et fastidieux de décollage et bien sûr, tant que tout n’est pas enlevé, on ne peut pas savoir à quoi va ressembler le résultat final. Durant les périodes de séchage, Camille Saint-Jacques écrit. Il note sur un journal les souvenirs, les émotions, les étapes qui l’ont amené à créer une œuvre. Celles exposées au FRAC sont chacune accompagnées d’un petit texte qui donne quelques indications sur le processus créatif. Difficile, en regardant une œuvre, de savoir ce qui l’a inspirée. Car Camille Saint-Jacques travaille à partir du réel. Lumières, ciel, eau, instants furtifs, souvenirs confus ou précis, émotions du quotidien. Seule entorse à ce processus, les « dibbouks », ces esprits de la mythologie juive, qui prennent sous le pinceau de l’artiste des formes étranges et graphiques. Difficile de tout apprécier dans le travail de Camille Saint-Jacques, tout est affaire de réactions émotionnelles subjectives face à une couleur, un motif… et j’en ai eu quelques-unes. Sa démarche artistique m’a également beaucoup touchée et impressionnée.
Il s’agit de la première exposition de cette ampleur consacrée à Camille Saint-Jacques. Il n’expose quasi jamais, ses œuvres étant conservées chez lui, pliées. Son travail de peinture associé à son écriture sont à découvrir pour s’imprégner d’un « art pour l’art » et sans arrière-pensée. Ses œuvres simples et empreintes de sensibilité décomplexent le visiteur qui peut facilement s’imaginer, lui aussi, coucher sur le papier les émotions de son quotidien.
Exposition au FRAC Auvergne du 21 juin au 21 septembre 2014. Gratuit.