Les chèvres de ma mère

Tout plaquer et partir élever des chèvres dans le Verdon…

[Je tiens à remercier Val pour m’avoir informée de la rediffusion de ce film au Rio. Je serais très probablement passée à côté de ce documentaire aussi passionnant que sensible. Petite parenthèse « déco » : le Rio a refait son hall d’accueil cet été et c’est très joli. Voilà.]

chevresMaguy arrive à l’âge où on voudrait bien se reposer. Après 40 ans à élever ses chèvres chéries et à faire du fromage dans le Verdon, elle doit se résoudre à se séparer de son troupeau si elle veut que lui soient versées ses pensions. Elle accueille donc Anne-Sophie, jeune agricultrice qui souhaite s’installer au plus vite, pour un long parrainage en vue du rachat du troupeau et de la cession de parcelles. Entre la soixante-huitarde venue aux chèvres par quête d’idéal et la jeune chef d’entreprise et ses prévisions sur cinq ans, ses subventions, ses réglementations… le choc des cultures est profond, mais géré en bonne intelligence.

Ce documentaire est réalisé par la propre fille de Maguy, Sophie Audier. Double niveau de lecture. La transmission d’un métier et d’un bien à un tiers vu par l’œil bienveillant de celle qui aurait pu hériter de tout ça.

Maguy est une femme intelligente, drôle, forte, au caractère forgé par ce paysage somptueux du Verdon. Mais c’est aussi une femme qui doit renoncer. Renoncer à une activité prenante, physique, éprouvante parfois. Renoncer à trente de ses chèvres qu’elle adore. Un déchirement. Renoncer à fabriquer son fromage avec des rituels et techniques qui n’appartiennent qu’à elle et pas aux normes européennes. On la sent vacillante devant la litanie de dossiers administratifs, de normes, de perspectives de rentabilité, elle qui a choisi cette vie pour être libre. Ce qui lui importe ce sont ses montagnes, ses chèvres et leur bien-être, et la qualité du fromage qu’elle livre à ses clients. Toute une vie d’idéal à laquelle il faut renoncer, progressivement, pour pouvoir toucher 650€ de pension mensuelle. On est bien peu de chose.

De l’autre côté on a Anne-Sophie. On perçoit chez elle un caractère bien trempé et une volonté en acier mais devant Maguy, elle se fait toute petite. Elle le dit à la fin, même. Elle n’a pas  osé s’imposer, la considérant à tort comme une maman. Elle, son idéal ce sont les 30 000€ de sub’ qu’elle attend pour son installation. Plus les 6 500€ du Conseil général.  C’est cette fromagerie flambant neuve et bien stérile avec voie d’accès pour le camion. C’est un plan d’exploitation sur cinq ans à présenter à son banquier pour prouver que le fromage de chèvre, c’est rentable. Du papier à n’en plus finir. Des bureaux. Des stages. Des interlocuteurs à  qui il faut tout dire, tout confier, à qui il faut se justifier de ce choix de vie. Un vrai parcours du combattant. Pour trente-cinq chèvres. Non parce que finalement son idéal à Anne-Sophie, c’est le même que Maguy. Vivre dans ces montagnes, élever des chèvres et faire du bon fromage.

Deux femmes, un même objectif, deux parcours radicalement différents. L’agriculture, qui rappelons-le sert à nous nourrir et nous maintenir en vie chaque jour, est devenue un business fragile dans lequel seules les fortes têtes (ou les fous) se risquent à se lancer. La chance d’Anne-Sophie est d’avoir côtoyé quelqu’un comme Maguy, et d’avoir puisé dans son expérience les connaissances et, plus important encore, une philosophie de vie qui je l’espère l’aideront à faire perdurer une agriculture à taille humaine exigeante sur la diversité et la qualité. Le film se termine en nous informant qu’Anne-Sophie n’a toujours pas reçu ses subventions. Un petit tour sur la page Facebook du film (heureusement que ça existe parfois…) et j’apprends que début août, Anne-Sophie a enfin pu commencer son activité, près de deux ans après le début de ses démarches d’installation. Bravo et bonne chance.

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