[Deuxième partie]
Après une après-midi d’exploration partielle du puy de Lavelle, un coucher de soleil dantesque et un repas fort peu diététique mais goûteux, le moment tant attendu, et appréhendé, est arrivé. La nuit à la belle étoile.
Sous les étoiles, couchés dans les herbes au son lancinant des grillons. Vais-je dormir ? Ma plus grande crainte était le noir total. Finalement on y voit clair, enfin, un peu. Mon autre crainte était le froid. Je crève de chaud dans ce duvet spécial grand Nord et mon pyjounours. Une autre angoisse était que des bestioles investissent mes oreilles, mes narines, ma bouche, viennent se lover contre moi dans le duvet ou slalomer entre mes orteils. Y a personne. Enfin si. Un insecte non identifié (un grillon ?) me chante inlassablement la même mélodie à quelques centimètres de mon oreille gauche. Le Trappeur m’apprendra plus tard qu’il était en fait bien plus loin. A bien y réfléchir je pense que c’est ce qui m’a empêché de dormir. Car j’ai très peu dormi, mon Flex est là pour le prouver. Après avoir tourné un moment dans le duvet à la recherche d’une position confortable que je n’ai jamais trouvée, je finis par m’assoupir. Et je me réveille ce qui me semble être quelques minutes plus tard, sur le dos, avec au-dessus de moi un ciel étoilé comme je n’en avais jamais vu auparavant, avec voie lactée et tout le saint-frusquin. Forcément, je bloque sur ce ciel, les étoiles, notre pollution urbaine lumineuse qui nous en masque la plupart, pis de toute façon on est enfermé chez soi à la nuit tombée, alors à quoi bon ? Je ferme les yeux quelques minutes. Peut-être même que je me rendors. Je les rouvre et de gros nuages ont recouvert le puy. Finie l’astronomie. Je cogite, je réfléchis à ce que je fais là, à l’écoute des moindres sensations, je cherche des formulations pour les quelques mots que je vais écrire au petit matin sur des cartes que j’ai apportées. Et je me rendors. Et je me réveille. Et ainsi de suite. J’ai trop chaud. Je sors la tête du sarcophage mais par peur des insectes, l’y remets aussitôt. J’ai l’impression que mon agitation réveille Le Trappeur à chaque fois. J’essaie de faire le moins de bruit possible. A l’aube, les grillons lancinants décident enfin d’aller se coucher. Je dors mieux malgré un petit vent qui s’est levé. Le vent, le vent frais sur mon visage, probablement l’expérience la plus agréable de cette nuit sous la voûte céleste. Puis je me réveille et le jour est là. Enfin, apparemment.


Mon premier réflexe est de regarder l’heure, pour savoir si j’ai raté le lever du soleil. Oui, je l’ai raté. Mais je n’ai rien raté. Une brume épaisse recouvre les reliefs environnants mais pas trop notre puy, heureusement, il nous reste un peu de vue. Je suis déçue de n’avoir pas eu de sunrise, surtout après le sunset de la veille. Engourdie, fatiguée, le cheveu humide et gras, je me lève péniblement et remets mes chaussettes moites et mes pompes de rando froides. Ce qui me surprend le plus c’est le silence. De mort. Je pensais que la nature au petit matin bruissait de mille cris d’oiseaux. Rien. Un silence cotonneux, comme si le monde avait été englouti pendant la nuit et que nous étions les seuls survivants. Passage par la « cabine » pour le rhabillage. Je suis finalement fière d’avoir traversé cette nuit sans avoir à m’y réfugier. Heureusement je n’aurai pas à arborer mes taches de vin, j’ai prévu une tenue de rechange. Tandis que Le Trappeur s’affaire à préparer le petit déjeuner, je vais voir mon œuvre de land art de la veille, défraîchie, partiellement effondrée. Au bord du puy, j’entends un chien aboyer dans le village en contrebas. Ah et le tracteur, aussi. Il a recommencé à tracer ses lignes, avec une opiniâtreté qui force le respect. En chemin, je croise trois jolis papillons endormis sur une même plante, chacun sa fleur. A mon retour le café fumant est prêt, la brioche aussi. Un deuxième café s’élance dans les tuyaux, dans un tumulte de gargouillis qui brise le silence.
Nous avons prévu de repartir vers midi, il va falloir occuper cette matinée cotonneuse. Comme prévu nous partons en randonnée, en laissant tout en plan, à la découverte de ce puy dont nous n’avons pas vu grand-chose la veille. Mes premiers émerveillements, à défaut de panorama dégagé, sont pour la végétation. J’ignore le nom de ces fleurs roses mais on dirait des plantes tropicales. Et puis ces boules enchevêtrées aussi. Des mûres partout, que je trouve savoureuses alors que je n’aime pas trop ça habituellement. Des prunelles en quantités industrielles également. De quoi faire de la confiture pour une décennie.
Comme lors de ma balade dans la vallée des Saints, je retrouve les pins. Ce petit bout d’Auvergne semble bénéficier d’un microclimat étonnant, d’une végétation thermophile, comme on dit au CEN. Nous arrivons au bord d’une falaise impressionnante, aperçue la veille alors que nous quittions la voiture, loin en bas. D’ailleurs on l’aperçoit, la voiture, qui nous rappelle l’échéance du départ. Le chemin continue dans des sous-bois avant de replonger vers la lumière. Nous coupons à travers champs car le sentier risque de nous ramener en bas du puy, nous sommes déjà bien descendus. Nous rejoignons le chemin emprunté la veille et regagnons notre campement par un itinéraire bis beaucoup plus raide.
Tandis que Le Trappeur s’affaire à replier méthodiquement tout notre bazar, je m’éloigne et m’attelle à la rédaction de deux cartes. Deux textes différents pour deux histoires différentes, celle-ci qui s’achève et une autre, qui va bientôt commencer et qui ne m’appartient pas. Les mots réfléchis pendant la nuit et qui me paraissaient si limpides sous les étoiles ont du mal à glisser jusqu’à la pointe de mon stylo, qui crachote et refuse de former certaines lettres. Je laisse là, sur mon caillou de land art, mes missives dûment adressées et timbrées, et vais retrouver Le Trappeur pour lui dire d’aller relever le courrier. Piètre remerciement pour cette aventure extraordinaire vécue depuis la veille, ce cadeau inestimable. Quelques mots maladroits jetés d’une écriture vacillante sur le papier cartonné, pour résumer ce qui ne s’exprime pas.
Je refais un petit tour au sommet pour aller admirer le cairn une dernière fois. Je divague sur ce puy comme dans mon salon, maintenant. J’en connais chaque caillou, chaque arbre. Presque. Le soleil est revenu. Il fait beau, et chaud, et j’aurais voulu que la brume persiste encore un peu parce que maintenant, je n’ai plus envie de redescendre. Je suis chez moi.

C’est de la joubarbe. Très facile à vivre, tu peux en mettre sur ton balcon !
@Val : oh merci pour cette info ! Le nom me déçoit un peu par contre, ça fait pas rêver ^^
Je crois bien que tu as ouvert là une boîte de Pandore que tu ne parviendras pas à refermer… J’ai comme l’impression que les récits d’aventures de ce genre vont se faire de plus en plus nombreux, entre communion avec la nature et équipement technophile :)
@gidehault : ah ben y a pire comme boîte de Pandore ! Oui ça a aiguisé mon appétit, de paysages certes, mais de nature au sens large également. A creuser… ;)
Bienvenue dans la famille des « dormeux dehors »! :-D
En vrac:
En mer, y-en a pas, des insectes qui veulent rentrer dans les sacs de couchage!
J’ai la même cafetière, mais 3 fois plus grosse (il me faut ma dose!) et en inox…
J’aime bien ta plume de lendemain de nuit dehors!
Tes photos sont… comme toujours! :-)
On se sent vite chez soi, libre, au milieu de la nature que l’on voudrait nous faire oublier… Ce sentiment de liberté est dangereux pour l’ordre social!
@sdf de luxe : dormir dehors et un plaisir que ceux qui ont un toit s’offrent à l’occasion pour se donner des frissons… alors que pour certains… :)
Et merci pour tes compliments !
les photos sont tip top , de mieux en mieux , tu as changé d’appareil ?
@KIKI-129 : merci :) Alors dans ces billets, il y a trois sources : mon bridge Panasonic FZ48, mon smartphone Samsung S4 et trois photos issues de l’iPhone du Trappeur. Mais sinon, non, je n’ai pas changé d’appareil, c’est que je dois faire des progrès ;)
Tout d’abord, bravo pour ton blog qui est à la fois enrichissant, intéressant, agréable à lire et qui donne envie de se bouger les fesses et de mettre le nez dehors!!! Je n’ai pas encore lu la 1ere partie de cette rando + nuit à la belle étoile mais je voulais juste rajouter des précisions par rapport aux photos (j’vais faire péter un peu ma science lol) : les 3 papillions pris ensemble et celui du gros plan sont des Azurés et celui qui a des ailes beiges et noires est un Macaon (la chenille de ce papillon est particulièrement belle). Je confirme pour la Joubarbe (que je n’avais jamais vu en fleur !). Elle peut être bien utile pour apaiser une piqûre d’insectes ou d’orties ;-) Pour ce qui est des « boules enchevêtrées », cela s’appelle des Bédégars. Ce sont des gales qui se développent sur les Églantiers suite à l’inoculation dans la branche de larves d’une guêpe solitaire (un Cynips). Ces boules vont sécher avec le temps, les larves vont se métamorpher en adulte et sortir pour aller pondre à leur tour et poursuivre le cycle de la vie…
@guillaume : tout d’abord bienvenu chez moi :) Et merci pour ce commentaire hautement instructif ! Je trouve tellement frustrant de divaguer dans la nature sans connaître le nom des plantes et des animaux… j’ai parfois l’impression d’avoir la tête pleine de connaissances inutiles. Bref, merci ! :)
C’est un plaisir de partager mes maigres connaissances…je pourrais te conseiller quelques ouvrages sur les plantes, oiseaux, insectes si cela t’intéresse…c’est toujours bien d’en avoir un dans son sac de rando :) mais rien ne vaut les sorties organisées et encadrées par des vrais pro !! C’est là qu’on en apprend le plus et en peu de temps. ps : j’ai le même couteau que toi, enfin pas tout à fait puisque chaque exemplaire est unique :)
@Guillaume: j’ai déjà repéré les bouquins utilisés par les animateurs LPO et du CEN… mais j’avoue que je suis une piètre observatrice ! J’ai investi dans une paire de jumelles mais pour l’instant elle ne me servent pas beaucoup :) Et oui, les sorties accompagnées c’est quand même le mieux pour découvrir un écosystème ! (et très bon choix de couteau ;))