[Première partie]
Il est un « Défi de Gigy » que vous n’avez pas vu passer puisqu’on me l’a proposé sous le manteau. Enfin, façon de parler hein !
Parti d’une simple boutade, il s’est finalement concrétisé après quelques rebondissements météorologiques : une nuit à la belle étoile, un bivouac en pleine nature. Vous comprendrez mieux ma récente lecture de « Comment chier dans les bois », formation théorique indispensable avant immersion pratique dans la pampa auvergnate.
Bon… Pour ceux qui me connaissent bien, sans être une pintade de salle de bain, je suis tout de même très attachée à ma douche, mon shampoing, mon brushing et bien sûr mon lit douillet, Hikari lovée contre moi. Comment allais-je survivre à près de 24 h loin de tout sanitaire et de toute literie ? Et au milieu des bêtes sauvages, par-dessus le marché !
Pour cette première, mon challenger, accompagnateur et accessoirement guide sprirituel, que nous appellerons Le Trappeur, n’a pas été trop cruel. Bien trop conscient des conséquences quasi irréversibles d’un premier bivouac foiré, il m’a gratifiée d’un traitement de faveur et d’un service cinq étoiles.
Déjà… pas trop loin. Une demi-heure de route au sud de Clermont. Voiture garée à l’entrée du petit village de Lavelle, envahi par de luxuriantes roses trémières et peuplé d’autochtones polis qui disent bonjour aux randonneurs de passage. Notez qu’il y a un joli refuge LPO, ça peut toujours servir.

Ensuite… pas trop fatiguant. Trois quarts d’heure de montée sur un sentier entretenu et partiellement ombragé, mais avec de lourds kilos de matériel sur le dos. En chemin, une vieille cabane effondrée, une caravane explosée, une vue qui commence à devenir très prometteuse, deux promeneurs qui redescendent et l’excitation qui monte.

Enfin… le sommet. Le puy de Lavelle, orné d’un cairn, et offrant une vue panoramique époustouflante sur le puy de Dôme et le massif du Sancy. Sur les pentes avoisinantes, le village de Clémensat et des hameaux, ici ou là, des champs, un tracteur qui trace des lignes inlassablement sur sa colline et dont le moteur nous accompagnera jusqu’à des heures improbables, bien après le coucher du soleil.
Sur place… l’installation. Le Trappeur me demande de choisir mon emplacement idéal. Je n’y connais rien, je lui laisse cette responsabilité sur la foi de sa longue expérience du bivouac. Et tandis qu’il s’échine à monter la tente (« au cas où »), gonfle les matelas… pardon… déploie les matelas auto-gonflants (c’est important, attention, pas pour la suite de l’histoire mais pour la fierté du Trappeur), installe duvets et tapis de sol, sort le matériel pour le dîner… et bien moi… je joue à la belle des champs de Lavelle dans les herbes hautes. Je remonte au cairn à grandes enjambées par-dessus les ombellifères. C’est le seul endroit, j’avoue, où la 3G est de qualité pour inonder les réseaux sociaux de mes exploits. Je m’extasie longuement sur cette vue fascinante avant de redescendre au campement, telle Laura Ingalls (mais je ne suis pas tombée), cheveux aux quatre vents et fleurs sauvages à la main afin de réaliser une œuvre de land art dans le soleil déjà couchant.


Le soleil couchant tiens… parlons-en. Quelle claque ! De gros nuages noirs épargnant miraculeusement nos appartements du soir, s’étirant sur l’horizon de chaque côté, et une lueur surnaturelle, hypnotique, mystique, qui se répand sur les monts du Sancy. Ça va vite, trop vite, on voudrait que ce spectacle dure encore un peu, et même beaucoup, parce que c’est beau déjà, et même somptueux, mais aussi parce qu’après, comme un couperet, tombe la nuit. La nuit noire loin de tout mobilier urbain lumineux, qui va s’étirer mollement jusqu’au petit matin et rallumer la vie sur notre puy.
Tout ça c’est bien joli mais… c’est l’heure de dîner. Le premier verre d’un Vouvray 12 ans d’âge épouse merveilleusement les derniers rayons du soleil. Le deuxième accompagne dignement un saucisson découpé soigneusement au couteau de poche local, ainsi que des tranches de magret de canard fumé. Une chouette passe deux ou trois fois au-dessus de nos têtes, en repérage de cet équipage bruyant et incongru sur son territoire. L’Anjou rouge arrose la suite, plus exotique, et surtout les t-shirts et pantalons des convives. C’est qu’il fait nuit, que la table est bosselée et que le Vouvray commence à faire battre les tempes et rendre les gestes hésitants. La plus grosse tache sur mon pantalon, je la dois à un éclat de rire dont je me souviendrai longtemps, je crois. Plongés dans la nuit noire, lorsque nous éteignons nos frontales, nous distinguons les quelques lueurs des hameaux sur la colline d’en face, et parfois les phares d’une voiture perdue sur les routes. Puis un flash lumineux apparaît sur notre gauche. Sûr de lui et de sa longue expérience de la belle étoile, Le Trappeur m’annonce avec une solennité de grand chef Sioux qu’un orage gronde, là-bas au loin. Malgré le Vouvray et l’Anjou, je parviens tout de même à articuler l’hypothèse qu’il s’agit plutôt des lumières des éoliennes dressées sur le plateau d’en face. Ah… Oui. Sûrement. Le Trappeur : 0, La Bourgeoise urbaine en goguette : 1.
Des pâtes chinoises cuites sur le réchaud nous apportent ensuite un petit réconfort dans la nuit fraîche, suivies de près par de la mimolette vieille tranchée avec mon Thiers (fabriqué de mes blanches mains il y a quelques années), puis par une crème Mont-Blanc pour terminer. Quelques notes de Bon Iver crachotées par le haut-parleur de l’iPhone accompagnent une verveine au miel de bourdaine que j’ai apportée dans un récipient de super baroudeuse (hem…), avant que n’arrive l’heure de s’engouffrer dans les duvets sarcophages, car le froid et la fatigue – le vin aussi – commencent à distiller leurs effets sur les organismes éprouvés. Mais avant… pipi (seulement… et oui ! Quelle déception…), brossage de dents et pyjama ! Un bivouac en pyjama… non mais tu parles d’une aventure ! En pyjounours d’ailleurs, en ce qui me concerne. Changement rapide dans la tente, qui du coup sert de cabine, avant faufilage dans le duvet (et foutage de gueule sur les nounours). Au moment de m’allonger, je vois passer un truc ressemblant à une araignée verte sur le matelas, et qui file vers les herbes hautes. Ça promet. Surtout vu les spécimens croisés pendant le jour, mante religieuse et autre araignée jaune géante embusquées entre deux brins d’herbe. Pour l’heure, seuls les grillons se font remarquer par leur sérénade entêtante. Il est temps de chercher le sommeil.
Il est déjà tard, mais la nuit va être longue. Très longue.
La suite, c’est par là : Lavelle deuxième partie

Bonjour, bonjour, Peut-être être n’ai je pas bien lu… Je ne crois pas avoir de MDP pour lire les articles. Peut-être être en ai-je eu un lors de mon inscription à la mailing list ? Comment faut-il faire ? (Désolée si je fais parti des X mails qui te posent la même question!) Merci!
@Cécile : ces 2 articles sont pour l’instant protégés pour laisser la primeur de la lecture à la personne qui m’accompagnait sur ce bivouac :) Je le rendrai public dès qu’il aura lu et validé mon récit. Patience ! (mais tu as de quoi t’occuper en attendant je crois ;))
Merci pour ta réponse ! J’avais peur d’être passée à côté d’un truc (ce qui, me connaissant, aurait très bien pu être le cas !).
J’ai effectivement tout ce qu’il faut pour être bien occupée en ce moment mais ma puce étant hyyyper calme j’ai, pour l’instant, encore du temps pour m’adonner à ma drogue favorite et me connecter au net régulièrement !
En tout cas, comme toujours, articles et photos au top. Ça à dû être une super expérience.
@Cécile : oui profites-en tant que ça roupille encore 22/24h ;) Merci pour tes compliments, oui c’était vraiment une chouette expérience malgré mes appréhensions. Pas exclu que je replonge bientôt !