Je travaille non loin d’une rue baptisée Alan Turing. Jusqu’à il y a encore quelques mois, j’ignorais qui il était. Je ne sais plus pourquoi j’ai finalement appris qu’il était mathématicien. Oui bon, bof. Moi et les maths hein ! Et puis j’ai appris qu’il était probablement l’un des précurseurs de l’informatique moderne. Mieux, déjà. Mais ce que j’ai appris dans ce film, The imitation game, m’a sidérée autant que consternée. J’en suis ressortie assez bouleversée, je dois le dire.
Alan Turing s’est distingué très tôt dans sa scolarité comme un petit génie des mathématiques. Sa personnalité un peu étrange, solitaire, lui a occasionné bien des déboires avec ses camarades d’école mais convaincu de ses capacités, il n’a jamais renoncé à sa passion. Au point d’être engagé à moins de 30 ans dans les services secrets britanniques, au début de la Seconde Guerre Mondiale. Sa mission ? Trouver un moyen de décrypter les messages envoyés par les Allemands et codés par une redoutable machine appelée Enigma. Des milliards de combinaisons possibles, et qui changent chaque jour à minuit. Vingt-quatre heures pour cracker le code, chaque jour. Sinon, tout recommencer de zéro le lendemain. A force d’entêtement, Alan Turing est parvenu à élaborer une machine capable de décortiquer le code, permettant ainsi aux autorités militaires d’avoir accès à des informations cruciales sur la stratégie allemande. Une extraordinaire nouvelle mais extrêmement périlleuse à exploiter, de peur que les Allemands se doutent de quelque chose, et changent leur système de cryptage. Alan Turing un héros de guerre ? Alan Turing génie scientifique ayant fait avancer la connaissance d’un pas de géant ? Mais oui, certainement ! Mais pas à l’époque. Autres temps, autres moeurs, même en Grande-Bretagne. Alan Turing était homosexuel, s’est fait arrêter, s’est fait condamner à la castration chimique et s’est finalement suicidé (théorie privilégiée). A 41 ans. Quel… extraordinaire… gâchis. Quelle… spectaculaire… connerie. Il n’a été gracié à titre posthume par la Reine qu’en… 2013. Consternation abyssale.
Dans ce film de Morten Tyldum (inconnu au bataillon), inspiré d’une biographie de Adrew Hodges, on s’intéresse bien sûr aux travaux de Turing mais aussi beaucoup à sa personnalité. J’ignore jusqu’où son histoire a été romancée mais on peut légitimement douter de la présence à l’époque d’une jeune femme célibataire, jolie et spirituelle (cf. ma remarque dans Promised land) dans toute cette tambouille militaro-scientifique secrète. Cette jeune femme est incarnée par Keira Kneightley, qui donne la réplique à Benedict Cumberbatch, particulièrement saisissant dans la peau d’Alan Turing.
Certaines critiques reprochent à ce film sa facture classique et des clichés… oui bon, peut-être mais pour une histoire (vraie) aussi invraisemblable, il vaut mieux laisser le champ libre aux personnages et ce Alan Turing/Benedict Cumberbatch crève l’écran. C’est lui dont il faut se souvenir, à tout jamais, de ce qu’il était, de son génie, de ce qu’il a fait pour sa patrie et de ce que sa patrie lui a fait en retour. Une leçon d’une cruauté sans égale.
Je n’ai pas (encore…! :-) ) vu le film, mais la jeune femme célibataire, jolie et spirituelle, bien que peut-être pas à sa place dans le film est probablement (ou à tout le moins inspirée de) Joan Clarke. Dans le film-documentaire « Codebreaker » datant de quelques années, une interview de cette femme me laisse à penser qu’elle devait être réellement charmante à l’époque, dans sa mi-vingtaine! Elle raconte comment il l’a demandé en mariage, puis a renoncé par crainte de la faire souffrir à cause de ses penchants homosexuels, qu’il lui avait avoué sans détour…
@sdf de luxe : ah donc c’était vrai ! Bon ben mea culpa alors ! Tout dans l’histoire de ce type semble avoir été écrit par des scénaristes zélés ;) La réalité plus forte que la fiction !