Si l’une m’a particulièrement réjouie, l’autre m’a plongée dans un ennui profond.
Anne-Marie Filaire, originaire de Clermont mais ayant vécu mille vies ailleurs, est revenue au bercail pour shooter non pas dans un ballon mais les jeunes et dynamiques sportifs clermontois, dans le cadre d’une résidence proposée par la ville de Clermont. Sur le principe, bonne idée. La mise en oeuvre a été plus tendue. L’art du portrait est peut-être ce qu’il y a de plus difficile et trouver un angle d’approche original autant qu’esthétique est une gageure. Anne-Marie Filaire a choisi d’extraire les sportifs de leur environnement « naturel » et de les faire poser dans des lieux emblématiques de l’agglomération. Encore eut-il fallu les reconnaître. Les lieux emblématiques. Et les sportifs aussi d’ailleurs. Sur les trois étages de l’hôtel Fontfreyde, les portraits se succèdent et j’avoue bien humblement que je n’ai pas reconnu grand monde, à part quelques rugbymen et un perchiste. Ai-je au moins profité de vues originales sur ma ville ? Même pas. Des plans serrés sur les visages ou les silhouettes, et un flou méconnaissable en arrière-plan. Sur trois étages. A la rigueur que ça fasse l’objet d’une série spéciale et que d’autres salles soient consacrées à d’autres thématiques… je pense que j’aurais certainement plus apprécié l’exercice. Malheureusement je n’y ai ressenti qu’une profonde lassitude au fur et à mesure que je progressais dans les salles. Une interminable galerie de portraits de gens que ne connais pas dans des lieux que je ne reconnais pas. Ce qui, pour le résultat d’une résidence photographique, est tout de même un comble.
En revanche, même si je ne connaissais pas les sportifs encadrés sur les cimaises de la salle Gaillard, j’ai pris un plaisir intense à décortiquer les photos exposées. « L’ivresse du mouvement » est une exposition de documents appartenant au musée Nicéphore-Niépce de Châlon-sur-Saône, consacré à l’histoire de la photographie. Cette sélection est le fruit du travail de François Cheval, le directeur du musée et de Sylvain Besson, directeur des collections. L’exposition offre un voyage dans le temps extraordinaire dans la photographie du sport et plus globalement, du corps en mouvement, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’au culte malsain du corps et de l’exercice, obsession des dictatures. La photographie des corps et du sport a accompagné le développement de la presse et cette exposition fait la part belle aux revues pionnières du genre, comme Vu et Voilà. Le corps est magnifié, le geste décortiqué, l’effort physique présenté comme un gage d’excellence et d’élégance. Cette représentation idéalisée du corps sain a trop souvent été utilisée pour servir les idéologies les plus abjectes, prônant la pureté et tout le tintouin. Aujourd’hui, ces photos font souvent sourire et même si le message a désormais changé dans nos magazines, le culte du corps parfait et de la santé resplendissante est toujours fermement ancré dans les névroses profondes de notre société. Il y aura peut-être, dans quelques dizaines d’années, des rétrospectives de photos Instagram de toutes ces filles qui nous gratifient de clichés de leurs abdos ou de la sueur perlant sur leur front, se culpabilisant et s’encourageant mutuellement pour atteindre un idéal de silhouette dont, à vrai dire, tout le monde se fout. J’espère juste ne pas être là pour voir ça.
En attendant :
« L’ivresse du mouvement »
Jusqu’au 19 septembre,
Salle Gilbert-Gaillard, 2 rue Saint-Pierre à Clermont
Du mardi au samedi de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h
« Extrême »
Jusqu’au 20 septembre,
Hôtel Fontfreyde, 34 rue des Gras à Clermont
Du mardi au samedi, de 14h à 19h