Grâce au cinéma Les Ambiances, à la librairie Momie et à l’association Japon Auvergne – Nippon Auvergne (de mes amis Maïko et Tetsuya), on a souvent la chance d’assister à des diffusions en avant-première des films d’animation japonais. Qu’ils en soient tous remerciés et salués bien bas. Et même sans parler du luxe d’une avant-première, le simple fait de pouvoir voir ces films sur grand écran et en V.O au moment de leur sortie, c’est déjà un beau privilège dans ce monde où les block busters et les super-héros vampirisent le box office. Je tenais à le (re)dire.
Bref. J’ai vu Miss Hokusai en avant-première aux Ambiances.
C’est un film de Keiichi Hara, dont je n’ai vu jusqu’à présent qu’un seul film, Colorful, dont j’avais déjà parlé ici et que j’avais beaucoup aimé.
Ici, Keiichi Hara se lance dans le biopic, mais un biopic un peu biaisé (tiré d’un célèbre manga, soit dit en passant, comme souvent). Au lieu de nous raconter la longue vie du célèbre peintre japonais Hokusai, il a choisi le point de vue de sa fille ou plutôt d’une de ses filles, car il en avait plusieurs. Ce point de vue est de fait passionnant puisqu’il pousse dans la lumière cette jeune femme intelligente et talentueuse qui a vraisemblablement aidé et même parfois remplacé son éminent père dans la réalisation des dessins et estampes de commande. Le spectateur accompagne O-Ei durant une année entière de sa vie, juste le temps de faire le tour des quatre saisons et de prendre la mesure de cette personnalité hors du commun.
Le film nous plonge dans le Japon du début du XIXe siècle, époque Edo (avant de s’appeler Tokyo), avec ses maisons de bois et ses courtisanes. Hokusai, le « fou » prolifique qui vécut jusqu’à 90 ans voit sa présence réduite à un personnage taciturne, porté sur les bonnes choses de la vie et peu regardant sur l’origine de ses tableaux. Sa fille O-Ei semble devoir rattraper et compenser ses lacunes plus souvent que nécessaire. C’est là où je tique un peu. J’ai chez moi un énorme livre des éditions Phaidon sur l’oeuvre et la vie d’Hokusai et même si j’avoue ne pas avoir tout lu, il est parfois fait mention de cette fille mais plutôt comme disciple et non comme co-auteur des oeuvres. Idem pour la deuxième fille représentée dans le film, une enfant souffrant de cécité et couvé par sa grande soeur puisque son père ne lui prête aucune attention. Difficile de trouver sur le web des informations antérieures à la sortie du film sur les enfants d’Hokusai… Et dans les articles tout le monde s’accorde à dire que la seule chose qu’on sait de O-Ei, c’est qu’on ne sait rien, ou presque, sinon qu’elle excellait dans l’art des estampes érotiques. Je me vois donc obligée de prendre pour argent comptant cette histoire singulière et ses accents de modernité. Soit.
Graphiquement le film est joli sans être exceptionnel. Je préfère le style de Yonebayashi (Arrietty, Marnie), qui aurait bien convenu à cet univers artistique foisonnant (ou Takahata, carrément, soyons fous). On trouve quelques références pesantes à certaines oeuvres d’Hokusai (La Vague évidemment, entre autres), qui rompent à la fois le déroulé de l’histoire et le style graphique, évidemment. Enfin, j’ai été plutôt désarçonnée par les choix musicaux au début et à la fin du film : du rock. Même si je perçois bien l’intention de Keiichi Hara de donner à ces personnages atypiques et notamment à cette jeune femme une image rock ‘n’ roll, cet appui musical n’était peut-être pas nécessaire tant la vie des Hokusai sortait de l’ordinaire.
Mais malgré ces critiques, j’ai passé un très bon moment et j’ai envie de croire à cette famille incroyable vivant de dessins et d’estampes, et à cette femme moderne qui, si tout cela est avéré, a bien mérité de rentrer enfin dans la lumière.
La minute publicitaire : il y a en ce moment dans la collection automne de Somewhere 2 t-shirts Hokusai, l’un avec le mont Fuji et une vague (pas la plus célèbre, une autre), l’autre avec le rossignol. J’ai donc craqué, je suis faible. Et dessous, le gros bouquin des éditions Phaidon (a priori épuisé) et un Taschen sur l’estampe japonaise (qui a mon avis existe toujours mais avec une autre jaquette, celle-ci était spéciale pour les 25 ans des éditions).