Le Wakan Théâtre, troupe clermontoise dont je vous ai déjà parlé maintes fois, a proposé du 4 au 9 novembre dernier une soirée « diptyque » dont ils ont le secret, et particulièrement savoureuse. Le principe ? Une pièce, un repas-banquet pris avec les spectateurs et les comédiens, une autre pièce. J’avais déjà expérimenté la formule lors d’une précédente soirée à la Cour des Trois Coquins mais le 4 novembre dernier c’était une soirée 100% Wakan.
Mauricette ! Le retour de Mauricette ! Car j’ai déjà croisé Mauricette auparavant, c’était précisément au théâtre de Clermont. Le bel opéra-théâtre rénové et rouvert il y a deux ans qui avait été présenté au public de la plus surprenante des façons par le Wakan Théâtre avec une déambulation intitulée Au dessus par les dessous qui nous avaient emmenés sous la scène, sur la scène, au-dessus de la scène… Et revoilà donc Mauricette, mais hors les murs, pour une adaptation de ce texte savoureux inspiré par la véritable concierge du théâtre, expédiée à la retraite à la fermeture de celui-ci. Tandis que Mauricette attend de retrouver la trace d’une certaine Nanou, elle en profite pour nous raconter comment ça se passe au théâtre chaque jour : Gilbert Bécaud, Jacky Sardou, Julien Clerc, mais aussi les répétitions des élèves du conservatoire, les techniciens, les rideaux qui se lèvent, les soupes poireau-carotte partagées dans sa loge avec des stars en quête de simplicité et de chaleur humaine… Et comme Mauricette a à coeur de nous faire vivre ses émotions grandeur nature, elle n’hésite pas à faire appel à notre participation, nous le public, pour illustrer son propos. Et c’est comme ça que je me suis retrouvée, par un (mal)heureux concours de circonstances, sur la scène en compagnie de trois autres pauvres cobayes, affublée d’un soutien-gorge zèbre par dessus ma tunique, pour un cours de strip-tease prodigué par Mauricette. Bon. C’est mal parti pour une nouvelle carrière dans l’effeuillage mais l’expérience aura été enrichissante ! Une fois retournée à ma place, c’est une autre brochette de « spectacteurs » (j’ai fait une coquille, je la laisse, elle est trop belle) qui se sont vus invités sur scène pour partager un moment avec Mauricette. Mauricette alias Danielle Rochard, figure charismatique et lumineuse du Wakan Théâtre, qui porte cette pièce avec énergie, passion, humour, mais aussi avec la délicatesse de ceux qui tournent les pages fragiles d’un album photo trouvé dans le grenier d’une personne chère.
Pause casse-croûte !
Public et comédiens se retrouvent autour des grandes tables de banquets pour partager une délicieuse soupe (recette énumérée par Dominique Touzé lui même), du pain, du saucisson, une salade de fruits et de la brioche, le tout arrosé d’un peu de vin rouge. Un repas réconfortant et roboratif qui se termine par la diffusion d’un document d’archive au sujet de la mort de Malcolm Lowry, l’auteur du roman dont est tirée la pièce qui va suivre.
Ce petit document d’archive revient sur ce roman, grand succès de son vivant et devenu culte pour beaucoup. Lowry y dépeint, de manière fort peu déguisée sous les traits d’un consul au Mexique, ses tourments dus à l’alcool dont il est prisonnier et sa relation avec Yvonne, qui n’a pu supporter la vie avec lui et qui est partie. Si la première pièce de la soirée était enlevée et drôle, celle-ci est particulièrement sombre et pesante. C’est la première fois que je vois le Wakan dans un registre aussi torturé. Le consul, sous les traits de Dominique Touzé, nous embarque dans ses délires alcoolisés, dans ses frasques de bar en bar, et jusqu’à sa perte. Le public est d’ailleurs partiellement réparti sur des petites tables de bar, où des verres vides, des bouteilles de tequila et des quarts de citron attendent d’être servis. Ils le seront, maladroitement, par le consul, à la faveur d’un interlude musical. Car sur scène se tient un musicien et sa guitare, illustrant de ses accords mélancoliques et de ses complaintes désabusées les paroles du consul, étourdi d’alcool et de malheur. Ce musicien c’est Daniel Larbaud. Pour ceux qui s’intéressent un petit peu à la scène clermontoise, on le voit souvent jouer, avec grand talent, en compagnie d’autres artistes locaux. Il est également celui qui se cache derrière le nom de Dan-O-Sonic. Cette association, cette mise en scène, sont une fois de plus la preuve du talent du Wakan Théâtre à sublimer les textes et à embarquer les spectateurs dans un voyage extraordinaire loin des codes établis.
Pas de nouvelles dates annoncées pour le moment pour ces deux pièces. Je vous invite à suivre l’actualité du Wakan Théâtre pour recevoir leurs informations :