Toujours se garder un petit Fred Vargas sous le coude en cas d’urgence. Toujours. Quelle urgence ? Un déplacement en train, par exemple, plus de 3h aller, la même chose au retour. Pour affronter l’ennui, il faut un roman qui captive suffisamment pour ne pas se laisser distraire par l’agitation du wagon et pour ne pas piquer du nez. Bon, en vrai, j’ai un peu piqué du nez mais je m’endors facilement.
J’ai donc affronté l’Armée furieuse en compagnie de Jean-Baptiste Adamsberg, Danglard, Retancourt, Estalère et les autres. Fred Vargas a une fois de plus entremêlé les intrigues en un écheveau dont elle a le secret, teinté de croyances ancestrales, de malédictions et d’esprits malins qui tuent de sang-froid, déjouant toutes les parades de la brigade d’Adamsberg et le mettant, une fois de plus, dans les plus grandes difficultés vis-à-vis de sa hiérarchie. Entre l’assassinat du vieux et puissant Clermont-Brasseur à Paris et l’enchaînement de meurtres sordides au fin fond de la Normandie, Adamsberg se doit d’être sur tous les fronts. Quoi qu’il en soit, on ne l’aura pas avec cette histoire d’armée furieuse et de seigneur sorti d’entre les morts qui vient rendre justice sur le chemin de Bonneval, en trucidant ceux qui ont échappé à la justice des hommes. La vérité sera forcément plus prosaïque, plus glauque, et l’assassin moins prestigieux.
Comme d’habitude, ce qui me plaît infiniment chez Fred Vargas, c’est la plume, l’humour, la psychologie ciselée des personnages. Je me régale d’une réplique, d’un froncement de sourcils de Danglard, de ces personnages ambigus, complexes, dont on ne sait si on doit les soupçonner ou les admirer. Pour ce qui est de la résolution de l’intrigue, je ne sais si c’est la tristesse de voir le roman se terminer, ou si elle est un peu trop capillotractée, mais on sent que Vargas elle-même a du mal à justifier certains éléments. Peu importe. J’ai aimé Hellebaud le pigeon soigné par Retancourt et Zerk, j’ai aimé Momo qui dessine les vaches normandes depuis sa planque, j’ai aimé les Vendermot et leur famille de cinglés, j’ai aimé la faiblesse passagère de Danglard et le calva de Léo.
« Adamsberg apercevait une énorme mûre au-dessus de la tête de la grande femme mais il n’osait pas la déranger pour cela. Étrange, pensa-t-il, comme l’esprit de cueillette revient instinctivement chez l’homme après seulement vingt pas en forêt. Cela aurait plu à son ami préhistorien, Mathias. Car si on y pense, c’est cueillir qui est ensorcelant. Car la mûre, en soi, n’est pas un fruit passionnant. »
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