L’étrange bibliothèque

murakamiS’il y a bien un conseil à donner avant toute lecture d’un roman (ou d’une nouvelle) d’Haruki Murakami, c’est celui de ne pas tenter de chercher une explication rationnelle. Je crois que c’est ce qui me plaît tant chez cet auteur, ces délires oniriques dans lesquels il faut s’abandonner, sans concession. L’intention. Vouloir à tout prix trouver du sens, exhumer une métaphore, une morale qu’on pourra ressortir sur son profil Facebook, dans une jolie police calligraphiée, assortie d’un paysage bucolique ou d’un sunset inspirant. Non. Pas ici. Désolée. (toute ressemblance avec bla bla, tout ça… ne sera absolument pas fortuite).

Un adolescent (du moins on le suppose, puisqu’il vit chez sa mère) se rend à la bibliothèque municipale pour rendre des livres et en emprunter de nouveaux. On lui indique un bureau situé dans les sous-sols où un vieux bonhomme agressif l’attend. N’osant pas le contrarier, il accepte de consulter un ouvrage sur place et, après un dédale de couloirs, se retrouve pris au piège, un boulet au pied, surveillé par un homme-mouton docile. Le vieil homme entend bien voir le garçon accumuler suffisamment de savoir pour qu’il puisse lui aspirer le cerveau. Il faut donc fuir mais comment ?

Cette nouvelle, illustrée des superbes dessins de Kat Menschik dans cette édition spéciale, est, allez je vous l’accorde, une fable sur le savoir et la culture. Une jeunesse contrainte d’accumuler du savoir non pas pour elle-même et pour avancer dans l’existence, mais pour satisfaire les exigences d’une génération au bout de sa vie. Alors plutôt que de se laisser faire, il faudrait fuir et renoncer ? L’épilogue de cette sombre nouvelle nous laisse un goût amer, et dépourvus de toute réponse  à laquelle se raccrocher. La culture et la connaissance telles qu’elles nous sont dispensées nous mettent-elles sur la bonne voie ? Rien n’est moins sûr.

Il s’agit là de mon interprétation personnelle. Comme je le disais en préambule, rien n’est plus insaisissable qu’un écrit de Murakami, navigant au milieu de nos peurs les plus primaires, n’offrant aucun modèle réconfortant, et n’ayant cure des happy ends.  

“- Lorsque le cerveau est bourré de savoir, il est particulièrement délicieux. Nutritif et consistant. Bien crémeux, riche en pulpe. […]

– Mais c’est abominable […] pour celui dont le cerveau va être aspiré ! […]

– Tu sais, c’est plus ou moins ce qui se passe dans toutes les bibliothèques”

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