Je me suis laissée abuser par le titre, il faut l’avouer. Et par la critique imprimée en quatrième de couv’ qui qualifiait ce roman de “brûlot fort sur ce qu’est la littérature”. Ils ont le sens de la nuance à L’Humanité dis donc. Bref. Donc grosse déception.
Guillaume Chérel propose avec ce roman une critique cinglante du microcosme littéraire français, en revisitant le célèbre polar d’Agatha Christie “Dix petits nègres”. C’est ainsi que dix écrivains se retrouvent dans un monastère transformé en résidence d’artistes, pour un supposé événement médiatique qui finira par tourner court. Et à la manière des dix petits nègres d’Agatha Christie, nos auteurs vont mystérieusement disparaître les uns après les autres après avoir été interpellés avec virulence par une voix tout aussi mystérieuse.
Michel Ouzbek, Amélie Latombe, Jean de Moisson, Frédéric Belvédère, Delphine Végane, Yann Moite… on a bien compris que si ce roman est une fiction, il a tout un même un message à faire passer à quelques personnes qu’on reconnaît sans difficulté. Guillaume Chérel a rassemblé dix auteurs particulièrement médiatisés, et à qui on peut reprocher toutes sortes des choses qui n’ont, pour la plupart, rien à voir avec leurs qualités littéraires, et les a analysés individuellement puis collectivement, en se basant sur ce qu’on sait d’eux, de leur personnalité, de leurs petites manies, rien de bien passionnant qu’on ne sache déjà… Parmi ces dix auteurs, j’en connais certains mieux que d’autres, soit parce que j’ai lu certains de leurs livres, soit parce qu’on les voit plus souvent à la télé. Frédéric Beigbeder, Amélie Nothomb, Michel Houellebecq, je les ai lus à plusieurs reprises chacun. En revanche Christine Angot, Yann Moix, Tatiana de Rosnay… jamais lus. Les deux premiers je les vois parfois à la télé et je ne les aime pas (chez Ruquier), et la Tatiana… grand mystère pour moi même si le nom me dit quelque chose. Bizarrement, même si on fait allusion à eux pendant l’intrigue, point de Guillaume Musso et de Marc Lévy dans la sélection des écrivains à abattre, alors que bon, honnêtement je les trouve mille fois pire que les autres. J’ai sincèrement apprécié les bouquins de Beigbeder, Nothomb et Houellebecq que j’ai lus alors que les deux autres pignoufs là… c’est une catastrophe. Au moins les autres peuvent s’enorgueillir de savoir écrire correctement. Bref. Donc au final, ce qu’on leur reproche est assez nébuleux, c’est plutôt des reproches individuels, sur leur façon de se comporter, sur leur productivité (Nothomb sort un roman par an) alors qu’il serait plus judicieux de condamner le système médiatique dont ils sont les instruments, consentants ou pas. C’est vrai qu’on les voit partout, qu’on est au courant quand ils sortent un nouveau bouquin (alors qu’il en sort des centaines pour la rentrée littéraire notamment), mais personnellement ça ne me fait pas acheter leurs livres pour autant, sauf véritable intérêt pour une sujet précis. A un moment, le journaliste (Augustin Traquenard) censé animer la rencontre littéraire explose et traite le public de “moutons” qui achètent des “livres insipides”. C’est pas totalement faux à mon avis, mais pas totalement vrai non plus, si je prends juste Houellebecq pour exemple. C’est l’éternel débat sur la “qualité” de la littérature contemporaine, partagé entre condescendance envers la populace en recherche de lectures faciles et divertissantes, et reconnaissance envers cette même populace qui entretient malgré tout une culture de la lecture et injecte de l’argent dans les maisons d’édition qui peuvent ainsi publier d’autres auteurs moins “faciles” et surtout moins médiatiques (hein Guillaume Chérel ?). Bon bref, je creuse un sujet qui n’a au final pas été creusé par Chérel (qui doit être tout simplement jaloux car pour le coup je n’avais jamais entendu parler de lui, contrairement aux autres), qui s’est empêtré dans une intrigue policière à base d’Oscar Wild et de cachettes secrètes.
Le seul truc qui m’a un peu consolée à la fin c’est l’arrivée dans un salon littéraire d’une jeune booktubeuse, détrônant les écrivains médiatiques sur le podium de la futilité. Mais là encore, le sujet de la critique littéraire a été survolé alors qu’il y aurait tant de choses à dire. Qui a le droit de donner son avis sur un livre (moi, déjà, ahah) et que vaut-il ?
J’adore les noms des dix petits auteurs ! Tu me le prêteras !
Balzac écrivait plus d’un livre par an…
Sinon je conseille le film « A ghost story ». Expérimental, bluffant et… magnifique.