Une vie sans fin

“Tout mort est avant tout un has-been”

beigbederVoilà longtemps que je n’avais pas lu de livre de Frédéric Beigbeder. Je dis livre car même s’il y a écrit “roman” sur la couverture, je ne peux m’empêcher de considérer ça comme un essai. Évidemment il ne résiste pas à la tentation de se mettre en scène, ce qui aide bien entendu à la meilleure compréhension du propos mais bon, le mot “roman” vient quelque peu décrédibiliser le fond du sujet et c’est dommage car tout ce qui est évoqué dans ce livre est vrai, pour ce qui concerne le propos scientifique.

Frédéric Beigbeder, rangé de la coke, des putes et du marketing (presque) est désormais père de famille à cinquante ans et n’envisage absolument pas de mourir, de même que cette option est inconcevable pour ses enfants. Il va donc consulter divers médecins qui vont l’orienter vers des chercheurs qui travaillent sur l’espérance de vie, les cures de jouvence, l’intelligence artificielle, bref, tout ce qui pourrait éviter de trépasser et permettre la vie éternelle ou du moins, jusqu’à 300 ans. De régime alimentaire strict en renouvellement total du sang, en passant par le transfert du contenu du cerveau sur un cloud ou la modification de l’ADN, Frédéric Beigbeder va explorer toutes les pistes actuellement envisagées par la science pour voir ce que ça donne. Alors bien sûr, pas de spoiler ici, la vie éternelle n’est pas encore à l’ordre de jour. Mais comme dirait l’autre, il faut toujours viser la Lune, pour atterrir dans les étoiles (ou à peu près) et ces recherches scientifiques, qui relèvent parfois de la science-fiction pour les ignorants dont je suis, permettent déjà de sauver des vies, en soignant des cancers réputés incurables notamment. Donc je ne sais pas si on est sur la bonne voie, mais en tout cas ça progresse, step by step.

Et c’est là que ce roman est passionnant, car pour ma part je m’intéresse peu, voire pas du tout aux actualités scientifiques médicales et il apparaît évident que la science progresse à pas de géant, avec des techniques incroyables permises par des recherches aux quatre coins du monde, par des outils de plus en plus performants, et Beigbeder évoque aussi la différence, effarante, en termes de législation entre les pays. Là où l’Europe interdit de se livrer à certaines expériences pour d’évidentes (?) raisons éthiques, en Chine ou ailleurs c’est loin d’être la même mayonnaise et mieux vaut ne pas savoir ce qu’il se trame dans le secret des laboratoires. L’humain “augmenté”, le transhumanisme est sur le point de frapper à notre porte, il est peut-être même déjà sur le perron avec son sourire carnassier de VRP. Et c’est la face du monde qui va en être totalement modifiée, avec rupture encore plus nette entre la caste “riche” et l’immense humanité encore en train de patauger dans sa misère, ses épidémies, son absence de toilettes et ses catastrophes écologiques. Les progrès de la science servent d’abord et avant tout les sociétés qui ont les moyens de les développer, les autres on verra après, ou on ne verra pas car après tout, si on augmente l’espérance de vie et qu’on réduit la mortalité, on sera de plus en plus nombreux et ce n’est pas souhaitable pour les raisons qu’on connaît déjà. Donc… on voit bien qui parmi nous n’aura pas droit à sa part d’immortalité.

Bref, autant de motifs de se réjouir que de motifs de consternation, évoqués avec humour mais aussi beaucoup de sérieux par Frédéric Beigbeder. Un roman accessible pour le commun des mortels (ahah) et une bonne introduction à ces sujets-là auxquels je consacrerai un peu plus de mon attention désormais.

“Somme toute, le bilan d’Homo Sapiens n’était pas très positif : il avait mangé tous les animaux et récolté toutes les plantes pour se rassasier, tout en épuisant les ressources naturelles afin d’assurer son propre développement. Ensuite, il avait organisé involontairement son remplacement. Si au moins sa disparition avait été volontaire… même pas. Après avoir dominé toutes les espèces mammifères ou végétales, et ruiné son cadre de vie, il s’était fait doubler. Est-ce qu’il ne le méritait pas un peu ?”

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