A Hauterives, dans la Drôme, se trouve ce drôle de bâtiment, classé Monument Historique, ce palais exotique insolite construit à cheval (ahem…) sur deux siècles, par un type dont ce n’était absolument pas le métier, qui n’avait manifestement jamais quitté la France et peut-être même son département. Joseph Ferdinand Cheval était facteur. Il parcourait plus de trente kilomètres par jour pour faire sa tournée et un beau jour, après avoir buté sur un cailloux, il a décidé de construire un palais dans son jardin. Le palais idéal du facteur Cheval est aujourd’hui un site touristique majeur de la région, et il l’a en quelque sorte toujours été puisque même du vivant de Cheval au début du XXe siècle, on s’y pressait pour le visiter. Voilà des années que j’aimerais y aller, et encore plus depuis que j’ai vu ce film.
Nils Tavernier a porté à l’écran le destin assez incroyable de cet homme et la meilleure décision qu’il ait prise, c’est de choisir Jacques Gamblin pour incarner Cheval. Outre le fait que c’est un comédien que j’adore, il s’avère qu’il habite le rôle de façon admirable, et porte le film de bout en bout avec un talent et un charisme qui font qu’on se projette totalement dans la tête de Cheval. Pour le reste, il faut bien admettre qu’il s’agit d’un biopic très linéaire, qui s’appuie sur l’histoire vraie du facteur. Ceci étant, sa vie est une succession de drames qu’on n’aurait même pas imaginés dans un scénario donc à partir de là, difficile de s’égarer trop loin dans le récit fictionnel. Perte de sa première épouse, confiscation de son fils, deuxième mariage, perte de sa fille à l’âge de 15 ans, celle pour qui il avait vraisemblablement bâti le palais, perte de son premier fils avec qui il avait fini par renouer, perte de sa deuxième épouse… bref, à une époque où on mourrait facilement de tout et de rien, Cheval a traversé les années en marchant, bâtissant, pour s’éteindre à 88 ans après avoir enterré toute sa famille, mais en laissant derrière lui une oeuvre fascinante, mystérieuse, unique, admirée du monde entier, une inspiration pour des artistes de renom. Ce palais contient pas mal de textes et j’avoue que c’est qui m’intrigue le plus. Je veux aller lire les mots de Cheval, qui en plus d’être un bâtisseur semblait être un sacré philosophe. Le parti-pris du film, c’est de montrer Cheval comme une sorte d’autiste : un homme incapable de manifester la moindre marque d’affection, solitaire, taiseux, rigoureux et obsessionnel, doué de talents venus d’on ne sait où, mais empli d’émotions qu’il ne sait exprimer sauf quand il explose de manière irrationnelle ou qu’il construit un palais. Bon, pourquoi pas. Je ne m’y connais pas assez en psychologie pour valider cette théorie et j’ignore si elle existe pour de vrai. Quoi qu’il en soit, quand on voit le palais, le travail de titan qu’il a fallu à un seul homme pour le réaliser, la richesse créative… on ne peut que se poser des questions sur cet homme que rien ne prédestinait à une carrière d’artiste précurseur, et qui force le respect.
Si le film s’est un peu trop laissé enfermer par la biographie et la chronologie, il vaut évidemment le détour pour cette histoire fascinante et pour la performance de Jacques Gamblin. Notez aussi au passage les paysages somptueux de la Drôme… ça donne grave envie d’aller y poser les semelles.
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