L’invention d’un monde // expo au FRAC Auvergne et à l’hôtel Fontfreyde

inventionmonde_bann

Pour la première fois, ces deux galeries emblématiques de Clermont-Ferrand, l’une municipale, l’autre régionale, font expo commune. Elles présentent des œuvres photographiques issues des collections d’Anne-Marie et Marc Robelin, un couple de collectionneurs privés qui entretiennent avec le FRAC Auvergne une relation privilégiée depuis des années. La raison ? Ils ont le même attrait pour certains artistes et collectionnent leurs œuvres chacun de leur côté, dans une saine concurrence puisque les époux Robelin ont fait une importante donation au FRAC en 2016. C’est pour la présenter au public que cette exposition a été montée, avec d’autres œuvres déjà en possession du FRAC (présentées ces dernières années pour certaines), et des prêts issus de la collection Robelin.

Il est rare de voir au FRAC une expo 100% photographique, alors que l’hôtel Fontfreyde est entièrement dédié à cet art. Il en résulte une belle cohérence donc je vous conseille de visiter les deux expositions à un intervalle rapproché pour en apprécier pleinement l’esprit et l’unité.

J’ignore si j’ai été influencée par ma dernière lecture, mais j’ai ressenti dans cette double-exposition une présence forte, multiple, de la nature. Cette dernière lecture ? “Devant la beauté de la nature” d’Alexandre Lacroix (je vous en parle plus en détails bientôt), qui s’interroge dans cet essai philosophique sur les raisons pour lesquelles nous sommes en proie à un tel émoi devant une cascade ou un ciel étoilé. Dans L’invention d’un monde, il y a tout : le ciel étoilé, les bords de mer, la forêt, les animaux, et même un faux paysage, qui paraît réel mais qui nous trompe. Il n’y a pas que la nature dans cette exposition, mais bizarrement, cette question de la beauté, un peu naïve, d’un paysage naturel a été évoquée lors de la visite guidée au FRAC (devant les bords de mer de Elger Esser) car la photographie contemporaine en est souvent bien éloignée. Même si j’ai apprécié les autres œuvres (toutes en fait, ce qui est assez rare (sauf peut-être les ongles de Natacha Lesueur, qui m’ont un peu écœurée)), mon esprit était très certainement accaparé, biaisé par cette réflexion que j’avais depuis plusieurs jours avec ma lecture. Et tant mieux, j’aime ce télescopage, j’ai plongé dans certaines œuvres avec d’autant plus de plaisir.

J’ai particulièrement aimé le travail de Jochen Gerz, et ses paysages forestiers déstructurés intitulés “L’invention d’un monde” (qui a donné son titre à l’expo), vision partielle, renversée, familière mais différente, inquiétante. J’ai aussi été interpellée par Thomas Ruff et son paysage pixelisé, qui ne révèle sa supercherie que lorsqu’on a le nez dessus, comme une mise en garde contre la vérité supposée de nos sens, et puis bien sûr par son travail sur les photos de l’espace, réalité invisible pour nos yeux, réalité de l’œil de la sonde Cassini. Et puis il y a Elger Esser, dont les paysages maritimes puissants, intemporels, habitent la grande salle du FRAC, puisant leur inspiration chez Proust ou Maupassant. Maupassant que j’aime tant, et qui a décrit avec tant de détails les côtes normandes à son ami Gustave Flaubert. L’une de ses lettres est retranscrite à côté du paysage d’Etretat, avec ses croquis qui ont inspiré le cliché d’Esser. J’avais connaissance de ces correspondances descriptives grâce à l’ouvrage “Dans les pas de Guy de Maupassant” (OREP édition), qui nous livre une biographie via les paysages qu’il a traversés, et décrits, tout au long de sa vie. Avec Xavier Zimmerman et son “Paysage ordinaire n°14” le nez dans l’herbe, avec Thomas Struth et ses fleurs en gros plan, c’est la nature au ras du sol, sans artifice, et à la beauté universelle, un peu naïve, trop évidente. On retrouve dans cette double exposition Eric Poitevin, déjà exposé il y a quelques années au FRAC avec sa série sur les animaux morts. Les revoilà, toujours aussi horriblement fascinants de beauté et de chagrin. Mais à Fontfreyde, ce sont 100 portraits de Poilus, toujours par Poitevin, qui recouvrent un mur entier d’une des salles : autre vision, photographier la vie avant qu’elle ne disparaisse (avec en guest un photographe très connu, le reconnaîtrez-vous ?).

Je n’ai pas cité tous les artistes, privilégiant ceux qui ont livré un certain rapport à la nature, mais je ne peux pas ne pas parler de Martin Parr, dont une série est exposée à Fontfreyde. Autre genre, autre ton, on n’est pas dans le paysage romantique, loin de là. Pourtant, j’adore Martin Parr, sa trivialité, le dégoût qui ressort parfois, souvent, de ses photos ; l’humanité, la civilisation, dans tout ce qu’elle a de superficiel, de criard, de bancal, de mauvais goût. L’inverse de la nature en fait non ? Sûrement pour ça que je l’aime autant que le reste. Et devinez quoi ? J’ai appris au cours de la visite guidée que l’expo estivale de l’hôtel Fontfreyde lui serait consacrée ! Oh yeah !

En attendant, je ne peux que vous conseiller d’aller vous réfugier au FRAC et à l’hôtel Fontfreyde pour admirer L’invention d’un monde. Je vous recommande comme d’habitude de suivre une visite guidée, qui complètera le livret d’exposition. Celle que j’ai suivie au FRAC a pris une tournure intéressante mais périlleuse avec un débat improvisé sur ce qui distingue une photo technique d’une photo artistique. Je ne suis pas sûre qu’on s’en soit sortis !

Du 19 janvier au 24 mars 2019 – visite libre et guidée gratuites

FRAC Auvergne – mardi au samedi 14h-18h, dimanche 15h-18h

Hôtel Fontfreyde – mardi au samedi 14h-19h, dimanche 15h-18h

www.frac-auvergne.fr

inventionmonde4

inventionmonde2

inventionmonde5

inventionmonde6

inventionmonde7

inventionmonde8

inventionmonde3

inventionmonde1

inventionmonde9

 

T'as un truc à rajouter ?

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s