Hasards du calendrier, j’ai vu ces deux monuments de la musique deux soirées d’affilée. Une salle, deux ambiances !
Archive
Le groupe célèbre cette année ses 25 ans d’existence et c’est à La Coopé, à Clermont, qu’il a choisi de lancer sa tournée événement. Je n’écoute pas Archive depuis 25 ans mais depuis… disons… 15 ans, ce qui est déjà pas mal. Je les ai déjà vus sur scène ici même en 2006, 2007, 2009 et donc 2019 (je garde les tickets et j’ai un blog, ça aide à se souvenir). Archive c’est, pour le socle indéboulonnable, Darius Keeler et Danny Griffiths (qui ne chantent pas). Pour le reste… ça va, ça vient, ça change et ça revient, les voix se succédant d’un album à l’autre. Le style musical étant lui aussi parfaitement mouvant. Le premier album était résolument trip-hop (c’était le gros courant de l’époque), le deuxième n’a rien à voir, et ainsi de suite. Bon, depuis quelques années, il y a tout de même une certaine unité vers un rock progressif saupoudré d’électro mais quand on contemple la carrière d’Archive, on se dit que les pisse-vinaigre qui critiquaient les changements de style à chaque nouvelle sortie de disque auraient mieux fait d’aller aux champignons. Parce que ce recul de 25 ans me fait dire que peu de groupes auront eu une telle longévité en modifiant les voix, en assumant les changements de style, en explorant d’autres voies, en faisant le pari de la créativité et de l’audace. J’ai re-parcouru rapidement leur discographie après le concert, tout n’est pas mémorable, loin de là, mais putain que de perles et pépites disséminées un peu partout ! On va dire que ça représente les 4 CD de l’album anniversaire mais on pourrait en rajouter sans peine. Des bijoux de trip-hop, de piano-voix, de rock lourd, d’électro, de ballades dont l’inénarrable Again, 16 minutes et 15 secondes de transe, d’escalade émotionnelle insensée qui font que c’était inévitablement la dernière chanson de ce set marathonien de 3 heures parce qu’après Again, tu peux mourir tranquille.
Trois heures de feu total où les chansons d’albums différents s’enchaînaient avec une évidente et déconcertante cohérence, nous laissant à peine le temps d’applaudir, et illuminées de jeux de lumières absolument grandioses. Un spectacle total offert à La Coopé archi comble pour l’événement.
Quelques titres en vrac : You make me feel (Take my head), Fuck you (Noise), Again (You all look the same to me), Numb (You all look the same to me), System (Lights), Lights (Lights), Noise (Noise), Bullets (Controlling crowds)…
🎶
Miossec
Voilà également plusieurs fois que je vois Miossec sur la scène de La Coopé (2007, 2009 (avec Tiersen), 2010, 2012, 2014 et 2019 donc (la vache, ça commence à faire beaucoup ! On dirait une fan de Johnny)). On aura connu salle plus fréquentée que ce soir de 2019 où quelques petites centaines de personnes étaient venues écouter le Breton mélancolique. C’est donc devant un public clairsemé et, disons-le, un peu assommé par la première partie de Matt Low et Pauline Audigier (j’aime bien hein, mais devant un public de pré-retraités fatigués de leur soirée de la veille avec Archive (je parle pour moi là (mais soyons réaliste, le public de Miossec est désormais à son image, chancelant)) qui était malheureusement soporifique), que Miossec a entrepris de faire la promo de son dernier album “Les rescapés”. J’avoue ne pas trop comprendre cette organisation de set qui consiste à balancer toutes les nouvelles chansons dès le début, alors que les gens attendent les vieux titres. On pourrait panacher un peu non ? Ça éviterait à l’artiste de se foutre de nous en disant “gneu gneu ils jouent que des chansons qu’on connaît pas”. Perso j’avais révisé un peu (le dernier seulement) mais pour me mettre dans le bain j’aurais bien aimé quelques titres plus anciens. Même 2014 (Ici bas, ici même) c’était suffisant pour moi. De toutes façons, j’ai réalisé sur “Qui nous aime”, arrivé un peu plus tard dans le set, qu’il était quasi impossible de chanter la plupart des vieilles chansons. L’écriture de Miossec c’est l’intime absolu, l’amour, le sexe, la mélancolie (c’est communiste, c’est pas capitaliste) et donc, sur “Qui nous aime”, j’ai repensé à celle intitulée “Le célibat” (album “Baiser”) qui date de 1997. Etude comparée de paroles (extraits) :
1997 :
N’être là que pour la baise […]
Ne plus jamais laisser personne rentrer
Pour ne plus se faire prendre
Pour ne plus se faire voler
Apprendre enfin à esquiver
Pour ne plus se faire étendre
Pour ne plus se faire allonger
2014 :
On change de cavalier
On change de partenaire
Mais on ne sait plus danser
Que comme des solitaires
On nous sent à plein nez
Ça se voit à notre air
Qu’on est un peu paumé
Qu’on est célibataire
Ah ça fait moins le mariole ! C’est plus la même ambiance, en 2014. Fini de fanfaronner sur fond de gna gna rien à foutre. Bref, vous voyez l’idée. Il ne peut plus chanter l’intime de 1997. En revanche, y en a une qu’il pourrait (et devrait) ressortir sans souci, et que j’aime beaucoup, c’est “On était tellement de gauche” (album “Baiser” 1997). Regardez-moi ces paroles, comme elles n’ont pas pris la moindre ride (“tout ce qu’en marche on a perdu”… en marche… vous l’avez ? *wink wink*), on frôle la prophétie auto-réalisatrice là.
Si pendant les premières chansons je me suis demandée ce que je fichais là (je m’étais tâtée pour assister à ce concert, prévu initialement le 7 décembre et reporté), à la fin j’ai compris ce qui me poussait chaque fois à venir le voir : l’écriture, secouée par une houle intérieure toujours renouvelée, cinglante et déchirante à la fois. Et même si la voix n’y est plus trop, reste la rage intestine, qui se charge de délivrer le message.