Ce livre n’est pas un roman, et pourtant c’est un livre d’aventure. Marc Jeanson est botaniste et à la tête de l’Herbier du Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Dans ce livre, co-écrit avec Charlotte Fauve, ingénieure paysagiste et journaliste, Marc Jeanson alterne deux récits : son propre parcours, depuis son enfance jusqu’à son accession à l’Herbier en passant par sa thèse sur les palmiers, et l’histoire de la botanique, débutée il y a environ 350 ans. Il faut dire qu’en tant qu’étudiant, il a farfouillé des heures et des heures dans les archives des collections de Paris, Montpellier ou New York et qu’il a côtoyé de près ses illustres prédécesseurs au travers de leurs précieux taxons et annotations. Enfin… illustres, il faut le dire vite, la grande majorité des botanistes, qui ont répertorié des milliers de plantes, ne sont connus de personne mis à part les spécialistes. Pourtant, c’étaient de véritables aventuriers, partant sur des bateaux à la destination incertaine, durant de long mois, pour débarquer dans des pays souvent hostiles et dangereux afin d’y collecter des plantes qu’ils n’avaient jamais vues de leur vie. Beaucoup n’en sont jamais revenus. D’autres ont eu plus de chance et ont contribué largement à l’avancée des connaissances scientifiques autant qu’à l’embellissement des jardins d’agrément ou potagers.
Aujourd’hui plus que jamais, leurs travaux permettent de voir où en est la biodiversité, les migrations, les disparitions, et ces botanistes pleureraient de rage s’ils voyaient ce que sont devenues les contrées luxuriantes qu’ils ont parcourues. Malgré toutes les expéditions passées et récentes, de nombreuses espèces, végétales ou animales, n’ont encore jamais croisé le chemin d’un scientifique qui aurait pu leur donner un nom et attendent (ou pas) d’être découvertes. D’autres ont sûrement disparu avant même qu’on puisse faire leur connaissance, avec les coupes rases, incendies, assèchements dont les humains ont le secret. D’ailleurs, il n’était évidemment pas prévu que je lise Botaniste pendant que l’Australie se consume comme jamais. Cette mise en parallèle involontaire a donné une perspective vertigineuse à ce livre, elle m’a tordu le ventre et même si, comme Marc Jeanson, je suis convaincue que la nature est résiliente, je ne peux m’empêcher de me dire que ces incendies, de plus en plus fréquents, de plus en plus violents, en Amazonie, en Australie et ailleurs, que tous ces phénomènes climatiques vont, de fait, précipiter de nombreuses espèces animales et végétales dans une mort certaine et irréversible. Et quand je vois certains imbéciles parler d’un défaut d’ ”entretien de la nature” comme cause à tous ces drames, j’ai envie de les jeter dans le brasier. La nature n’est jamais aussi équilibrée que lorsqu’elle est exempte de toute intervention de l’espèce la plus invasive que la Terre ait porté : la nôtre.
“Les orchidées, par exemple, que je n’apprécie guère : elles ont un côté caoutchouc, elles sont complètement trafiquées, surmaquillées – pour moi, c’est la cagole de la fleur.”
“Je demeure pourtant d’un naturel optimiste, du moins pour la survie des plantes. Les plantes gagnent toujours. En ville, le milieu qui pourrait leur être le plus hostile, elles sont partout, plus surprenantes, plus entreprenantes qu’ailleurs.”
“Mais prêtez-y attention, l’air de rien, les plantes complotent au bas des trottoirs”.
Pour aller + loin :
Dans le livre, Marc Jeanson nous invite à aller voir sur le web les planches de Mercurin, un botaniste qui a trouvé un moyen (inconnu) de conserver les belles couleurs des plantes qu’il récoltait. J’y suis allée et ça donne furieusement envie d’aller visiter l’Herbier.
le grand entretien de Marc Jeanson sur France Inter (vidéo)
Une interview sur France Culture
Un portrait de Marc Jeanson sur Le Monde
La page de Botaniste sur le site de Grasset
Et rappel, vous pouvez contribuer au rachat de parcelles de forêts anciennes en Auvergne par le Conservatoire des Espaces naturels d’Auvergne en donnant au projet Sylvae.