David Happe est technicien forestier et ingénieur écologue, basé pour l’instant en Auvergne même si son fil Twitter m’informe qu’il va partir pour la Bretagne (excellent choix, comment lui en vouloir ?). Depuis de nombreuses années il étudie les populations d’arbres aux quatre coins de la planète et dans ce livre il nous fait part de ses recherches et observations, en prenant pour exemple plusieurs essences d’arbres plus ou moins connues du grand public. Il nous alerte sur l’imminence du danger qui guette certaines d’entre elles, au travers d’un “voyage dendrologique” sur les cinq continents.
Les premières pages du livre évoquent les constats et mobilisations internationales concernant la biodiversité, où les espèces animales semblent souvent retenir l’attention plus que les espèces végétales. Mais depuis quelques années, notamment en raison des “megafires”, de la déforestation galopante et du réchauffement climatique, le grand public autant que les pouvoirs publics (certains) commencent à ouvrir les yeux sur la situation de nos arbres, qui n’est pas brillante.
Cyprès de Lambert, séquoia, araucaria du Chili, peuplier noir, marronnier, cèdre de l’Atlas… certaines de ces essences nous sont plus familières que d’autres, certaines attirent notre regard dans un parc municipal sans qu’on puisse les nommer… David Happe nous en conte l’histoire, depuis leur territoire d’origine jusqu’à leur arrivée, via les poches ou les chapeaux des botanistes, dans nos parcs et jardins ou le long de nos nationales. Car on oublie parfois, pour ne pas dire souvent, que de nombreuses espèces d’arbres familières sont nées bien loin d’ici, dans des écosystèmes particuliers qui souvent sont surexploités, pas protégés, grignotés par l’urbanisation, qui voient leur population d’individus décroître de manière catastrophique et avec elle tout la précieuse biodiversité qui l’accompagne depuis des millénaires : oiseaux, insectes, champignons, etc. Et les spécimens que nous avons introduits dans nos pays depuis des dizaines, voire des centaines d’années pour certains, sont désormais menacés par les périodes de sécheresse, des insectes ou champignons ravageurs. Alors que faire ?
Programmes de conservation dans leur territoire d’origine, arboretums, aménagements paysagers urbains tenant compte des spécificités et de l’évolution du climat… toutes les actions sont bonnes à prendre pour tenter de sauver ces espèces à la fois si fortes et si fragiles.
J’ai trouvé l’angle choisi par David Happe particulièrement intéressant, ce parallèle entre l’origine exotique d’un arbre et sa destinée urbaine. Je vais garder précieusement ces informations pour m’y référer lorsque je croiserai un bel arbre à l’arboretum de Royat, afin de connaître son histoire lointaine. Il évoque à la fin du livre l’arboretum de Balaine, dans l’Allier, que je n’ai toujours pas (honte à moi) visité. Tout cela donne envie de regarder les arbres avec un peu plus d’attention, ce que je ne manque jamais de faire lorsque je randonne, mais j’ai envie de mieux connaître leur nom, leurs origines. Je précise qu’Arbres en péril est accessible au plus grand nombre, agrémenté de notes, de photos (en noir et blanc malheureusement) et d’un glossaire qui permettent aux non-spécialistes de ne pas se perdre en route.
On a parfois l’impression que nos agglomérations urbaines font des choix un peu aléatoires, lorsqu’elles plantent des arbres. Aujourd’hui encore, j’ai vu à côté de chez moi un petit tilleul (? va falloir que je vérifie plus précisément) flanqué d’un panneau de la ville annonçant son “remplacement” prochain, arguant que parfois, les arbres doivent être remplacés, ainsi va la vie etc… J’ignore s’il est le seul à faire les frais de cette opération, car ils sont quelques-uns alignés dans cette rue et c’est le plus chétif. J’espère qu’ils ne vont pas tous les couper. Dans tous les cas, on gagnerait à prendre conseil auprès de personnes qualifiées car il ne s’agit plus désormais de faire de l’ornement, mais d’armer nos villes contre les épisodes de canicules et de trouver un forme de végétalisation pérenne.
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Acheter Arbres en péril en librairie indépendante
Je vous recommande bien entendu de lire ce livre passionnant de David Happe et d’y ajouter ces quelques références dont je vous ai déjà parlé précédemment :
Botaniste de Marc Janson et Charlotte Fauve, pour un voyage dans le temps à la rencontre des aventuriers-botanistes
Préserver les solitudes de John Muir et J’aurais pu devenir millionnaire j’ai choisi d’être vagabond, d’Alexis Jenni, John Muir le marcheur infatigable sans l’intervention duquel il n’y aurait peut-être plus un séquoia debout.
Les pommes sauvages, de Henry David Thoreau, ode aussi insolite que poétique aux pommiers sauvages.
La vie secrète des arbres, de Peter Wohlleben, avec les quelques réserves que j’avais émises (et David Happe émet les mêmes)
Les plus belles forêts d’Auvergne et du Limousin, recueil de superbes photos commentées par Claudy Combe. Attention, les éditions Page Centrale ayant cessé leur activité, c’est un objet rare, que vous pouvez peut-être encore vous procurer à la librairie Les Volcans, qui brade les fins de stocks (mon conseil, prenez tout : cinéma, littérature, TOUT)
Une sélection de petits guides et applis naturalistes, pour reconnaître les arbres, les fleurs, les oiseaux…
Les arbres remarquables du Puy-de-Dôme, de Stéphane Cordonnier et Christophe Gathier, édité par le CEN Auvergne. Je n’avais pas fait d’article mais une chronique sur France Bleu Pays d’Auvergne (ou j’évoquais également le projet Sylvae du CEN Auvergne).
Comment chier dans les bois, de Kathleen Meyer, qui au-delà du titre provocateur évoque des sujets dont tout le monde se fout en France : la pollution humaine dans les espaces naturels. Il y est longuement question des parcs américains, particulièrement au taquet sur ces questions.
Je ne résiste pas à vous mettre la photo que j’avais prise du tilleul de La Fage à Bagnols. Dommage qu’il n’y ait eu personne de passage à faire poser à côté pour mieux évaluer sa majesté.