Si je connais bien le Maupassant prolifique auteur de romans et nouvelles, je connaissais moins ses chroniques journalistiques dans Gil Blas et Le Gaulois. Durant plus de 10 ans, presque jusqu’à sa mort prématurée, Maupassant a écrit des articles où se croisaient un regard contemporain sur le monde et une vision littéraire et poétique de ce même monde.
Ce recueil de Chroniques méditerranéennes rassemblées et commentées par Henri Mitterrand nous embarquent dans un voyage ensoleillé, exotique mais aussi instructif sur l’histoire de la France de la fin du XIXe siècle. Maupassant, motivé par ses problèmes de santé qui lui faisaient rechercher la chaleur, et par son amour de la navigation, a particulièrement aimé ses séjours dans le Sud de la France.
De la Provence au cœur du désert algérien, en passant par la Corse, la Sicile et l’Italie, on découvre un Maupassant curieux, enthousiaste ou dépité, observateur ému ou acerbe. Chaque chronique sélectionnée est introduite par un commentaire qui nous éclaire sur le contexte, à la fois personnel de l’auteur mais aussi historique. Ces commentaires sont indispensables, notamment pour les récits tunisiens et algériens, qui replacent la France dans son rôle d’occupant. Le lecteur du XXIe siècle découvre la vision d’un homme du XIXe siècle sur des pays et des populations dont les modes de vie sont aux antipodes des salons parisiens. Il en ressort une sensation étrange de malaise, entre descriptions émerveillées pittoresques (pour ne pas dire caricaturales) et commentaires condescendants et concupiscents (malgré la syphilis, Maupassant reste Maupassant), entre critique ouverte de l’occupation française et complaisance de celui qui jouit de privilèges dûs à sa nationalité et son rang. La perspective est aussi troublante que fascinante et on comprend que ces sujets fassent encore de nos jours l’objet de débats épidermiques.
Ces chroniques peuvent, pour certaines, être un peu barbantes car le Maupassant touriste peut parfois être pénible, et les faits relatés si loin de nous et tombés aux oubliettes qu’on n’a pas envie de s’y intéresser, mais il en reste cette vision d’un monde révolu dans son histoire et ses paysages, parfois émouvante, parfois écoeurante, cette trace personnelle du temps qui passe jour après jour, ce désir de coucher sur le papier des sensations et des petits événements dont l’écho mélancolique nous parvient à travers ces récits.
Un numéro du 1 Hebdo a traité récemment de l’Algérie, c’est une lecture intéressante à mettre en regard des chroniques de Maupassant.
“Elles sont rares aujourd’hui, les contrées inexplorées et désertes, surtout quand on ne veut point sortir de France. La Normandie est traversée par autant de promeneurs que le boulevard des Italiens. La vieille Bretagne cache un touriste, un odieux touriste, derrière chaque menhir. L’Auvergne abreuve à ses sources guérissantes des légions de malades qui rapportent des ballots de photographies prises sur les dômes, les pics et les plombs.”
(Gil Blas, 26 août 1884)
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Que dirait-il du tourisme de masse de notre époque,avant la Covid bien sûr ?
manifestement ça existait déjà à son époque ! Mais vu l’ours que c’était il ne l’aurait pas supporté