Il est rare que je lise des romans que je n’ai pas choisis moi-même. C’est le cas pour ce polar qu’une amie m’a prêté il y a quelques mois, qui ne me faisait pas vraiment envie, et que j’ai fini par attaquer parce que je me suis dit que bon, je devais penser à lui rendre son livre parce que moi j’aime pas qu’on me rende pas mes livres et c’est d’ailleurs pour ça que je ne les prête jamais. Bref. J’ai enfin lu Fétiches Kongo ! L’auteur, Christophe Corvaisier, est Clermontois mais le sujet et la localisation de l’intrigue n’ont rien à voir avec l’Auvergne, loin de là. De plus, il est utile de préciser que le livre a été publié en 2019 et que toute ressemblance avec des faits existants nous bousillant la vie depuis plus d’un an ne sont qu’une incroyable coïncidence (ou de la sorcellerie).
Le roman s’ouvre sur un Chinois qui débarque en combinaison de protection au cœur de la Guinée en plein cluster du virus Ebola pour faire un prélèvement. Quelques mois plus tard, deux cadavres en état de décomposition sont retrouvés ligotés et mutilés dans une friche industrielle de la région parisienne. A peine entré sur le lieu du drame, Sakombi, un flic, sait au premier coup d’œil de quoi ces deux types sont morts. Ebola. Branle-bas de combat, isolement des flics exposés et de l’otage survivant du merdier, qui avait donné l’alerte après avoir réussi à s’échapper. Le capitaine Potrel, supérieur de Sakombi, prend l’enquête en main et met toute son équipe sur le coup. Sauf Sakombi, à l’isolement et qui commence à sentir frémir ses racines congolaises de manière inquiétante. Quelques jours plus tard un autre meurtre est commis, atroce, sur fond de rites barbares, et qui présente des similitudes avec les deux autres. Il devient de plus en plus évident que des forces occultes sont à la manœuvre et que l’équipe de Potrel va avoir du fil à retordre, d’autant que Sakombi a disparu de l’hôpital, laissant à penser qu’il en a profité pour terminer l’otage survivant, un ex-ministre belge connu pour ses prises de position racistes.
Durant plus de 500 pages, cette enquête navigue entre polar géopolitique, drame sanitaire et magie noire. Des forêts profondes du Congo au musée du Quai Branly, en passant par les communautés religieuses africaines, l’OMS ou la cave d’un Jésuite, on ne sait plus qui tire les ficelles de cette histoire qui prend des proportions aussi énormes qu’incroyables.
Les rebondissements sont nombreux et on tourne les pages avec avidité mais plus on avance, plus l’intrigue se densifie et devient difficile à suivre. Le dénouement est d’ailleurs tellement énorme et complexe que l’auteur semble s’en débarrasser rapidement sans trop s’éterniser sur les détails. Sans parler du personnage de Sakombi dont on attend beaucoup et puis finalement pouf pouf. Bon.
🚨 attention giga spoilers ci-dessous 🚨
Je ne peux pas nier que j’ai pris plaisir à lire ce polar, fort bien écrit au demeurant, mais je m’attendais à une autre fin. Probablement conditionnée par les “plot twists” qu’on a l’habitude de lire chez certains auteurs, je ne pensais pas que les histoires de sorciers, fétiches et autres phénomènes surnaturels étaient “réels”, je pensais que c’était le ou les tueurs qui voulaient faire “croire que” afin de maquiller des desseins beaucoup plus terre à terre. Je suis malheureusement fort peu réceptive à tout ce qui concerne la religion, les croyances, la sorcellerie, sauf quand le genre littéraire ou cinématographique annonce la couleur, comme Harry Potter par exemple (on a les réf qu’on mérite). Mais dans le cas d’un polar qui d’un autre côté se veut hyper réaliste et très documenté sur les questions de géopolitique, j’ai du mal. Même si bon… j’avoue qu’avoir prophétisé, moins d’un an avant que la réalité ne le rattrape, une pandémie sur fond de manipulations politiques relève peut-être du surnaturel de la part de l’auteur. Sauf que Christophe Corvaisier a légèrement sous-estimé les conséquences de la découverte de deux cas d’Ebola en région parisienne. M’est avis que les protagonistes ne passeraient pas trois petits jours en observation et qu’on serait tous bouclés chez nous sans attestation de sortie pour aller à la pêche à 30 km. Ce type de polar à l’intrigue très alambiquée me fait d’ailleurs penser aux théories complotistes, dont je trouve souvent qu’elles s’apparentent à des scénarios auxquels la littérature et surtout le cinéma nous ont habitués. Il y a toujours ce côté à la fois très logique façon puzzle qui s’assemble, et excitant au fur et à mesure que tout fait sens. Sauf que la réalité est souvent (toujours ?) bien décevante. C’est pour ça qu’on lit autant de romans et qu’on regarde autant de films et séries non ?
Un article de La Montagne au sujet de Fétiches Kongo
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“Ebola était une impossibilité conceptuelle pour l’occident, une menace barbare à rebours de la civilisation. Ce virus focalisait nos angoisses de fin du monde et nos fantasmes morbides. Y succomber aurait signifié l’échec de notre trajectoire évolutive. Le combattre répondait donc aussi à une nécessité symbolique. Aussi longtemps que l’on mettrait cette saleté primitive en échec, l’occident justifierait son histoire. Les enjeux expliquaient l’importance des moyens mis en œuvre. Mais cette débauche soulignait également l’ampleur des doutes de notre civilisation sur elle-même.”
“En saccageant les équilibres naturels, on avait libéré un monstre qui depuis, frappait l’humanité, comme un juste châtiment de sa folie à détruire et à conquérir.”