Les tribulations d’un Français en France

Philibert Humm, à peine trentenaire, a obtenu le prix Vialatte 2021 grâce à ses Tribulations d’un Français en France. Comment qualifier cet ouvrage ? Un carnet de voyage plus qu’un roman, c’est certain, qui se décompose en deux parties. La première est une succession de lieux que les institutionnels du tourisme devraient apprécier (plus ou moins, plutôt moins que plus), car voilà quelques années maintenant qu’il est de bon ton de valoriser des sites en les comparant avec des destinations lointaines (la Venise de…, le Colorado de…), en espérant rediriger les voyageurs vers une destination française plutôt que lointaine. Dans cette liste on trouve la célèbre Amazonie auvergnate, à savoir le méandre de Queuille. C’est peut-être le lieu que Philibert Humm égratigne le moins parmi sa sélection. On aurait pu y trouver le Colorado auvergnat (et même LES Colorados, puisqu’il y a la Vallée des Saints et le ravin de Corboeuf qui se disputent le titre convoité) mais c’est celui de Rustrel dans le Lubéron qui a gagné les faveurs de l’auteur. Bref, Philibert Humm s’est rendu sur place afin de constater la réalité des comparaisons prestigieuses de ces sites touristiques. Et bien entendu son constat est quelque peu… nuancé dirons-nous. Avec beaucoup d’humour mais sans mépris, les localités sont jaugées, des personnalités locales interrogées et après tout on se dit que pourquoi pas ? Si ça peut faire rêver, c’est toujours ça de pris. 

Dans la deuxième partie de ce livre, Philibert Humm nous embarque dans un périple de plusieurs jours en auto-stop, au départ de Paris. Sur son carton : “N’importe où”. Et contre toute attente, ils sont plutôt nombreux à s’être arrêtés pour transporter l’auteur n’importe où. Ce qui fait le charme de l’auto-stop, c’est la rencontre et ici les portraits sont tous attachants, improbables parfois. Aller n’importe où, certes, mais pas avec n’importe qui et pourtant comme le souligne l’auteur, l’auto-stoppeur ne choisit pas son chauffeur, c’est lui qui est choisi. 

J’ai beaucoup aimé ce livre. La première partie a évidemment amusé et intéressé la professionnelle du tourisme que je suis. Mais j’ai préféré la deuxième partie, que j’ai trouvée particulièrement rafraîchissante et poétique, moi qui n’ai jamais levé le pouce de ma vie sur le bord d’une route. Le style d’écriture de Philibert Humm rappelle parfois, même souvent, le ton et l’humour d’Alexandre Vialatte : le prix est amplement mérité ! 

“Mais voilà, l’Amazonie auvergnate ressemble beaucoup (un peu) à l’Amazonie telle que se la figure celui qui n’y a jamais mis les pieds. Et cela compte. Car c’est l’image d’Epinal qui meut d’abord les voyageurs, le pousse à quitter les siens, traverser les montagnes et baratter les océans. […] Le voyageur n’en finit pas de visiter ses lieux communs. Il cherche au loin ce qui ressemble à ce qu’il s’imagine. De là vient sa frustration. De là vient qu’il repart toujours.”

“L’homo modernus ne se contente plus de venir au monde et de le trouver beau : il se pique de l’aménager. Il l’organise, l’agrémente selon son goût et le met aux normes. C’est important les normes. La rend la vie plus conforme. Pour ce faire, il suffit d’avoir recours à la trinité des “3P” : Parking, Panneaux, Poubelles. Ainsi met-on la Nature au pas.”

“Les voitures, quand elles ont des bornes au compteur et du foutoir dans les portières, en disent plus long sur leur propriétaire que les SUV loués à la demi-journée.”.

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