Je me répète mais je n’arrive pas à savoir si je préfère les BD ou les romans de Fabcaro. Le discours, un roman, est encore de haute volée.
Adrien, la quarantaine, dîne chez ses parents avec sa sœur et son futur époux. Ce dernier, Ludo, lui glisse qu’il voudrait qu’il fasse un discours pour le mariage qui arrive. Adrien est incapable de protester et commence déjà à angoisser à l’idée de devoir écrire quelque chose et pire, de devoir prendre la parole devant les invités. Mais ce qui le préoccupe le plus, c’est qu’il a envoyé un SMS à Sonia, dont il est séparé depuis plus d’un mois, et qu’elle ne répond pas. De l’entrée au dessert, nous suivons les réflexions d’Adrien sur sa famille, ses amours, ses angoisses multiples, son incapacité à s’imposer où que ce soit, sa maladresse permanente, son attente éplorée devant son téléphone qui reste muet, sauf lorsque c’est un pote qui lui envoie un stupide message inutile.
Comme toujours avec Fabcaro, on navigue, on tangue dangereusement même, entre humour cinglant et mélancolie sourde. La pertinence des remarques sur les relations humaines, familiales en particulier, donne aux passages humoristiques une résonance particulière. L’anxiété sociale, et même peut-être la dépression, ne disent pas leur nom mais on les ressent tout au long de ce repas déprimant comme une pièce de théâtre molle cent fois rejouée. Elles occasionnent nombre de situations cocasses aux conséquences plus ou moins graves dont Adrien est conscient mais sa lucidité semble avoir des limites. Sonia va-t-elle répondre et surtout, va-t-elle revenir ? Chaque lecteur se fera son propre avis, qui je pense sera le même pour tous… sauf pour Adrien.
Ce Discours est différent de Figurec, beaucoup plus absurde, et différent de Broadway. Mais j’ai adoré les trois romans de Fabcaro. Le mariage de l’humour absurde désabusé et de l’acuité sur les relations sociales est une vraie signature chez Fabcaro dont je ne m’en lasse pas. J’ai beaucoup ri, encore une fois.
Un film a été adapté de ce roman, sorti en 2021. Je n’ai pas très envie de le voir.
“Il faudrait toujours entretenir son lieu de vie comme si on allait mourir le jour même, afin que notre départ soit digne. Effacer son historique Internet de visites douteuses, nettoyer les rebords de la cuvette de toilettes, laisser traîner sur la table basse un recueil de Paul Eluard, si possible ouvert à une page dont une phrase soulignée au crayon pourrait servir d’épitaphe – Vivre d’erreurs et de parfums.”
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