A la recherche de Vivian Maier

Le saviez-vous ? Vous ou moi, n’importe qui… peut découvrir un trésor caché chez un garde-meubles et faire d’une femme mystérieuse une légende pour l’éternité. Commencez à chercher, au lieu de lire mes bêtises !

vivian-maier-afficheVivian Maier est née en 1926. Elle est morte en 2009 dans la pauvreté et l’anonymat le plus total. Grâce au flair d’un jeune agent immobilier amateur de brocantes et de ventes aux enchères, John Maloof, ce sont près de 120 000 clichés qui rentrent petit à petit, avec leur mystérieuse auteure, dans les musées et dans la grande histoire de la street photography.

John Maloof a réalisé ce documentaire seul, grâce notamment à un financement participatif lancé en 2011 sur Kickstarter et auquel je regrette, rétrospectivement, de ne pas avoir participé (mais à l’époque je n’en avais pas entendu parler bien sûr). Cette histoire aura donc été une sacrée belle histoire à tiroirs, de bout en bout.

Vivian Maier était une nounou pas comme les autres. Elle avait choisi ce métier, du moins ce sont les hypothèses retenues, pour avoir du temps libre et l’occasion de vivre au grand air. Lors de ses sorties avec les enfants, elle photographiait sans relâche, de manière compulsive, avec son Rolleiflex. Je n’ai évidemment vu qu’une infime partie de ses clichés mais la diversité de ses sujets et de ses compositions est extraordinaire. Les gens de la rue, les clochards, les ivrognes, les ouvriers, mais aussi les mères de famille, les business men en costard, les Blancs, les Noirs, les mamies endimanchées, les paires de pieds. Des émotions éphémères aussi, des rires, des larmes, des drames, de la colère, de la surprise ou de la suspicion. Sur chaque photo ou presque, des visages ou des silhouettes captés par un objectif curieux voire parfois intrusif, ou carrément voyeur. Parmi les clichés les plus remarquables, ses autoportraits. Vivian Maier se mettait en scène avec une grande créativité de jeux d’ombres et de reflets, tel un ectoplasme dont on n’aperçoit parfois que l’ombre du chapeau. On cherche dans ce regard sombre, profond, parfois triste ou tout simplement indifférent, ce qui pouvait bien lui passer par la tête à ce moment précis, et même avant, et aussi après.

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Ce documentaire passionnant tente de reconstruire l’histoire de cette femme, de comprendre ce qui la poussait à prendre toutes ces photos, en noir et blanc ou en couleur et ces films qu’elle ne prenait même pas la peine de développer. Le mystère reste entier. Vivian Maier entassait les photos autant que les journaux ou les bibelots, sans jamais rien en faire. Des indices laissent à  penser qu’elle avait conscience de la qualité de ses photos mais sa nature secrète et manifestement obsessionnelle l’a probablement découragée à montrer son travail. On n’en saura jamais rien. Ni même si cette célébrité posthume lui aurait fait plaisir. Rien n’est moins sûr.

Les avis divergent. La chance de John Maloof (outre sa découverte fabuleuse), c’est que beaucoup de personnes qui l’ont côtoyée sont encore là pour parler d’elle. Les vieux du village de son enfance dans les Alpes françaises, des familles qui l’ont employée, des enfants qu’elle a gardés désormais devenus grands. Tantôt Mary Poppins, tantôt sorcière, femme d’une grande intelligence ou vieille fille acariâtre et maltraitante… Vivian Maier n’aura laissé personne indifférent et pourtant, aucun des témoins interrogés dans le film n’est capable de dire qui elle était vraiment. Ses photos en disent plus sur elle, sur sa vision d’un monde aussi beau que cruel, que quiconque ne pourra jamais le faire. Le documentaire ne s’est pas attardé sur les films ou cassettes audio sur lesquels on l’entend parler mais les quelques extraits diffusés m’ont bouleversée. Cette voix grave et posée ainsi que ces quelques paroles, engagées ou poétiques, animent tout à coup ce visage fermé des autoportraits. Vivian Maier avait certainement autant de choses à dire qu’à montrer et malgré l’extraordinaire trésor photographique et testimonial qu’elle a laissé derrière elle, on ne peut qu’avoir le cœur serré à l’idée que tant d’intelligence et de talents n’aient pas été reconnus à leur juste valeur de son vivant.

Même si à mon humble avis elle s’en foutait…

La composition de cette photo... :')
La composition de cette photo… :’)

J’espère juste que le jeune John Maloof ne va pas se laisser griser par l’aventure extraordinaire qui lui est tombée sur la tête, et que l’œuvre de Vivian Maier sera respectée (autrement dit, j’espère ne pas voir arriver des goodies Vivian Maier par containers chinois entiers). Les plus prestigieux musées commencent à s’intéresser à cette anonyme prolifique, espérons que son œuvre y soit à l’abri des abus en tous genres. Sa légende, elle, n’a pas fini de faire le tour de la Terre !

Je remercie Lionel pour d’une part m’avoir parlé de cette photographe lors de l’atelier sténopé, et d’autre part pour l’alerte au sujet de la sortie de ce documentaire, que j’aurais probablement raté puisque diffusé uniquement au Rio, salle indépendante clermontoise où je ne vais, malheureusement, que rarement. Je partage avec vous (et son autorisation), une photo de moi qu’il a prise avec son Rolleiflex (comme Vivian) lors du premier atelier sténopé (car il y en a eu deux).

(les autres photos ont toutes été piquées sur le site officiel www.vivianmaier.com )

(c) Lionel Faure
(c) Lionel Faure

3 Comments

  1. Vu ! Et c’est effectivement passionnant. Derrière le travail artistique génial, elle apparaît un peu névrosée au final. Mais il faut bien une dose de névrose pour être un véritable artiste ;-)

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