Du 4 au 26 octobre, de nombreux lieux de l’agglomération clermontoise accueillent des expositions photos dont le thème est, cette année, « Natures Mortes », avec une affiche qui donne le ton (et réalisée par William Ropp, exposé à l’Hôtel Fontfreyde). Il y a l’expo officielle et aussi un « off » avec des photographes du cru qui profitent de l’événement pour s’exposer, eux aussi, dans divers endroits de la ville.
Je n’ai pu me rendre, pour l’instant, que dans trois lieux. Petit tour d’horizon des artistes exposés !
La chapelle de l’Hôpital général – Steeve Iunker, « Levées de corps »
Steeve Iunker a attrapé la mort. Au sens propre. Choix intéressant que cette ancienne chapelle, devenu lieu de recueillement devant des corps anonymes que la vie a désertés. Cependant, je n’ai pas pu rester plus de dix minutes, et encore, je suis généreuse. J’ai éprouvé un profond malaise devant ces photos que je n’ai observées que des très loin. Un corps dans une baignoire, une main cireuse, un corps allongé par terre… la mort apparemment non mise en scène, baignant dans sa sordide réalité, mais mise en scène tout de même dans l’œil du photographe, jouant des gros plans ou des flous de distanciation. Malaise. Voyeurisme inassouvi devant des scènes qu’on ne peut que deviner. En regard de ces photos, des histoires affichées sur les murs. Et grâce à elles, j’ai pu « apprécier » cette série macabre, où un peu de vie était insufflée, les derniers instants, les quelques minutes avant que tout s’éteigne. La vieille dame qui s’écroule sur le chemin, son chien enlaissé, maintenant délaissé, éploré. La jeune femme qui passe sous le train. L’ancêtre qu’on retrouve bien au chaud dans son lit ou celui qui n’a pas pu sortir de sa baignoire. Evidemment ça interroge. Où ? Quand ? Bientôt ? La mort frappe n’importe où, avec violence ou discrétion, selon son humeur. Et si elle est vraiment joueuse, ce sont les secours qui vont déguster, à ramasser les morceaux éparpillés. En un seul morceau ? Dedans ? Dehors ? La mort faisait partie du quotidien de nos aînés, il y a déjà longtemps. Aujourd’hui on n’a jamais vu autant de morts, dans les œuvres de fiction, et pourtant il nous est insupportable d’en voir un vrai. De savoir que c’est pour de vrai.
Une expo à ne pas mettre devant tous les yeux. Juste une remarque au sujet des textes affichés : que de coquilles ! Mots collés, lettres manquantes, ponctuation aléatoire… vraiment dommage qu’un tel manque de soin dans la scénographie vienne gâcher les beaux tirages photo.
Du mardi au samedi de 14h à 18h.
Hôtel Fontfreyde – Toni Catany, William Ropp, Lu Guang, Michel Medinger, Ingar Krauss
Les « Natures mortes » de Toni Catany occupent le rez-de-chaussée de l’hôtel Fontfreyde. Décédé en 2013, l’expo lui rend hommage au travers de clichés de végétaux mis en scène. Vases, fleurs, pétales… la nature morte au sens littéral. Je n’ai pas été sensible à ces photos florales qui ne m’évoquaient rien de particulier.
Au premier étage, Michel Medinger nous attendait pour commenter ses œuvres intitulées « Ex-votogaphies ». Ce grand monsieur luxembourgeois, à l’accent caractéristique, expose des oiseaux morts, traités en noir et blanc, ou des légumes, ou même des cuisses de grenouille, et pourtant… c’est l’humour qui semble guider le travail de ce facétieux photographe. Après avoir commencé par la peinture, il s’est tourné vers la photo, puis le noir et blanc. Ses mises en scène sont savamment étudiées, mises en boîtes, étalées ou épinglées. Les lumières sont soigneusement orientées, créant des ombres et des reliefs inquiétants. Et si vous voulez tout savoir, il conserve dans un congélateur des oiseaux morts qui viendront meubler ses prochaines compositions. Tel le land-arteur, il ramasse au cours de ses voyages feuilles et végétaux aux formes insolites, qui lui serviront à redonner des ailes aux volatiles ayant perdu les leurs, ou à des poires, pourquoi pas ? Il est joueur, preuve en est ce « monstre » à tête de lapin et arête de sole, qui nous regarde de son œil de poupée. Il s’amuse aussi des remarques du public, comme cette femme qui un jour lui a reproché la ressemblance des cuisses de grenouilles avec des jambes d’enfants. Rappel : l’artiste n’est pas responsable des représentations hasardeuses modelées par les cerveaux tourmentés des visiteurs ! ;)
Ce photographe aux compositions macabres et à la personnalité si facétieuse aura été une rencontre insolite et réjouissante !
Toujours au premier étage, les Natures mortes d’Ingar Krauss fascinent. Légumes, poissons… semblent sortir tout droit d’un livre de cuisine ancestral. Les tirages en noir et blanc sont retravaillés à la peinture à l’huile et brouillent les pistes. Peinture ou photo ? Contemporain ou exhumé de quelque bibliothèque d’antiquités ? Des natures mortes figées entre deux époques.
Au deuxième étage, les photos de William Ropp « The shadow sculptor » m’ont laissé une impression mitigée. Le cliché du gamin au corbeau, retenu pour les affiches du festival, est aussi beau et fascinant qu’insupportable. Et ces femmes aux mains sans âge qui tiennent des photos d’elles lorsqu’elles étaient jeunes et belles… La mort survient, immédiate, ou se prépare lentement, dans la décrépitude des corps.
Dans l’autre salle, Lu Guang nous offre un regard sans concession sur son pays, la Chine. Pourquoi ce « Requiem for mountains & water » rentre-t-il dans la catégorie « natures mortes » ? Il suffit de voir ces clichés, très beaux, et pourtant effarants. On les croirait sortis de quelque film de science-fiction. Les cheminées qui crachent des fumées qu’on devine toxiques, les paysages industriels vides de toute humanité ou occupés par des personnages hébétés. Et puis il y a ces « portraits », ces corps difformes, ces enfants, ces travailleurs dont la chair est à vif et le regard éteint… ou effrayé. Un témoignage fort sur une réalité politique et industrielle qui nous pètera au nez un jour, si ce n’est pas déjà fait.
Hôtel Fontfreyde, du mardi au samedi de 14h à 19h
Salle Gaillard – Yves Marchand & Romain Meffre, Claire Martin
Yves Marchant et Romain Meffre nous proposent « Ruins of Detroit », série de grandes photos de lieux abandonnés à Detroit. L’urbex, nouvelle nature morte, témoignage éphémère d’une activité humaine qui n’est plus. Désertés, ces lieux attendent leur destruction, ou leur réhabilitation, on ne sait pas. Les théâtres ne jouent plus, les usines ne produisent plus… alors que de l’autre côté du globe, en Chine, les cheminées tournent à plein régime.
Claire Martin s’est immergé dans « Slab city », un campement de fortune où s’entassent des marginaux de toutes sortes. Bric-à-brac, drogue, nudité, mais aussi éclats de rire et tendresse… la vie s’organise comme elle peut dans cet autre monde, ces limbes de la société où viennent s’échouer ceux dont elle ne veut plus.
Du mardi au samedi de 14h à 19h
Retrouvez le programme complet :
C’est pas gai tout ça et plutôt glauque ! Bon courage pour la suite des visites de l’expo !
Comme dit Mum, les expos sont bien un peu glauques cette année. J’espère que le thème de la prochaine édition sera plus gai. Mais ce sont bien les artistes qui ont choisi de mettre l’accent sur « Mortes » plutôt que sur « Natures ».
Et dire que je croyais avoir découvert un animal unique l’autre jour, en « capturant » cette bestiole à tête de lapin et corps de poisson qui passait au dessus du Puy de Dôme ! Et ben non, il y en a d’autres !
@Val : Michael m’a dit qu’au centre Brassens ils s’étaient amusés avec le concept de nature morte et que les clichés étaient humoristiques. Je vais essayer d’y faire un tour (quand ??)
Ton poisson-nuage est unique, ne t’inquiètes pas ;)
L’expo de Brassens en première place sur ma liste.
Jeudi devrait être le dernier jour des bouchons liés à l’autoroute : il te reste donc le vendredi soir après le boulot :-)
Je confirme que le photographe du centre Georges Brassens (Rémi Noël) ne manque pas d’humour.
Par contre, pendant les vacances, le centre ferme à 17 heures !
Si ça peut te consoler un peu, il est strictement interdit de prendre des photos dans cette salle. Et sur le site internet http://www.reminoel.com, on retrouve la plupart des images.