Voilà une soirée comme j’aimerais en voir souvent ! Débutée avec une excellente pièce (en font-ils de mauvaises ?) du Wakan Théâtre, elle s’est poursuivie par un petit repas pris au théâtre en compagnie des spectateurs et des comédiens, puis par une deuxième pièce jouée par la compagnie Ecart Théâtre. Les deux pièces n’ont rien à voir l’une avec l’autre mais peu importe, je ne serais sans doute pas allée voir la deuxième pièce sans cette proposition de la Cour des Trois Coquins de les relier par un repas.
L’Entretien. Descartes vs Pascal. Quel match !
Le Wakan Théâtre s’est approprié le texte de Jean-Claude Brisville (ayant reçu un Molière en 1984) pour nous retranscrire ce dialogue dont personne n’a jamais rien su, entre René Descartes et Blaise Pascal, régional de l’étape. Si la pièce n’avait pas été programmée de longue date, si elle n’avait pas déjà été jouée au petit théâtre de Vallières l’an dernier, j’aurais probablement crié à l’opportunisme scandaleux. Pourquoi ? Parce que pendant une heure, Descartes et Pascal s’affrontent sur l’existence de Dieu. Comme tous les chroniqueurs, journalistes, philosophes et autres intellectuels chaque jour depuis les attentats de début janvier, sur toutes les radios, télés et dans tous les journaux. L’un prône la nécessité de vivre en exploitant au maximum les ressources de la pensée (Descartes), tandis que l’autre est obnubilé par Dieu et l’au-delà, au point de considérer toute activité sur Terre comme vaine et sans objet (Pascal). Bon, je schématise beaucoup parce que d’une part je n’ai lu ni Descartes, ni Pascal, ni Brisville (#TeamInculte) et d’autre part ces questions de religion ont le don de m’exaspérer au plus haut point et particulièrement en ce moment (marrant que personne ne parle de la radicalisation des athées… ça me concerne pourtant de près mais tout le monde semble s’en foutre, des athées). Si ces deux-là se sont vraiment rencontrés au XVIIe siècle, alors ils seraient sûrement ravis de voir que les questions théologiques n’ont pas avancé d’un iota alors que la science a fait des bonds de géant, parfois même de travers. Je dis ça, je dis rien.
Dans cet Entretien, Dominique Touzé campe un Descartes détendu mais fermement convaincu d’aller dans le bon sens en consacrant sa vie à la réflexion et aux sciences. Emmanuel Chanal nous présente quant à lui un Blaise Pascal totalement illuminé, transi de peur métaphysique et de rage envers ceux qui osent défier les écritures sacrées. Oui, décidément, tout ceci est d’actualité. Tout ceci est vieux. Tout ceci est fatigant car insoluble. Les débats théologiques ont été, sont et resteront malheureusement les mêmes jusqu’à la nuit des temps. J’ai aimé la pièce, j’ai aimé son interprétation, mais je sature de ces débats dont on ne verra jamais la fin, qui tournent en rond et court-circuitent les véritables problématiques de notre existence. J’ai aussi aimé les interventions de Guillaume Bongiraud, le violoncelliste virtuose et créatif que l’on croise sur toutes les bonnes scènes clermontoises, en compagnie du Delano Orchestra ou de Morgane Imbeaud, entre autres.
A la soupe !
Des tables avaient été dressées pour accueillir le public. Au menu : une délicieuse soupe réconfortante, du pain, du saucisson et du fromage, de la tarte aux fruits. L’occasion de discuter avec les spectateurs assis à la même table et avec les comédiens. C’est Blaise Pascal en personne qui a débouché notre bouteille de vin, si c’est pas la classe ça ! Mais pas le temps de s’attarder, la cloche sonne et il faut rejoindre la salle Beckett pour la suite de la soirée.
L’Autre chemin des dames est porté par trois femmes (et un homme, pianiste) qui racontent le quotidien d’un petit village pendant la Première Guerre Mondiale. Lecture de lettres de poilus, récit des travaux des champs, de l’attente insoutenable d’une lettre, d’une permission, ou d’une mauvaise nouvelle… Ces femmes racontent leur guerre, leurs souffrances, leurs blessures que plus rien ne viendra soulager. Elles n’étaient pas au front, dans les tranchées, mais elles ont eu leur part et sont sorties de la guerre éprouvées, amputées d’un père, d’un mari ou d’un fils, quand ce n’était pas les trois à la fois.
J’ai eu le plaisir de revoir sur scène Marielle Coubaillon et Anne Gaydier, déjà entendues l’été dernier lors de la lecture de Certaines n’avaient jamais vu la mer, autre récit poignant de femmes éprouvées par l’Histoire. Une mise en scène sobre mais dynamique, entrecoupée de chansons interprétées en live par les comédiennes.
Dernier diptyque avec repas : lundi 26 janvier à 19h.
L’Entretien, du Wakan théâtre, présenté seul du 29 janvier au 1er février à la Cour des Trois Coquins, puis les 3 et 4 février à Issoire, salle Animatis.
Le Banquet de Marianne sera joué tout au long de l’année dans divers lieux, vous pouvez retrouver les prochaines dates sur leur site.
Et vous pouvez retrouver l’actualité de la compagnie Ecart Théâtre sur leurs pages.