J’ai commencé ce roman en… septembre 2014. Et je viens de le terminer. Tout ça à cause de mon foutu point d’honneur à ne pas laisser tomber un bouquin en cours de route. Alors à ma décharge c’est un gros livre, avec plein de pages et plein de mots, dont certains difficiles donc bon, voilà. Hem.
Je voulais relire du Robert Sabatier. Il a été l’une de mes grandes émotions littéraires de jeunesse, avec la série des David et Olivier, Les Allumettes suédoises… et avant d’envisager de les relire (puisque je n’en ai aucun souvenir, à part un très sensoriel à base de lecture assise sur la moquette de ma chambre, baignée du soleil du matin) j’ai voulu m’attaquer à un volume plus « adulte », afin de voir ce que le bonhomme avait pu écrire dans un autre registre.
Le pitch était plutôt alléchant : un homme, traumatisé par la violence de la Seconde Guerre Mondiale, part au bout du monde pour tenter d’oublier la folie des hommes et surtout la sienne, qui l’a conduit à tuer un Allemand dans des circonstances plutôt discutables. Sans but précis, son périple qui se déroule quasi exclusivement dans l’archipel japonais va l’amener sur des voies mystiques, pour ne pas dire psycho-fantastico-mystiques.
Les grandes étapes de la vie d’Ego (diminutif pour Emmanuel Gaspard Oth) : le meurtre de l’Allemand, son amour malheureux pour la belle Hayano, son odyssée sur une barque de fortune pour fuir la douleur du coeur, sa rencontre avec le marquis Alexandre J. Bisao, lui-même rescapé et miraculé de la tragédie d’Hiroshima, et sa rencontre avec… lui-même. Un double, un deuxième Ego semblable en tous points mais au tempérament aux antipodes du sien.
Ego. Pas besoin de creuser bien loin. Ce roman est finalement une sorte de fable philosophique sur les contradictions de l’Homme, sur son désir de pureté, d’innocence et de contemplation de l’existence, et de sa face plus sombre, faite de jalousie, de désir de conquête, et d’indifférence égoïste au sort de l’humanité.
Sur le principe, le sujet est intéressant. Dans les faits… l’écriture de Robert Sabatier se prête assez mal, à mon sens, à cet aspect fantastique. Robert Sabatier écrit de la plus élégante des manières, et distille des idées d’une finesse et d’une profondeur auxquelles j’ai été bien évidemment sensible. Cependant ce roman est une litanie de réflexions, de digressions psychologiques et philosophiques sur la marche du Monde et je me demande s’il n’aurait pas été plus judicieux d’en faire un essai, tout simplement. Intégrer toutes ces réflexions à un roman à la trame pataude et bien mince me semblait bien inutile, voire préjudiciable au propos. Ou alors il aurait fallu faire plus court, ou étoffer le récit, bref, trancher entre roman et essai parce que le résultat final est assez soporifique (d’où le temps exceptionnellement long qu’il m’a fallu pour boucler la chose).
Et contre toute attente, j’ai trouvé la fin à la fois glauque (lorsque le Ego contemplatif couche avec la fille de son double businessman (alors qu’on a tous bien compris qu’ils ne font qu’un)) et mièvre, lorsqu’il part en Afrique aider les lépreux, pour donner enfin un sens à sa vie. Tout ça pour ça.
J’ai collé plein de post-it mais quand je relis certains passages, bizarrement je n’en vois plus l’intérêt. Quelques citations tout de même…
« Je vis des montagnes curieusement construites comme si la création avait voulu sans cesse varier les formes : aiguës, rondes ou tronquées, riches d’accidents comme pour inspirer et décourager tout à tour le pinceau de l’artiste, volcans éteints qui me rappelaient l’Auvergne avec leurs sources thermales fraîches ou chaudes, parfois bouillonnantes et soufflant la vapeur de leurs naseaux. » (parlant du Japon)
« Le marquis Bisao restait l’ami de ce célèbre Kôkochi Mikimoto, alors dans son grand âge et mort peu d’années après que j’ai eu connu son existence, et qui avait produit, à la fin du XIXe siècle, la première perle de culture, depuis exploitée intensément. » (ça, c’est parce que j’ai visité la fameuse Mikimoto Pearl Island en 2009 lors de mon voyage au Japon)
Lire (ou couper???) » l’une de mes grandes émotions littéraires ». Comment dire? C’est pour moi découvrir que d’autres sont émus par des lettres alignées avec un art qui nous touche particulièrement. Si peu de gens osent aujourd’hui l’exprimer cependant (qui plus est avec le talent nécessaire à la transmission de l’émotion ressentie)!
J’aime toujours autant la façon dont tu exprimes tes émotions suscitées par d’autres!
@sdf de luxe : :) merci ! Et puis j’ai un peu pensé à toi à la lecture de ce roman… le héros sans attaches fixes, le périple en bateau
(j’aime la phot avec les « post’it »). j’ai rarement mis plus de deux ou trois « post’it » dans un livre. Parfois je me suis fait une petite fiche avec des extraits…
@sdf de luxe : c’est rare que j’en mette autant mais il faut bien admettre que Robert Sabatier écrivait très bien.
Bonjour
Je viens précisément de finir ce livre à l’instant et je crois que j’aurais pu écrire ce billet!
J’ai pris ce bouquin pour les mêmes raisons que vous et peiné dessus comme rarement également pour les mêmes raisons.
Bref, un roman qui ne m’a pas vraiment plu donc, pas laissé indifférent non plus, mais qui m’aura au moins permis de découvrir votre blog, sur lequel je sens que je vais revenir.
Bonne continuation et bonnes lectures.