L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

murakami_tazaki

Murakami a délaissé quelque peu les échappées fantastiques de IQ84 pour revenir à une histoire toute simple, on ne peut plus terre-à-terre.

L’histoire…

Tsukuru Tazaki a 36 ans. Il travaille à Tokyo et construit des gares. Il est jeune, sportif, séduisant, à l’aise financièrement et pourtant il est rongé par une histoire qui remonte à ses 20 ans, au point que celle-ci a résolument changé le cours de son existence. Il n’en parle jamais à personne, de peur de susciter l’incompréhension et le rejet. Il n’a pourtant rien à se reprocher, du moins en est-il persuadé. Alors qu’il était lycéen, Tsukuru s’est lié avec quatre autres  adolescents, deux filles et deux garçons, et on peut dire qu’ils étaient comme les cinq doigts de la main. Inséparables, complémentaires… rien ne semblait pouvoir mettre un terme à cette amitié fusionnelle. Jusqu’au jour où Tsukuru est parti faire ses études à Tokyo. Au bout de quelques mois, il a reçu un jour un coup de téléphone d’un de ses amis lui demandant de ne plus jamais entrer en contact avec aucun des membres du groupe. Sans explication. Tsukuru a donc ruminé pendant seize ans cette rupture violente, ce rejet incompréhensible, il a même failli y laisser la peau au cours d’un épisode dépressif sévère. Sa rencontre avec une femme, Sara, l’oblige à se pencher sur ce mystère et à tenter de l’élucider… l’avenir de sa relation avec cette jeune femme en dépend. Est-il encore possible de reprendre contact avec ses quatre amis ? Voudront-ils lui parler ? Quel secret lui ont-ils caché pendant tout ce temps ?

Murakami nous décrit avec une grande acuité les circonvolutions de l’esprit lorsque quelque chose le chagrine. Ne pas savoir, ne pas comprendre, refuser de tirer un trait sur tout ça et de continuer sa route sans se retourner… Une méprise, un mensonge, et c’est toute la vie qui bascule. Ce sont des hypothèses farfelues qui deviennent plausibles, qui devienne réelles et conditionnent de manière irrévocable la façon dont on se perçoit soi-même. Tazaki l’incolore, alors que ses amis étaient par leur nom de famille Bleu, Rouge, Blanche et Noire. Conditionnement stupide à se considérer comme insignifiant et transparent sur la base d’une coïncidence patronymique et bâtir ses relations amicales et amoureuses sur des bases aussi ridicules que solides comme le roc.

Si l’histoire de Tsukuru n’est pas banale, elle n’est pas moins le reflet d’une universalité qui l’est, banale. Ce qui se passe maintenant, petit ou grand événement, décide de ce que l’on sera plus tard, dans dix, dans vingt ans. Les relations humaines, ce qu’on partage de bonheur ou de malheur, ce qu’on dit, ce que l’on ne dit pas, ce qu’on ment ou que l’on confie, ce qu’on pardonne ou ce que l’on oublie… voilà une équation à multiples inconnues que chacun d’entre nous doit résoudre pour avancer.

Murakami nous laisse à la fin du roman suspendus à la plus sensible des inconnues, mais malgré tout confiants. Un peu. Avec une petite part de doute cachée là, quelque part.

Malgré son talent toujours constant dans l’exploration de l’âme humaine, j’ai regretté que Murakami ait délaissé pour cette fois ses petites divagations poétiques et fantastiques.

« Tsukuru ne savait pas très bien si la plupart des Japonais étaient vraiment malheureux. Ce qu’il savait, en revanche, c’était pourquoi tous ces gens baissaient la tête : ils faisaient attention à leurs pieds. Ils prenaient garde à ne pas tomber dans l’escalier, à ne pas perdre une chaussure – ce sont là des questions vitales dans une gare gigantesque, à une heure de forte affluence. […] Il est d’ailleurs rare que des gens vêtus de pardessus sombres, qui marchent tête baissée, aient l’air heureux. D’un autre côté, est-il illégitime de qualifier de malheureuse une société dans laquelle il faut chaque matin s’inquiéter de ne pas perdre une chaussure ? »

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