Alors je tiens tout d’abord à remercier Val pour l’alerte. Sa veille attentive et méticuleuse des événements locaux lui a permis de me signaler cette soirée dont je n’avais absolument pas entendu parler à une semaine de l’événement. Donc, merci Val !
Tout d’abord, il faut débroussailler un peu… qui est l’organisateur de ce fameux voyage ? C’est Passion Céréales. Oui mais qui est Passion Céréales ? C’est une association créée par Intercéréales pour faire connaître les céréales au grand public. Mais qui est Intercéréales ? C’est également une association qui regroupe tous les professionnels de la branche céréalière, des producteurs aux transformateurs, en passant par les négociants, les coopératives, les meuniers… bref, tous ceux qui pédalent quotidiennement dans la semoule.
Donc Passion Céréales a pour vocation de communiquer sur les céréales auprès du grand public, à la fois sur leurs vertus nutritionnelles mais également sur les femmes et les hommes qui les travaillent. Ils mettent à disposition des supports, dont un site web dédié à chaque région (dont l’Auvergne évidemment, car qui dit fromage dit pain), et organisent une “tournée” à travers la France pour présenter au public des acteurs engagés de la filière céréalière. C’est apparemment la deuxième du nom et j’ai donc eu la chance d’assister à ce Voyage, le 1er décembre dernier, au Petit Vélo de Clermont-Ferrand !
Ce Voyage prend la forme de mini-conférences de personnalités locales plus ou moins connues et dont la relation avec les céréales est plus ou moins évidente. Pour ceux à qui ça parle, ce format de soirée rappelle les TEDx, ces conférences qui se tiennent partout dans le monde, minutées et destinées à faire émerger les idées novatrices et la positive attitude (quelqu’un sait ce que devient Lorie, au fait ?). Pour cette édition auvergnate (très puydômoise d’ailleurs), le maître de cérémonie et gestionnaire du chronomètre était le journaliste Eric Roux. Je me rends compte que beaucoup de gens autour de moi ne le connaissent pas, et c’est bien dommage (une recherche Google me conduit tout droit à un homonyme scientologue… ce n’est pas lui !! O_o). C’est comme un Jean-Pierre Coffe mais en moins théâtral. C’est un Auvergnat qui a fait le choix de vivre à Clermont et d’aller travailler à Paris, pas évident mais quand il décrit ce qu’il ressent lorsqu’il voit au loin la chaîne des Puys en arrivant… on ne peut qu’opiner du chef devant ce choix de vie. Bref, un maître de cérémonie qui sait de quoi il parle et d’où il vient.

Au menu de cette soirée céréalière ? Huit intervenants venus nous raconter leur lien avec les céréales, qu’il soit professionnel ou purement affectif.
Premier à ouvrir le bal, Yves Michelin (rien à voir avec les pneus), directeur adjoint à VetAgroSup. Il est allé chercher loin dans son arbre généalogique pour nous raconter son attachement à cette terre céréalière d’Auvergne. Et j’ai beaucoup aimé sa façon d’aborder les céréales, au travers les paysages familiers d’Auvergne, de tous leurs petits indicateurs indéchiffrables pour le commun des mortels mais que lui détecte immédiatement. Un muret, un terrain en étages… la culture des céréales, y compris dans les montagnes, a laissé des traces et ce depuis plus de 6 000 ans. Aujourd’hui des pâturages, mais autrefois…
Ensuite, place à notre premier édile. Monsieur le Maire Olivier Bianchi en personne. Mais quel rapport avec les céréales ? Son intervention aura été l’occasion de revenir sur ses racines bretonnes autant que niçoises et italiennes. Galettes de sarrasin et autres pâtes italiennes étaient au coeur de l’enfance de notre maire, qui a appris à cuisiner auprès de ses parents, lui laissant aujourd’hui le respect des métiers de bouche.
Xavier Beaudiment a ensuite pris le micro, moins à l’aise que son prédécesseur aguerri aux prises de parole publiques. C’est le jeune chef du restaurant Le Pré, qui a récemment décroché son étoile au guide Michelin. Il est longuement revenu sur le rituel du pain dans sa famille, puis sur sa volonté de cuisiner des produits locaux et plus particulièrement les légumes et céréales. Pour aller au bout de sa démarche, il a décidé de faire son pain lui-même mais, n’étant pas boulanger de formation… il lui a fallu quelques essais et un tuto YouTube pour arriver à un produit satisfaisant. On m’a plusieurs fois vanté son talent à cuisiner les légumes, je rêve désormais d’aller déguster ses créations…

Le suivant… Bernard Quinsat… je vais avoir du mal à vous faire le résumé de son intervention, foutraque autant que poétique, décousue autant qu’exaltée. Fondateur des guides Chamina, ce professeur Tournesol connaît les paysages d’Auvergne sur le bout de ses godillots. Des paysages agricoles, il en a traversés et entre autres dans le Cézalier. Un l ou deux l à Cézal(l)ier ? Bernard Quinsat s’énerve. Un seul. Je le savais déjà, c’est une exception orthographique que je n’ai trouvée que dans les guides Chamina jusqu’à présent. Cézalier = le seigle. Cézallier = au-delà de l’Allier. Je ne vais pas chercher à savoir si cette étymologie tient la route, route que je souhaite encore belle, longue et sinueuse à Monsieur Quinsat !
Et voilà Anne-Lise Amiot ! Une femme, enfin, parmi tous ces types céréaliers ! Anne-Lise je vous en ai déjà parlé plein de fois, avec Jean-Baptiste ils ont créé les bières Le Plan B, micro-brasserie bio à Clermont. Les céréales sont bien entendu la matière principale de la bière, avec l’eau, et Le Plan B s’attache à choisir ses fournisseurs avec soin. Impossible de trouver une malterie en Auvergne? Ils sont allés en chercher une artisanale en Ardèche, au plus près. Ce qui importe pour Anne-Lise et Jean-Baptiste, ce n’est pas de croître indéfiniment. Ils peuvent même maintenant se payer le luxe de refuser des clients. En revanche, ils souhaitent créer encore et toujours, et maintenir, une relation privilégiée avec ceux avec qui ils travaillent au quotidien. De la convivialité et du sens. (et une bière de Noël triple qui tabasse tout ! Dépêchez-vous, y en aura pas pour tout le monde !)

André Ricros de l’Agence des Musiques des Territoires d’Auvergne, qui défend les musiques traditionnelles auvergnates, nous a ensuite confié sa relation insolite avec les céréales, par le biais de la paille de seigle, devenue avec quelques trous ici ou là un instrument de musique tout à fait fonctionnel. Il nous a ensuite proposé un petit air de cabrette !
Une soirée sur les céréales d’Auvergne sans la multinationale Limagrain n’aurait pas été tout à fait complète, il faut l’admettre. C’est Raphaël Leroux , ingénieur en panification, qui est venu nous raconter son tour du monde des pains et la diversité des formes autant que des usages. Son métier est d’obtenir le meilleur pain possible, tant gustativement que d’un point de vue nutritionnel. J’avoue ne pas avoir trop compris sa technique d’augmenter la quantité d’eau pour produire plus… de l’eau ça reste de l’eau, et même si on en a besoin, dans certains pays ils ont surtout besoin de manger et sans carences. Pas compris. J’en profite pour signaler que cette soirée n’était absolument pas dédiée aux débats écologiques et de société, c’était bien sûr de la com’ pure et dure. Silence radio sur les OGM, bouche cousue sur les brevets et la dépendance des agriculteurs dépossédés de la possibilité ancestrale de re-semer leurs propres graines, nada sur les histoires de gluten et d’obésité. Bref. J’ai beaucoup aimé la soirée mais je reste consciente des problématiques environnementales et commerciales liées aux céréales (et autres trucs qui se mangent).
Enfin, c’est Michel Delsuc, responsable Passion Céréales pour l’Auvergne et producteur du côté d’Issoire, qui a conclu la soirée avec sa vision très familiale du métier d’agriculteur. L’évolution des techniques, la moissonneuse-batteuse, les champs aux couleurs changeantes, la ronde des saisons, les intempéries, les coopératives et le pain Jacquet (production auvergnate, si tu savais pas, cher lecteur)… c’est une passion dévorante.
A propos de dévorer… il commençait à se faire tard et on nous avait promis un buffet ! Avec JD on avait déjà fomenté le plan machiavélique de manger la part de Val, allergique au gluten (mais pas allergique des oreilles ni des yeux, vu qu’elle a apprécié la soirée également). Malheureusement, l’exiguïté de la salle, le squattage massif devant les plateaux de mini-burgers et devant le bar où la bière de Noël coulait à flots, ont eu raison de notre patience. C’est là que le voyage a pris fin pour nous.
C’est ma veille technologique à moi ! Merci à vous de m’avoir accompagnée, et j’aurais volontiers été complice de votre plan si on avait pu accéder à la moindre miette. (pour une fois que tu étais impatiente de t’approcher d’un buffet, après toutes ces images appétissantes !)
Mais c’était quand même un chouette voyage.
P.S. Si le père Noël t’offre un repas chez Xavier Beaudiment, essaie de savoir s’il cuisine aussi pour les sans-céréales.