Tandis que la planète scrute ce qui se passe aux Jeux Olympiques de Rio, moi je n’en reçois que les quelques bribes sélectionnées avec soin par les réseaux sociaux, qui n’épargnent décidément rien à personne : gymnaste à la jambe démantibulée, cycliste éclatée sur le trottoir, burkini vs. bikini… Et le hasard (ou presque, les subtilités du marketing opportuniste étant ce qu’elles sont) a posé sur ma route un nouveau bouquin écrit par Philippe Jaenada, qui est, comme chacun d’entre vous le sait maintenant, mon auteur français vivant préféré (en mort c’est Maupassant, et en vivant mais pas Français c’est Baricco). Et ce dernier bouquin, est, à l’instar de ses précédents (Sulak et La petite femelle, deux excellentissimes biographies/enquêtes) un travail de recherche sur un personnage dont, pour ma part, je n’avais jamais entendu parler : Spiridon Louis. Attention spoiler ! Il s’agit du premier champion olympique de marathon, sacré en 1896 lors de la première édition des Jeux Olympiques modernes.
Philippe Jaenada revient d’abord longuement sur les jeux antiques, les premiers, avant de s’attaquer à cette année 1896, portée par un certain Pierre de Coubertin (qui passe grave sur le grill, exit les citations à la noix qui sortent de nulle part). Vous serez prévenus : barres de rire en perspective. Comme d’hab avec Jaenada d’ailleurs. Mais attention, les recherches ont été poussées au point de devoir faire des parenthèses dans les parenthèses, ce qui ne surprendra pas les connaisseurs de l’auteur <3 Et donc il s’est intéressé au destin de ce jeune Spiridon, marchand d’eau grec, paysan parmi les paysans, propulsé totalement par hasard champion olympique de cette discipline dont Jaenada nous livre l’histoire, la fausse et la vraie, tant qu’à faire. C’est con, enfin pas tant que ça parce que ça me passionne pas vraiment, mais je ne m’étais jamais intéressée à l’origine de cette course. Son nom, sa distance… Là, vous saurez. Sans vouloir vous dévoiler la fin du livre (toute façon tout est dans le titre), cette dernière est consacrée au récit de ces olympiades et de cette course de 1896, qui valait son pesant de tzaziki, et qui renvoie au rang de vulgaires amateurs tous les sportifs contemporains en matière de grand n’importe quoi et de bad buzz.
Ce bouquin est beaucoup trop court, j’en aurais voulu plus, ce qui est un comble pour moi qui me fiche du sport de compétition. C’est un récit à la fois instructif et extraordinairement divertissant, et qui mis en perspective avec les événements de Rio prend une saveur particulièrement réjouissante. Ça confirme ce que je savais déjà depuis Sulak et La petite femelle, à savoir que Jaenada excelle dans cette forme d’écriture, à cheval entre le récit biographique et le roman, à la fois complexe et accessible à tous. Vivement le prochain.
Les éditions Steinkis ont créé la collection Incipit, où des auteurs invités écrivent sur des premières fois. Ça m’a donné envie d’explorer les autres thématiques, même si elles n’ont pas été écrites par Jaenada ;)
Je ne sais pas trop quoi vous mettre comme citation… tout est tellement génial (*mode fangirl on*)
“… mais c’est l’empereur Néron qui récolte la palme dans la catégorie “puissant tocard”. Il fait avancer les Jeux de près de deux ans pour qu’ils coïncident avec son emploi du temps chargé : à l’automne 66, il gagne plusieurs épreuves qu’il a créées lui-même (chant, tragédie, lyre – on regrette du fond du cœur que la télé ait tant attendu pour exister)…”
“Deux minutes plus tard passent Vasilakos, Papasiméon et un petit groupe de Grecs dont les deux Spiridon, Belokas et Louis. Le nôtre ne s’affole pas (une légende dit même qu’il s’arrête dans une auberge de Pikemi pour boire un grand verre de vin, mais son petit-fils démentira fermement : “D’abord, ce n’était pas à Pikemi, et d’une, ensuite c’était du cognac”), il court comme il a toujours couru, à son rythme machinal et régulier, le rythme de la terre.”