Ils sont nombreux, les documentaires à nous montrer le vrai visage de notre planète, défiguré par les 7 milliards de crétins qui la squattent. Trashed a choisi l’angle des déchets. Mais pas tous les déchets, j’y reviendrai. Candida Brady, la réalisatrice, a choisi Jeremy Irons pour jouer les enquêteurs de l’Angleterre aux Etats-Unis, en passant par l’Indonésie ou le Vietnam.
Pour planter le décor, le documentaire nous emmène sur une immense pile de détritus, une décharge sauvage au Liban. La montagne de merde fait figure de falaise face à la mer, et l’on se doute que tout se casse progressivement la gueule dans l’eau et vogue vers de nouvelles aventures marines. Les décharges. Même quand elles ne sont pas sauvages, elles posent problème. On enfouit, on empile, mais on ne peut pas les étendre à l’infini et les conséquences sur les populations à proximité sont à prendre en considération. Bon alors quoi ? On va incinérer ! L’idée était bonne, jusqu’à ce qu’on se rende compte que les dioxines, ces microparticules issues de la combustion, étaient responsables d’un grand nombre de nouveaux maux, maladies et de l’infertilité notamment. Bon. On va recycler ! OK mais tout ne se recycle pas et puis franchement… l’argument avancé par la nana de la déchetterie de San Francisco… je m’en remets pas. « On envoie le plastique récupéré en Chine, ils en font des produits qu’ils nous revendent ensuite, comme ça les bateaux ne repartent pas à vide ». Non mais WTF ? C’est pas du recyclage ça, c’est une allégorie de l’enfer sur Terre. Le cycle infini de la consommation de masse de produits de merde qu’on est obligés de jeter car obsolètes ou pourraves, et qu’on rachète inlassablement. Tu parles d’un progrès !
Le film n’évoque d’ailleurs que les déchets ménagers, à une exception près : les résidus de l’agent Orange au Vietnam qui aujourd’hui encore sont responsables de la naissance d’enfants lourdement handicapés, difformes. Un peu hors sujet même si très intéressant, il aurait mieux valu évoquer d’autres types de déchets, à commencer par les plus évidents, ceux que l’on produit vous et moi plusieurs fois par jour, nos déchets organiques, ceux qui partent accompagnés de 5 litres d’eau parfaitement potable dans les chiottes. On a la chance d’avoir des chiottes déjà, c’est loin d’être le cas de tout le monde sur la planète et les conséquences sont dramatiques en termes de conditions de vie, de maladies et de mortalité. Je pense qu’avant de savoir ce que les Indonésiens font de leur plastique, il faudrait déjà savoir ce qu’ils font de leurs excréments. Ensuite… nos jolies et modernes stations d’épuration ne savent pas gérer les molécules chimiques des médicaments que nous rejetons dans nos urines (trucs anti-cancers, hormones…), et elles se retrouvent dans les cours d’eau, transformant les écosystèmes à vitesse vertigineuse. Le documentaire ne traite pas non plus des déchets industriels, agricoles et encore moins des déchets nucléaires. Bref… c’est la merde. Je ne reproche pas à la réalisatrice d’avoir éludé ces sujets, le thème est tellement, horriblement vaste, il fallait bien choisir un angle. Et ça tombe bien, cet angle nous permet de nous projeter dans des solutions directement accessibles alors que le reste… on saurait pas bien comment s’y prendre à notre petit niveau.
Le film évoque donc quelques pistes pour produire moins de déchets, comme par exemple les courses en vrac avec des contenants réutilisables, mais on se retrouve avec deux jolies petites ailes de colibri sur le dos, en train de faire sa petite part qu’on prend soin d’instagrammer avec le petit hashtag #zerowaste alors qu’un huitième continent dérive sur nos océans, une « soupe » de plastique en décomposition et de microplancton qui nourrit désormais toute la chaîne alimentaire jusqu’aux grands cétacés. Grandiose. Bon appétit ! Pour ce qui est de l’Indonésie qui balance ses déchets n’importe où, moi j’ai une solution, enfin elle va arriver toute seule et c’est François Gemenne qui l’a dit l’autre fois pendant sa conférence, elle va bientôt disparaître sous les eaux en raison du réchauffement climatique donc le problème sera réglé. Hop !
Si j’ai trouvé le documentaire intéressant sur le fond, j’ai été moins conquise par la forme. D’une part le montage est très classique et, pour tout dire, un peu chiant, j’ai piqué du nez à un moment. La présence de Jeremy Irons n’apporte pas grand-chose en Candide baroudeur, assis sur un tas d’ordures, le regard tourné vers la mer et l’œil humide, ou citant Einstein entre deux déchetteries. Et certaines personnes interviewées au début sur le sujet des décharges et des incinérateurs reviennent sur le tapis à la fin, et leur propos paraît alors totalement hors-sujet. Bref, on a vu mieux.
A la fin du film, il y avait un débat mené par des étudiants de classes cinéma (Ciné Blaise) et leur professeur (aussi prof d’anglais). J’avoue que je n’avais pas trop envie de rester et finalement, j’ai adoré. Ils m’ont surprise par la pertinence de leur analyse, de leur regard sur le monde, de leur conscience des enjeux individuels et collectifs, et quelque part, m’ont remonté le moral après ce film particulièrement écœurant et décourageant. J’espère juste qu’ils sauront emmener avec eux toute cette génération qui représente la cible préférée des industriels et des marketeux, des consommateurs en puissance qui risquent de sombrer dans la schizophrénie la plus totale face aux nouveaux enjeux écologiques.
Pour ma part (de colibri), j’ai passé une après-midi entière dans les 4 m² de mon dressing la semaine dernière, et j’en ai ressorti deux énormes sacs de vêtements que j’ai apportés à la recyclerie Je recycle Parc afin qu’ils soient remis sur le marché (ou recyclés si personne n’en veut). J’ai attaqué aussi la partie babioles et merdes diverses, avec l’obstacle éprouvant de l’attachement « sentimental » à des trucs dont j’avais oublié jusqu’à l’existence même, ou avec l’argument imparable du « on sait jamais », ou celui du « j’peux pas c’est un cadeau, ça s’fait pas ». C’est un entraînement de chaque jour, donner ou se débarrasser des inutiles, et je vais m’attacher à résister à l’accumulation, à refuser cadeaux et offrandes diverses qui ne seraient pas d’un intérêt supérieur (dixit la meuf qui vient de rapporter 2 mugs publicitaires après deux soirées mondaines). Tenez-le vous pour dit.
Actu : du 19 au 27 novembre c’est la Semaine européenne de réduction des déchets. Les différents sites de l’agglo de Clermont ouvrent leurs portes au public et je me suis inscrite pour visiter l’incinérateur ainsi que le site d’enfouissement de Puy Long. Je ne manquerai pas de vous faire un petit compte-rendu, même si le discours risque d’être loin des débats polémiques.