Bon. Alors entendons-nous bien, j’adore Olivier Adam, son style, son écriture à la musicalité si particulière, et particulièrement dans ce roman, son extrême sensibilité qui lui permet d’endosser n’importe quel personnage, homme, femme, père ou mère de famille…, sa lucidité stupéfiante sur la marche du monde et les circonvolutions de nos âmes. C’est la raison pour laquelle je me suis précipitée en librairie pour me procurer son dernier roman, Chanson de la ville silencieuse.
Malheureusement j’ai été déçue. C’est déjà arrivé par le passé avec certains de ses romans et pourtant j’y retourne avec entrain à chaque fois. Ça n’est jamais mauvais, évidemment, et c’est toujours plaisant à lire, pour la beauté du verbe. Mais je crois qu’à relire mes anciens articles, il s’agit-là du plus décevant. Je suis presque gênée de l’avouer.
Antoine Schaeffer. Le chanteur. Elle est la fille du chanteur. Étouffée sous une paternité encombrante, elle n’a jamais vraiment su qui elle était si ce n’est la “fille de”, ne manquant de rien mais manquant de tout ce qui construit l’identité d’une fillette, d’une adolescente puis d’une femme. Jusqu’à l’électrochoc, le jour où l’un de ses amis lui montre une photo floue d’un homme ressemblant à ce père disparu, tenu pour mort, en train de chanter dans une rue du Portugal. Et s’il n’était pas mort ? C’est ce qu’elle va tenter de découvrir, en partant seule à Lisbonne. Ce sera l’occasion pour elle de refaire le film de sa vie, de faire le tri dans ses souvenirs, de prendre le recul indispensable pour comprendre, pardonner peut-être, ce père aux abonnés absents dont elle se partageait l’amour avec le public français et qui un beau jour a tout plaqué pour se retirer à la campagne, avant de se retirer tout à fait du monde.
Ce roman est placé sous le signe de la musique. On le découvre plus précisément à la fin, avec la liste des références utilisées par Olivier Adam pour nourrir ses pages, et son titre. Je n’en ai reconnu qu’une, Benjamin Biolay et son incroyable “Ton héritage”. Ce qu’Olivier Adam tente de nous faire entrevoir, c’est ce que peut être la vie d’une enfant de star nationale, volontairement tenue à l’écart de tout environnement médiatique, mais pas épargnée par l’entourage rock ‘n’ roll du paternel en santiags. Le douloureux processus créatif, qui isole et irrite, la drogue, les femmes, les paparazzis, la vie pas-comme-les-autres, les figures parentales de substitution, les regards curieux… difficile pour une jeune fille de s’imposer et de trouver sa voie, sa voix.
Nous sommes, encore, pour la énième fois chez Olivier Adam, face à une disparition, et quelqu’un qui court après le disparu. Il a traité ce thème plusieurs fois déjà, et s’il excelle dans l’exploration des pistes qui peuvent mener à vouloir disparaître, ça reste un modèle déjà vu. Et dans ce cas précis, j’ai trouvé l’exercice assez simpliste. Imaginer ce que peut être la vie d’une enfant de star ne me paraît pas très compliqué. Imaginer ce qui peut amener un artiste à disparaître n’est pas très compliqué non plus. Évidemment ce qui fait le charme de cette histoire c’est la personnalité de la “fille de”, sa douceur, sa léthargie permanente, son absence de la vie, et d’elle-même, sa lucidité pourtant. La fin du livre gagne en intérêt, mais trop tard pour rattraper le tout. Dommage. Ça ne m’empêchera toutefois pas d’acheter le prochain.
📖
“Je suis cette fille qui n’a pas besoin d’exister pour vivre. Celle qui tremble quand on l’interroge, qui perd ses moyens devant une assemblée, dont le cœur s’affole quand on s’assoit à ses côtés, qu’on lui adresse un mot ou un simple regard. Je suis la fille seule au fond des cafés dont personne ne vient prendre la commande. Celle dans le bus la tête collée contre la vitre, le menton et la bouche cachés dans son écharpe. La fille perdue dans ses livres. Celle qu’on double dans les files d’attente, qu’on bouscule dans les couloirs du métro. Je suis la fille dans les musées, les galeries, qui noircit des carnets, note ce qu’elle ressent pour savoir ce qu’elle ressent. Je suis la fille qui dresse des listes. Des choses vues, qui font battre le cœur ou le serrent, de petites preuves destinées à elle-même, des vérifications.”
J’ai arrêté de lire Adam. C’est triste de voir un écrivain si prometteur ne plus arriver à se renouveler et descendre en qualité. Peut-être le prochain?
@romain : ah ben si même toi tu as arrêté… tout fout le camp ! Je ne peux pas m’empêcher de me dire que le suivant sera meilleur, et je retombe dans le panneau… Bon, au moins le style est toujours là, c’est déjà pas mal.