L’enlèvement au sérail / Les coulisses – épisode 3

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Un opéra c’est… une partition

Un opéra c’est… des chanteurs

Un opéra c’est… une mise en scène

Un opéra c’est… des répétitions

Un opéra c’est… un lieu, des décors, des costumes

Un opéra c’est… un public

Voici le troisième et dernier épisode de cette formidable aventure dans les coulisses de l’opéra L’enlèvement au sérail, de Mozart. Voir aboutir un mois de travail, mesurer  le chemin parcouru, et s’émerveiller du résultat… je vous en dis un peu plus sur les costumes, les décors et l’aboutissement ultime : la rencontre avec le public.

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Un opéra c’est… un lieu, des décors et des costumes

L’opéra-théâtre de Clermont a longtemps été fermé, avant de subir un lifting de fond en comble et de rouvrir au public plus rutilant que jamais (l’opéra, pas le public (quoique je rutile, parfois)). Souvenez-vous, j’avais suivi le Wakan théâtre dans tous les recoins de l’opéra, sous la scène, au-dessus… une superbe expérience. Depuis, il accueille de nombreux spectacles et notamment ceux proposés par le Centre lyrique Clermont-Auvergne. C’est ainsi que les dernières semaines de répétition de L’enlèvement au sérail se sont déroulées dans cet endroit magnifique recouvert de velours rouge et de dorures, en attendant la grande première du Cabaret Sérail.

Côté coulisses, on s’affaire un peu partout, les décors d’Emilie Roy sont en place (réalisés par les opéras de Reims et Rouen), Pierre Daubigny les met en lumière, tandis que nos solistes prennent possession de la scène et répètent leurs déplacements grandeur nature. J’ai découvert que le premier accessoire confié aux chanteurs, solistes et chœur, ce sont… les chaussures ! Dès la première répétition à La Diode à laquelle j’ai assisté, Nils Gustén se déplaçait avec ses escarpins aiguilles, choisis amoureusement avec l’aide de Julie Scobeltzine, la créatrice des costumes. A la Maison de la culture, les serveuses et serveurs du jeune chœur d’Auvergne se promenaient en babouches pour répéter leurs passages. Pourquoi ? Parce qu’il est indispensable d’être à l’aise dans ses déplacements, et au plus tôt, a fortiori quand on est perché sur de vacillants escarpins aiguilles que même moi je serais incapable de porter. Bon… pour la petite histoire… Nils a obtenu que les talons soient consolidés, pour gagner en stabilité et se libérer d’un stress bien inutile quand on a déjà fort à faire à honorer la partition de Mozart. Nils Gustén… parlons-en… Dans cette transposition de l’opéra dans les années 1930, dans un cabaret, il a hérité d’un numéro de transformiste dans lequel il se produit dans une robe scintillante noire, moulante et dotée d’un énorme fessier. Un sacré faux-cul ! (l’accessoire, pas Nils). De son côté Katharine Dain s’est vue attribuer une splendide robe rouge, et une nuisette lui permettant de revêtir une fois sur scène une robe-cage métallique représentant cruellement sa captivité par le pacha Selim.

Nous avons eu l’occasion de jeter un œil au petit atelier où les costumières se livrent aux derniers ajustements, se précipitent sur les retouches ou réparations à l’issue d’une représentation, nettoient, repassent, afin que tout soit parfait pour la représentation suivante. Petite astuce pour éviter de nettoyer les pièces les plus fragiles trop souvent : glisser sous les aisselles des sortes d’épaulettes, destinées à recueillir la transpiration, et qui partent plus aisément à la machine. La confection des costumes a été confiée à l’opéra d’Avignon (je rappelle que ce spectacle est une co-production), et a démarré il y a fort longtemps, plus d’un an. Il faut faire des croquis, en accord avec Emmanuelle Cordoliani, la metteur en scène (metteuse ? metteure ? j’ai vu les 2 propositions ici et là, mais je ne m’y fais pas), avant d’envisager les textiles, puis des ajustements en fonction des mensurations des solistes. On n’est pas à l’abri d’un changement inopiné de tête d’affiche en cours de route ! Pour le chœur, c’est une autre problématique, car il change dans chaque opéra ! Il faut donc que les costumes puissent être réutilisés sur des personnes différentes donc évidemment… retouches au programme des prochaines dates !

Du côté des accessoires… une table cachée derrière le décor accueillait les différents accessoires utilisés au cours des 2h30 de représentation. Sabre, cigare, valise, fume-cigarette… et deux faux doigts… dont je n’ai toujours pas compris l’utilité même après avoir vu 2 fois la représentation ! En tout cas, ce sont des éléments de mise en scène indispensables auxquels il faut soigneusement penser tout au long de la représentation, en plus des chorégraphies et des textes !

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Un opéra c’est… un public, et une tournée

Fanny, du Centre lyrique, m’a proposé d’assister à la générale, ou à une représentation publique, ou les deux. J’ai opté pour les deux (comment j’ai trop abusé), en me disant que ce serait peut-être too much mais je n’ai aucun regret, bien au contraire.

La répétition générale, c’est une représentation avec un public restreint d’invités, famille des artistes, journalistes (blogueuses, huhu) et, en théorie, susceptible d’être interrompue par le metteur en scène. Emmanuelle Cordoliani, perchée au premier balcon, n’a pas levé le petit doigt durant toute la représentation, laissant se dérouler l’intégralité du spectacle (je l’avais dans mon champ de vision et tentais de guetter ses expressions). Je n’ai pas eu l’impression une seule seconde d’être en face d’une répétition. En fait, je m’en suis rendu compte… lorsque j’ai vu le spectacle devant un vrai public, le samedi 13 janvier. J’ai (enfin) pris conscience que les solistes s’étaient pour certains (tous ?) économisés pendant la générale (et pendant les répétitions auxquelles j’avais assisté), avaient “marqué”, comme on dit. Durant cette représentation publique, j’ai pris la mesure de leur talent, de l’ampleur et de l’intensité de leur voix. Et c’était magnifique. Une claque. Et puis, j’ai noté que plein de petits détails avaient été réajustés entre la générale et le vrai spectacle, des jeux de scène ajoutés (comme la palpation des clients du cabaret, façon Vigipirate), et j’ai pris conscience de la malléabilité d’un spectacle comme celui-ci. En dehors de la partition, tout est permis ou presque, on recadre, on change, on innove, on s’amuse. Mes passages préférés sont ceux avec le jeune chœur d’Auvergne, où par deux fois l’ensemble des chanteurs chante et danse sur scène, dans une chorégraphie rondement menée et hypnotique. Mais l’ensemble de la mise en scène est exceptionnelle, sans temps mort, visuelle, colorée, surprenante, drôle. J’ai pleinement pris conscience du talent de ces solistes que j’ai vus travailler, se tromper, hésiter, appréhender parfois, durant les répétitions et qui sont, une fois sur scène, hallucinants de précision et d’aisance. Tous. Mention spéciale à César Arrieta, hyper expressif, au potentiel comique incroyable (et bruiteur de talent) et à la gestuelle parfaite.

La représentation du samedi était celle, sur les trois, ouverte aux personnes souffrant de handicap visuel et proposée en audiodescription. Je n’ai pas fait exprès de choisir cette représentation. Je n’ai pas non plus fait exprès d’aller voir “Hikari (vers la lumière)” au cinéma quelques jours avant (et qui traite du métier d’audiodescripteur). Fanny du Centre lyrique n’a pas fait exprès de me proposer de tester l’audiodescription, un boîtier étant disponible. Et voilà, voilà comment les choses s’enchaînent parfois le plus logiquement du monde. J’ai donc testé, durant toute la deuxième partie du spectacle, le boîtier et le casque diffusant les descriptions orales de l’opéra. Des voix masculines, féminines, qui jonglaient entre les traductions du texte de l’opéra (que les autres spectateurs lisent sur 3 écrans) et les éléments descriptifs : “Pedrillo entre par la droite”, “Selim monte l’escalier métallique”, “Il boude” (j’ai ri, pardon). Comme j’avais les yeux ouverts, je pouvais noter quels éléments avaient été passés sous silence (probablement pour ne pas surcharger le spectateur auditif), et aussi quels éléments de mise en scène avaient été modifiés entre le travail d’audiodescription pendant les répétitions et la mise en scène finale (peu, et sans impact sur la compréhension, je vous rassure). Ils étaient cet après-midi là une trentaine de spectateurs à bénéficier de cette prestation, qui tient à cœur au Centre lyrique qui s’efforce de la proposer aussi souvent que possible, notamment sur les grands événements. Avant la représentation, les spectateurs non- ou malvoyants ont eu la possibilité de monter sur scène afin de toucher les décors, de toucher des éléments de costumes… leur permettant ensuite de mieux se représenter la mise en scène.

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Crédit : L. Combe
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Crédit : L. Combe

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Comment conclure une telle aventure ? En disant merci, déjà. Un grand, immense merci à Fanny, pour m’avoir proposé ce projet il y a quelques mois, alors que je lui avais dit que je n’aimais pas l’opéra… Je savais que ces coulisses allaient forcément me plaire, parce que je suis curieuse comme une belette et que j’avais envie de découvrir tout un tas de trucs inconnus de moi, parce que j’avais conscience que c’était une occasion unique qui m’était offerte, un grand privilège. Ce que je ne savais pas, en revanche, c’est que j’allais prendre un plaisir fou à regarder un opéra. Un grand merci également à toute l’équipe du Cabaret Sérail, à Emmanuelle Cordoliani pour son accueil, sa gentillesse, sa générosité, à Victor Duclos, Pierre Daubigny, Julie Scobeltzine, Roberto Fores Veses, Thomas Palmer et bien sûr Katharine Dain, Blaise Rantoanina, Elisa Cenni, César Arrieta, Nils Gustén et Stéphane Mercoyrol pour avoir accepté avec la plus grande bienveillance notre présence à leurs côtés durant les répétitions. C’était un privilège, un honneur, un plaisir et c’est désormais un souvenir inoubliable.

J’écris ces derniers mots le soir de la dernière représentation à Clermont, à l’heure où ils sont sans doute en train de saluer une dernière fois le public clermontois. Je suis un peu émue de les savoir sur le départ (une partie de l’équipe a déjà mis les voiles). Prochaines escales : Avignon, Massy, Reims et Rouen. Bon vent. Heute bist du frei, Konstanze!

www.centre-lyrique.com

 

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