Sara Masüger // FRAC Auvergne

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Un corps disséqué, dupliqué, fragmenté, c’est la base du travail de Sara Masüger, artiste suisse accueillie en ce moment au FRAC Auvergne. Voilà qui peut avoir de quoi effrayer, lorsqu’on croise les premières œuvres et qu’on reconnaît, parfois avec difficulté, une tête ici, des mains là-bas, des bras suspendus, des murs tapissés d’oreilles…

Sara Masüger procède à des moulages de son propre corps, du moins des parties auxquelles elle a accès facilement, puis les duplique à l’infini puisqu’à partir de chaque moule se créée une forme toujours nouvelle, différente des précédentes, grâce aux matériaux qu’elle utilise : l’étain et l’acrystal majoritairement. L’acrystal est un matériau qui ressemble au plâtre, mais en plus résistant. Et puis dernièrement, Sara Masüger a eu l’occasion de découvrir un nouveau terrain de jeu et d’exploration : le caoutchouc. Grâce à une résidence de plusieurs semaines dans les ateliers Études et Mesures du Centre de Recherche et de Développement de Michelin sur le site de Ladoux, elle a pu expérimenter une nouvelle matière, une nouvelle façon d’habiller ce corps, son corps. Plusieurs de ces œuvres sont exposées au rez-de-chaussée du FRAC et sont celles que j’ai trouvées les plus… angoissantes. On devine à peine ces visages recouverts, comme momifiés, d’où s’échappent des tentacules, comme des Gorgones qui se seraient elles-mêmes pétrifiées. On a pourtant envie de s’approcher de ces têtes pour en admirer les reflets irisés, obtenus un peu par hasard en expérimentant différentes cuissons dans les ateliers de Michelin. Ils sont la seule concession à la couleur dans cette exposition, ces reflets irisés, puisque tout le reste est blanc, ou noir, ou d’argent.

Malgré l’omniprésence de l’artiste à travers son visage, ses mains, ses oreilles, il n’est pas question ici d’autoportrait car de ces représentations corporelles il ne reste parfois que des formes tout juste reconnaissables. A travers ces moulages, Sara Masüger nous parle d’un rapport au monde, de celui que nous avons avec notre propre corps. Les positions faussement figées de ces parties du corps évoquent le mouvement, l’occupation de l’espace, l’aspect utilitaire, la plasticité infinie du corps et son intégration permanente à son environnement que ce soit physiquement, ou par le langage notamment.

Ce que j’ai beaucoup aimé dans les œuvres de Sara Masüger c’est leurs différents degrés de lecture. Au premier coup d’œil, on peut voir ici comme un champs de fleurs géantes, avant de finalement reconnaître des visages dont s’écoule une matière visqueuse formant une tige qui les soutient ; dans une autre salle, on croirait des souches carbonisées, avant d’observer que ce sont des mains, posées sur un carrelage comme celui d’un laboratoire. Et ces bras, suspendus comme à l’étal, au premier abord effrayants, puis rassurants par leur apparente mollesse, leurs boursouflures improbables, comme des polochons, d’inoffensifs accessoires de théâtre.

Dans la dernière salle, c’est le corps recomposé, enfin, le corps entier, reconnaissable, qui se mire dans l’eau et tente de toucher son reflet. Seule oeuvre qui ne soit pas issue d’un moulage du corps de Sara Masüger, “restored reaction” est une sculpture superbe et fascinante mais qui ne s’apprécie totalement que lorsqu’on a fait le chemin éprouvant de la fragmentation, de l’éclatement du corps et des sens, comme un soulagement d’être là, entier au monde, et de pouvoir s’en assurer par son reflet.

Une exposition à voir jusqu’au 6 janvier 2019 au FRAC Auvergne

En savoir +

Je vous recommande l’achat du catalogue d’exposition, dont les superbes photos permettent de saisir certains détails des sculptures, ainsi que le visionnage de cette vidéo très intéressante dans laquelle on découvre Sara Masüger en train de travailler dans les ateliers de Michelin, et de raconter cette expérience qui était une première pour elle comme pour Michelin.

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