La vallée des dix mille fumées

dixmillefuméesExplorer le monde. En commençant par sa chambre.

Voilà le projet de Monsieur Henri, 75 ans, qui après une mauvaise chute se réveille dans son lit et découvre le monde avec des yeux neufs. Le plafond, les murs, la lumière qui se faufile par la fenêtre. Puis le reste de la maison, la terrasse, le jardin. Oh le jardin ! Terrain d’exploration infini – ou presque – où Monsieur Henri découvre une mare, la navigation, les arbres, les limites de son jardin, déjà. Avide de connaissances, plongé dans les livres et encyclopédies de sa bibliothèque, il a désormais des envies de voyage lointain, d’aller voir de ses propres yeux des territoires inconnus, d’étudier les insectes, les plantes, les mœurs des autochtones.

Comme il n’entend pas renoncer à son projet de voyage malgré ses soucis de santé et son grand âge, Monsieur Henri reçoit l’aide de son médecin et de son voisin, qui trouvent un camping-car un peu fatigué mais qui fera bien l’affaire pour ce voyage aux allures d’entraînement intensif pour Monsieur Henri. Avant d’aller fouler la terre convoitée de la vallée des dix milles fumées en Alaska, ils testeront la résistance de Monsieur Henri sur les routes de France et notamment sur les volcans français, en Auvergne, et sur les pentes du Mont Blanc. Bardé de matériel d’un autre âge qui fonctionne à peine, voire pas du tout, Monsieur Henri se veut géologue, botaniste, entomologiste, météorologue, tout à la fois, mais se heurte aux limites de ses connaissances, quasi inexistantes il faut le dire. Mais peu importe, en fait. Il regarde, sent, s’imprègne longuement des paysages et en retire une plénitude satisfaite. Quel sera la finalité de ce voyage, de ce road-trip contemplatif ? Monsieur Henri va nous faire voyager jusqu’aux confins de la poésie.

J’ai eu le plaisir de rencontrer Patrice Pluyette lors d’une rencontre-dédicace organisée à la librairie Les Volcans, avec Olivier Perrot en maître de cérémonie (voir photo ci-dessous). Je rejoins ce dernier sur la difficulté à parler de ce roman. Une fois qu’on a fait le pitch, comme je viens de le faire maladroitement ci-dessus, il est très compliqué de compléter la description. Car il ne s’agit pas ici d’un roman comme les autres, d’un récit d’aventures classique, et je ne voudrais pas que certain.es d’entre vous se lancent dans sa lecture sans bien comprendre que La vallée des dix mille fumées est à envisager comme un conte. Une fable. Une épopée onirique dans laquelle on tourne en rond, on vole, on accepte de lâcher prise et de se laisser embarquer dans un voyage qui oscille entre description scientifique et embardées fantastiques. Patrice Pluyette a, auparavant, écrit de la poésie et ce roman en arbore les plus jolis ornements. Des ellipses, des rimes, des constats dont la poésie vaut vérité scientifique, et un message – même si Patrice Pluyette se défend d’avoir voulu faire passer un quelconque message – dont l’écho résonne longtemps après avoir refermé le livre. C’est magnifiquement écrit, d’une grande élégance autant que d’une grande fraîcheur stylistique. Le genre de pépite littéraire qui me fait penser à Alexandre Vialatte, tant sur le fond que sur la forme. J’ai appris en faisant des recherches sur Patrice Pluyette qu’il avait été sélectionné pour le prix Vialatte 2015, et ne l’avait pas eu. Consternation totale. J’exige qu’il soit primé en 2019. Tout est tellement viallatesque dans La vallée des dix mille fumées ! Pourtant, Patrice Pluyette avoue n’avoir jamais lu Vialatte.

Je suis Monsieur Henri. Comme lui, j’aime partir en exploration à côté de chez moi et observer la faune, la flore, les nuages. Je prends en photo, parfois je note en me promettant de faire des recherches, mais je n’y connais rien. Alors j’abandonne et me contente du plaisir, de l’émerveillement, du souvenir fugace du vent dans mes cheveux ou d’une photo que j’estime réussie. Les volcans d’Auvergne, la chaîne des Puys et le Sancy en particulier, tiennent une jolie place dans ce roman. Patrice Pluyette, durant l’écriture, a séjourné quelques jours du côté de Besse et en a profité pour se balader. Son regard sur nos volcans est particulièrement savoureux pour moi qui les connais par cœur et je suis très fière que Monsieur Henri les ai foulés ! Je relis certains des passages que je j’ai relevés de post-it (dont l’alignement coloré a amusé Patrice Pluyette) et j’ai comme une envie de le relire, déjà. Pour laisser de côté l’histoire, que je connais désormais, afin de me concentrer sur ces petites perles poétiques qui donnent tout son éclat à ce roman réjouissant, bienveillant, inspirant, apaisant.

Je remercie Patrice Pluyette pour les sympathiques échanges à la librairie Les Volcans, ainsi que pour sa gentille dédicace. Je vais désormais me pencher sur le reste de son oeuvre, qui m’apportera je l’espère autant de plaisir que le voyage de Monsieur Henri.

“C’est au nombre d’insectes visibles au ras de l’herbe dans un rayon de soleil après la pluie que monsieur Henri mesure la densité de la vie.”

“Il pleure d’émotion devant ce qu’on ne remarque plus : l’air à respirer, ses oscillations imprimées sur une plume en lévitation, une poussière, du pollen – que sait-on de la phanérogamie ? Il ressent parfois le besoin de se blottir sur lui-même, de se protéger des éclats du monde. D’interrompre le voyage ? Surtout non.”

Édité chez Seuil

Je vous invite à écouter Patrice Pluyette dans cette vidéo pour avoir son résumé du roman.

pluyette.jpg

pluyette2.jpg

2 Comments

T'as un truc à rajouter ?

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s