Les romans d’Haruki Murakami sont toujours une drôle d’aventure. On ne sait jamais où ils vont nous conduire, sur la route bien tracée de la réalité ou sur les chemins mystérieux du récit fantastique. Les deux volumes du Meurtre du Commandeur – une Idée apparaît (livre 1) et la Métaphore se déplace (livre 2) – empruntent toutes les routes mais avec une progression significative. Qui se termine en boucle. Vertige.
Dans le premier volume, nous faisons connaissance avec un peintre japonais, spécialisé dans les portraits et particulièrement reconnu pour ses talents. Il nous raconte comment, un beau jour, son épouse l’a quitté puis les conséquences que ça a eu sur son existence pendant quelques mois. Après avoir quitté l’appartement conjugal un peu penaud et désabusé, le peintre se lance dans une sorte de road trip de quelques semaines au cours duquel il va se passer quelques événements significatifs pour la suite de l’histoire. Puis, grâce à un ami de l’école des Beaux-Arts, il s’installe dans la maison du père de ce dernier, qui n’est autre que l’un des plus grands peintres du pays, Tomohiko Amada. Le vieux monsieur a perdu la tête et doit désormais résider dans un établissement spécialisé. Notre jeune peintre va trouver dans cette maison isolée dans la montagne le lieu idéal pour explorer de nouvelles pistes de sa créativité : ras-le-bol des portraits, il décide de trouver une voie différente, plus expérimentale. L’arrivée d’un riche voisin, Menshiki, réclamant son portrait va déclencher une cascade d’événements étranges. La découverte d’un tableau caché dans le grenier, intitulé Le meurtre du commandeur, va accompagner notre peintre tout au long de cette histoire pleine de rebondissements mystérieux : une clochette qui tinte dans la nuit, une fosse mise à jour dans le jardin, le Commandeur du tableau qui surgit dans la réalité et se présente comme une Idée, des objets qui disparaissent, une adolescente aussi mystérieuse que entêtée…
Il est toujours difficile de résumer et de tirer des interprétations des romans de Murakami, mais ces deux volumes (qui en appellent un troisième, est-il prévu ?) sont une puissante vision du métier d’artiste, de son statut, de la difficulté de créer, de l’inspiration. Notre peintre vit une situation personnelle difficile – une rupture – se rend compte qu’il s’est enterré dans un schéma de vie qui ne lui convient pas – les portraits de commande, sans intention artistique – mais se trouve confronté à l’angoisse de la toile blanche. L’inspiration ne vient pas, sauf quand l’inconscient, les émotions, le besoin de se libérer de ses démons se manifestent à leur façon. Cette fosse dans le jardin, dont ne peut sortir seul mais qui est le lieu où les grandes décisions se prennent, où les pensées sont les plus profondes et les plus limpides, elle est la métaphore de l’inconscient. L’art est décrit ici comme un moyen de consigner l’indicible, de déposer une fois pour toute ses émotions quelque part, quitte à finalement ranger l’oeuvre dans un grenier, pour ne plus qu’elle nous hante.
Comme toujours avec Murakami, l’écriture est simple mais poétique. La traduction par Hélène Morita et Tomoko Oono est excellente et n’a pas dû être facile par moments. J’ai particulièrement aimé les titres de chapitres joliment poétiques, comme des haïkus, qui contribuent à faire de ce roman une ode à l’art et à la création particulièrement réjouissante.
Retrouvez ma chronique dans Les Bouquineurs sur France Bleu Pays d’Auvergne (cliquez sur l’image)
Je viens de finir le premier opus et j’ai aimé. C’était une découverte et je pense que je retrouverai avec plaisir cet univers un peu flottant, onirique, vraiment singulier.
Murakami c’est à chaque fois une surprise !
C’est bon à savoir ! Mais ça fait du bien aussi, d’être étonnée et de sortir de sa zone de confort.