Je connais très bien Fabcaro pour ses BD, au nombre desquelles : Zaï Zaï Zaï Zaï, Formica, Steak it easy, Pérou… toutes des chefs-d’œuvres d’absurdité, de mélancolie et d’humour. Je découvre Fabrice Caro romancier avec ce Figurec datant de 2006. Je me demandais si l’humour, l’absurdité pouvaient se passer des planches de BD, de ces personnages façon roman photo et de ces dessins farfelus. Réponse : oui. Grave.
Le héros-narrateur a la trentaine, est artiste et s’est lancé depuis déjà un petit moment dans l’écriture d’une pièce de théâtre qui, il faut bien le dire, n’avance pas beaucoup. Ses parents, son frère et ses quelques amis ne se gênent pas pour lui rappeler à chaque conversation. Pour une raison qu’on ignore, il passe aussi beaucoup de temps dans les enterrements, afin de juger de leur qualité : ambiance générale, animations, chansons diffusées, crédibilité des pleurs… et c’est là qu’il va rencontrer un certain Bouvier, petit bonhomme désagréable mais qui va bouleverser sa vie en lui apprenant l’existence de la société Figurec.
Celle-ci fournit des figurants pour à peu près toutes les situations : enterrements évidemment, repas de famille, manifestations politiques, émissions de télé, métiers divers et variés… Le monde de notre héros vacille. Une vie de mensonge révélée au grand jour. Mais ce secret dévoilé va lui apporter bien des ennuis, car on ne rigole pas avec Figurec.
Comme toujours avec Fabrice Caro, l’absurdité du récit n’est là que pour surligner l’absurdité de la vie, ces relations sociales qui ne sont là que pour donner le change, pour rassurer ou se rassurer. ces personnes qu’on côtoie plus par convention sociale que par réelle proximité, qu’on s’impose pour ne pas avoir à justifier d’autres choix, sujets à jugements qu’on n’a pas envie de subir, où ces personnes dont on recherche la compagnie et qui font semblant d’éprouver les mêmes envies, de peur d’être blessants ou par simple lâcheté. Bref, le sujet est hilarant certes, mais aussi profond voire désespéré, pour qui voudra bien lire entre les lignes.
L’écriture de Fabrice Caro, déployée plus largement dans le contexte d’un roman que dans une BD, est absolument réjouissante. C’est très drôle, avec des trouvailles d’absurdité dont il a le secret, avec des trouvailles de mise en page qui rendent le texte graphiquement visuel (pardon, en l’écrivant j’ai conscience que ça ne veut pas dire grand-chose mais je me comprends).