Il s’est passé des années depuis la dernière fois où Alexis a vu Clara, son amour de jeunesse. Alors quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il reçoit un jour un message de Clara sur son téléphone, lui demandant de l’aide. Lui qui s’apprête à se marier avec Clémence, la fille de son patron, lui qui vient d’obtenir une belle promotion et s’efforce de faire un bébé… voilà un sacré grain de sable dans les rouages bien huilés de son existence car il faut bien le dire, il n’a jamais pu oublier Clara. Cette dernière lui confie que sa fille de 18 ans a disparu dans un accident de bus il y a des années mais elle a la conviction qu’elle est encore vivante, quelque part. Et c’est à Alexis qu’elle demande de la chercher, lui l’employé de compagnie d’assurance, qu’elle n’a ni vu ni contacté depuis des années. Va-t-il accepter et comment va-t-il s’y prendre ?
Cette quête et enquête nous mène aux confins de la France et de l’Espagne, où un paisible village semble cacher bien des secrets qu’il vaut mieux ne pas exhumer. Alexis va l’apprendre à ses dépends, aidé malgré tout par Clara qui elle aussi n’est pas forcément celle qu’Alexis croyait.
[Attention spoiler ci-dessous]
Sylvain Forge est un habitué des polars mais aussi des technologies numériques et de leurs usages. Il s’attaque ici au chatbot, piloté par une intelligence artificielle capable d’apprendre au fur à mesure que la conversation s’étoffe. Clara n’est pas un personne de chair et de sang mais un double numérique, programmé pour échanger avec Alexis de manière autonome, le plongeant dans une addiction nostalgique pouvant lui faire perdre la tête. Le reste de l’intrigue repose sur des secrets de labos pharmaceutiques, là aussi basés sur des expériences réelles controversées, ici poussées à l’extrême de leur dangerosité pour la société. Si je reste un peu sur ma faim concernant le dénouement final de ce polar, je suis toujours passionnée par les problématiques soulevées par Sylvain Forge dans ses romans car on se dit que la fiction n’est pas si loin de la réalité et que les dérives sont toujours possibles, pour peu qu’une innovation technologique tombe entre de mauvaises mains.
Parmi les sujets que je trouve particulièrement passionnant, il y a l’utilisation des chatbots à des fins sociales, pour lutter contre la solitude des personnes âgées par exemples(https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1866335/siri-alexa-dialogueur-chatbot-technologie-personnes-agees). Il y a aussi la problématique, énorme, de l’identité numérique éternelle et des données personnelles stockées sur les énormes serveurs à l’autre bout du monde. Le nombre de profils de morts sur Facebook n’est pas loin de devenir plus important que celui des vivants. Et quid des profils et pages, et tous les autres réseaux sociaux et ce qu’ils comportent de contenus, plus ou moins sensibles selon l’usage qu’en font les gens ? Ce sont de vraies questions, parfois épineuses lorsqu’il faut ferrailler avec les multinationales intouchables et généralement sourdes aux réclamations de leurs usagers. Et puis il y a la question de l’addiction à un monde virtuel, désormais possiblement peuplé de personnes tout aussi virtuelles dont la conversation s’adapte à vos envies, anéantissant tout conflit et toute aspérité qui font le sel des relations sociales. Food for thought.