La sortie d’un nouveau film de Kore-Eda Hirokazu est toujours un petit événement, pour le monde du cinéma bien sûr mais aussi pour moi, qui suis devenue au fil du temps une fan de ce réalisateur japonais à la sensibilité si particulière.
C’est au cinéma Les Ambiances que j’ai pu découvrir ce film en avant-première. C’est désormais un rituel bien rôdé, Les Ambiances programment les nouveautés japonaises et s’associent avec Maïko et Tetsuya Gotani de l’association Japon Auvergne-Nippon Auvergne (JANA) ainsi qu’avec la librairie Momie pour offrir aux spectateurs une belle soirée de découverte. Maïko nous a fait part de son admiration pour Kore-Eda, pour son talent si particulier à filmer et pour sa rigueur dans la préparation de ses films (il s’est notamment replongé dans la filmographie de Ozu). Totalement conquise par ce nouveau projet, elle a toutefois regretté le choix du titre français, pas franchement fidèle au titre original du manga duquel il est tiré : Umimachi diary ou Kamakura diary. Pour rester dans la thématique manga, Julie de la librairie Momie nous a ensuite parlé de l’auteure, Yoshida Akimi, et a proposé un petit quiz pour faire gagner quelques cadeaux aux spectateurs attentifs. Un grand merci à Maïko et à Julie pour leur présentation passionnante et passionnée !
Kamakura. Trois soeurs cohabitent dans une grande maison pleine de courants d’air. Sachi l’aînée soucieuse et responsable, Yoshino la cadette délurée hypersensible et Chika, la benjamine cool. Leur mère est partie vivre à Sapporo il y a maintenant bien longtemps, suite au départ de son mari parti refaire sa vie ailleurs. Une mère absente et démissionnaire, et un père qui a fui ses responsabilités. Et qui vient de mourir. Les trois soeurs décident d’assister aux funérailles et voilà l’occasion de rencontrer cette famille inconnue qui a été celle de leur propre père pendant quinze ans. L’occasion de rencontrer Suzu, la quatrième fille du défunt, une adolescente timide et bienveillante qui tombe immédiatement en admiration devant ses trois demi-soeurs. C’est décidé, elle viendra habiter dans la maison des courants d’air !
Ensuite c’est une histoire de femmes, d’amour, de secrets, de peines. Les quatre soeurs mais aussi la mère qui revient, la grand-tante qui veille, la vieille amie du restaurant du coin. Ce qui est remarquable dans ce film, japonais donc, c’est la place des femmes. Elles travaillent, ont des responsabilités, jouent au foot, assument leur quotidien, prennent des amants, défient l’autorité parentale. Sans vouloir tomber dans la caricature, voilà une vision plutôt rock ’n’ roll des femmes dans la société japonaise et c’est réussi. Kore-Eda, avec la subtilité et la retenue qu’on lui connaît, nous livre une galerie de portraits de femmes où chacune déploie une personnalité riche de tonalités, une profondeur pleine de nuances. Si Sachi et Suzu sont au coeur de cette histoire de famille atypique, leur présence est sublimée par ce que les personnages secondaires leur apportent, par leur regard, leurs différences mais aussi par leur destin commun.
Kore-Eda réussit une nouvelle fois l’exploit de faire jaillir de la douleur une lumineuse douceur. Comme il en a le secret, il filme chaque recoin de la maison, s’infiltre, comme un doux courant d’air tiède, dans le quotidien de ces femmes, cette table chauffante, ces repas, ce bain partagé, ce jardin, cet alcool de prune stocké année après année qui arrose autant les réjouissances qu’il console des petits malheurs. Ces quatre jeunes femmes, belles et pleines de vie, traînent chacune leur souffrance, celle d’avoir vu partir leur père, de l’avoir vu mourir, d’avoir dû se construire seules… Des traumatismes, des choix cornéliens, des morts, mais beaucoup, énormément de bienveillance et de joies simples.