J’ai relu l’hiver dernier la saga des Olivier, écrite par Robert Sabatier (relire mon article), et si je devais retenir un seul volume ce serait bien entendu Les Noisettes sauvages. Le petit Olivier, qui n’est autre que Robert Sabatier lui-même, y passe son premier été, celui de toutes les découvertes de la campagne et aussi celui du bonheur de cette vie simple au rythme des cycles du soleil. Résolue à découvrir moi aussi ce pays merveilleux de Saugues, je suis partie deux jours en exploration sur les traces de Robert Sabatier.
La rue des Tour-Neuves, la rue de la Borie (!!), l’hôtel Chany (Hôtel de la Terrasse), la Seuge, la collégiale Saint-Médard, la tour des Anglais, le chemin de Saint-Jacques, la bête du Gévaudan… Voici une collection de souvenirs et quelques citations tirées du roman, car pour ce billet, c’est Robert Sabatier qui fait la visite guidée !
Pardon pour les photos un peu sinistres parfois, la météo n’a pas été très coopérative sauf en de rares (mais belles) occasions. Et si certaines vous semblent n’avoir aucun intérêt, rassurez-vous, elles en ont un pour moi.
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“Saugues, Saugues, ce simple nom d’un village prenant une apparence de paradis perdu.
Il se le répétait intérieurement, grave, élevé, grandiose comme une musique d’orgue. Saugues, l’endroit où il aurait dû naître, Saugues, Saugues.”
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“Si j’allais me balader aussi ? Après tout, tant pis pour la pluie. Il enfila la rue des Tours-Neuves et, par bravade, leva le menton pour que l’eau coulât sur son visage.”
“Il enfila la rue des Tours-Neuves, bien décidé à saluer tout le monde, et se répandit en grands bonjours.”
“De sa place, Olivier bénéficiait d’une vue éblouissante sur la colline où l’on voyait serpenter noire la route du Puy ; parfois y passait une automobile petite comme un jouet. La campagne formait une immense palette où, du vert tendre au brun foncé, se mêlaient le jaune d’or, le gris bleuté, l’argent, l’ocre ardent et cent autres nuances.”
“Ils descendirent ainsi la rue de la Borie jusqu’au cimetière où les monuments funéraires, les croix de pierre dépassaient le ruban de mur pour regarder la campagne.”
“Sur le parvis de l’église, le curé qu’on appelait monsieur l’archiprêtre ou monsieur le chanoine, était entouré de femmes en coiffe. […] Sur la place du monument aux morts, des gamins jouaient au rat d’ichi rat d’alaï en courant comme des mouches par temps d’orage.”
“Timidement, Olivier entra dans le couloir de l’Hôtel de la Terrasse. Sur la gauche s’ouvrait la salle de restaurant où l’on recevait surtout des pensionnaires et des bruits de vaisselles y cliquetaient. A droite, on entendait les chocs des verres, les interjections des beloteurs et le bruit des poings cognant vigoureusement la table au moment de lâcher une carte maîtresse.”
“Il longea le mur de l’école des frères qui lui semblait pleine de secrets, atteignit la place de la Borie, alla boire un coup à la fontaine-abreuvoir, glissa sur une bouse et jeta : “Ah ! la vache…” Après une hésitation entre la rue des Fossés et la rue Portail-del-Mas, il choisit la grimpette de cette dernière, toute tortueuse.”
“Par ces présences humaines, Saugues resplendissait, se chargeait du sang neuf d’une vie nouvelle. La tour des Anglais, moins sombre avec ses pierres irisées dans le soleil, se revêtait de majesté débonnaire.”
“Tu connais la tour des Anglais, la croix des Anglais et aussi le monument du général anglais. Sous les croisées d’ogives se trouvait autrefois une tombe, mais de qui ? On appelait souvent Anglais les routiers qui dévastaient nos campagnes.”
“Pourquoi le pépé, ennemi de tout ce qui rappelait la guerre, s’arrêta-t-il devant le monument aux morts ? La place était déserte, le soleil buvait lentement les restes de l’orage.”
“Dormait-il debout ? […] Il parcourut quelques rues de Saugues où même les maisons semblaient dormir, puis descendit la Borie jusqu’au cimetière. La grille l’attira. Il serra les barreaux rouillés très fort, comme un prisonnier. Il y appuya son front pour sentir le froid du métal. La porte s’ouvrit. »
“En contrebas, les courbes de la Seuge invitaient à la promenade. Des fermes lointaines, on apercevait les toits de tuiles brunies sur un fond de pâturage et de bois aux nuances pastel, sous les autels lointains des montagnes noires.”
“A l’intérieur du lavoir où le mince ruisseau étalait des eaux plus larges, il faisait bon frais. Trois femmes étaient installées, à genoux dans une caisse en bois triangulaire devant la pierre inclinée sur laquelle elles savonnaient, frottaient, battaient leur linge.”
“Dans ce pays, l’eau paraissait plus vive et plus puissante que partout ailleurs. Elle creusait vaillamment ses lits, fertilisait, s’opposait aux sédiments de lave et de granit. Si elle paressait aux endroits profonds, brusquement on la voyait s’éveiller et se précipiter comme une suicidée sur les rochers polis, là où l’on pouvait traverser à gué, en sautant de pierre en pierre.”
“Je suis de Saugues aussi, un vrai Auvergnat, mon pote
-Tu apprendras bien un jour la géographie et tu verras que Saugues n’est pas en Auvergne
-Où alors ?
–C’est la porte du Gévaudan, mon cher. »
“De sa vie, Olivier ne verrait un visage aussi empreint de sérénité. Après l’avoir quittée, Alphonse dit :
-C’est une béate
-Le berger m’en avait parlé
-Il t’a dit ? Elles donnent tout d’elles et vivent de rien. Elle disparaissent, elles aussi. Aujourd’hui, qui ferait le don de soi ?”
“Issue de nuages chargés de nuit une lueur fantastique se déplaçait, dévorait la plus vaste part du ciel, effaçait les découpures des toits, métamorphosait les roches, les arbres, les murailles. Des roulements de cataclysme et tout devint confus, fantomatique. A l’horizon, une nappe violette, des ailes de feu, de soufre, de lueurs d’assassinat, la voix de tôle remuée du tonnerre roulant, traînant, se répétant, rendaient la montagne folle. […] Le vent se coucha comme un chien. La pluie cessa de vous tomber sur les nerfs. La respiration parut plus facile : l’orage passait. Des vapeurs s’élevèrent des prairies, un timide rayon de soleil apparut.”
“Salut Alphonse ! […] Vous venez bien tard, cette année…
-J’ai voulu visiter Rome, puis la Côte d’Azur. Partout j’ai regretté Saugues ! »
Excellent. J’espère que tu le referas avec un autre roman et une autre ville.
@Val : je l’avais annoncé, y a Vialatte et Pourrat en haut de la liste. Mais faut que je me retape la bio de Vialatte. Et Pourrat/Gaspard, j’ai commencé il y au un moment mais c’est ardu. Sinon, plus loin, Maupassant me fait de l’œil en Normandie mais je peux commencer plus proche avec Mont-Oriol, Châtel-Guyon et le gour de Tazenat :)