
Bon. Je suis un peu embêtée. Après avoir adoré, mais vraiment, Plateau, Né d’aucune femme, Grossir le ciel et Oxymort (moins Vagabond), je me suis ruée dès sa sortie sur Buveurs de vent. J’ai commencé à le lire il y a plusieurs semaines, avançant avec difficulté. J’ai laissé tombé un moment, mettant ça sur le dos, c’est le cas de le dire, de mes difficultés à tenir longtemps un livre dans mes mains (saloperies de cervicales), puis j’ai repris, depuis le début. Et je l’ai enfin terminé, un peu soulagée, je dois dire, à la perspective de passer à autre chose.
Bon, déjà, le pitch. Tout se passe dans la vallée du Gour noir, au fin fond du Massif central, mais en fait ça aurait bien pu s’appeler autrement ça aurait été pareil. C’est un peu toujours le cas dans les romans de Franck Bouysse, les lieux et décors sont une simple formalité narrative. D’ailleurs, les protagonistes ont des airs et des noms qui sonnent comme un ailleurs lointain, comme un western où dansent les tumbleweeds dans des rues inquiétantes : Joyce, Lynch, Snake… Mais on a aussi les apôtres Marc, Matthieu et Luc. Leur sœur se fait appeler Mabel. Ils sont inséparables. Dans la vallée, toute la vie tourne autour de la centrale électrique, propriété du tyrannique Joyce, comme tout le reste de la ville. La terreur règne : surveillance des faits et gestes, intimidations, menaces, parfois mises à exécution. Ce qui ne manque pas de soulever, doucement, un vent de révolte, porté par la colère et la vengeance, et d’éveiller les âmes endolories.
Il m’a manqué dans ce roman le rythme haletant de Né d’aucune femme, il m’a manqué les descriptions tortueuses et poétiques de Plateau, j’ai trouvé le sujet long à se mettre en place et je ne voyais pas bien où toute cette histoire allait nous mener. Alors une fois arrivé à la fin, ce roman apparaît évidemment comme une fable ou un conte, plus qu’un polar ou thriller comme pouvaient l’être les précédents romans que j’ai lus. On y trouve un lieu mystérieux semblant coupé du monde, une fratrie composée d’une fille à l’aura magnétique, d’un rêveur, d’un taiseux et d’un simplet, un tyran dont toutes les rues de la ville portent le nom et qui fait surveiller ses habitants par un tandem cruel et caricatural, un sheriff stupide à la solde du tyran, un héros silencieux au passé trouble, un final… que je ne vous révélerai pas mais à la portée symbolique tant sur le plan littéraire que psychologique. Bref, les traits particulièrement forcés font pencher le récit vers un conte à la fois cruel et porteur d’espoir. Les “buveurs de vent” nous montrent la voie de la poésie, des plaisirs simples, de la fraternité. C’est dommage car j’ai été sensible à ce final, à cette morale de l’histoire, à sa complexité amère. J’ai malheureusement trouvé le temps long pour y arriver.
Buveurs de vent a reçu le prix Jean Giono 2020